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Un an après le début de la guerre en Ukraine, l'intégration réussie des réfugiés en Pologne

Ce pays de l'Union européenne est devenu la première terre d’accueil des Ukrainiens qui fuient le conflit. Illustration à Lublin, une ville polonaise proche de la frontière, où certains réfugiés ont trouvé une "nouvelle maison".
Article rédigé par franceinfo, Benjamin Illy - avec Hélène Langlois
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Des réfugiés Ukrainiens s'enregistrent dans un bureau d'immigration à Lublin, le 5avril 2022. Photo d'illustration. (VALERIA MONGELLI / HANS LUCAS / VIA AFP)

La Pologne à l'épreuve de la solidarité : depuis un an, ce pays de 38 millions d'habitants et voisin de la guerre en Ukraine est devenu la première terre d'accueil des Ukrainiens et compte plus de 1,5 million de réfugiés. À Lublin, à une centaine de kilomètres de la frontière ukrainienne, le principal souci est évidemment de trouver du travail quand on parle d'intégration des réfugiés. Dans un pays où le taux de chômage est l'un des plus bas de l'Union européenne, autour de 3%, l'arrivée des réfugiés ukrainiens sur le marché de l'emploi est vue d'un bon œil.

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Les autorités estiment qu'en moyenne 60% des réfugiés exercent une activité professionnelle en Pologne. Dans un restaurant du centre de Lublin, le propriétaire Jacek Abramowski a embauché une douzaine d'Ukrainiens : "Les employés ukrainiens ont sauvé le marché du travail. On manquait de salariés, les Ukrainiens nous ont sauvés, car on ne trouvait personne pour travailler en cuisine." 

"On les paye de la même façon que les Polonais, on ne fait pas de différence. Ce n'est pas parce que quelqu'un vient d'Ukraine et fuit la guerre qu'on va en profiter, ça ne marche pas comme ça. Ces personnes sont traitées de la même façon que les Polonais."

Jacek Abramowski, restaurateur

à franceinfo

Le vice-maréchal de la région de Lublin, Zbigniew Wojciechowski, nous fait visiter son bureau avec un drapeau ukrainien bien en vue. Sa femme vient de Lviv, de l'autre côté de la frontière. Il a donc un lien très personnel avec l'Ukraine : "La Pologne c'est la patrie, mais la deuxième patrie c'est l'Ukraine." Zbigniew Wojciechowski rappelle à quel point sa région est mobilisée depuis le début de la guerre pour envoyer notamment des ambulances et du matériel médical en Ukraine mais aussi pour soutenir les réfugiés.

Zbigniew Wojciechowski, vice-maréchal de la région de Lublin. (BENJAMIN ILLY / RADIO FRANCE)

"Nous avons ouvert nos cœurs et nos maisons"

À Lublin, il y a de l'aide sociale, de la formation professionnelle et un apprentissage de la langue. Dans un pays dirigé par le parti Droit et Justice, ultra-conservateur, il s'agit d'un virage à 180 degrés dans l'accueil réservé aux étrangers. "Pourquoi les Ukrainiens ont été reçu si cordialement en Pologne et surtout dans notre région ? C'est parce que nous sommes une région frontalière", explique le vice-maréchal de la région de Lublin.

"Nous avons un patrimoine culturel commun, des langues qui se ressemblent, une mentalité similaire et pour nous, c'était naturel d'accueillir nos frères et sœurs de l'Ukraine."

Zbigniew Wojciechowski, vice-maréchal de la région de Lublin

à franceinfo

Pour le vice-maréchal, "il est plus difficile d'accueillir et de faire accepter par la société des gens venant d'autres endroits. Il est facile pour nous d'intégrer les Ukrainiens. Nous avons souvent de la famille des deux côtés [de la frontière], c'est pour ça que nous avons ouvert nos cœurs et nos maisons."  

Les Ukrainiens sont donc les bienvenus en Pologne, et parfois encore aujourd'hui chez l'habitant. Piotr, 40 ans, est avocat et va régulièrement en Ukraine pour apporter de l'aide humanitaire. Il possède un bel appartement dans le centre de Lublin, où il héberge depuis plusieurs mois deux femmes ukrainiennes et leurs enfants. Il ne demande rien, surtout pas d'argent.

Dans le regard d'Alona, 32 ans, originaire de Kiev, il y a de la reconnaissance. "C'est ma maison, lâche-t-elle. Piotr, c'est ma nouvelle famille." "Tant qu'il y a besoin, je veux le faire, déclare Piotr qui dort pour l'instant dans le salon. Aux filles qui habitent chez moi, je leur dit qu'elles peuvent rester ici autant qu'elles en ont besoin."

Piotr, polonais, chez lui à Lublin où il héberge deux sœurs ukrainiennes et leurs enfants. (BENJAMIN ILLY / RADIO FRANCE)

Des dortoirs bientôt payants ?

La société civile est donc mobilisée, sans oublier les associations, qui se sentent cependant pour beaucoup abandonnées par l'État. L'association Homo Faber à Lublin, qui défend les droits humains, est au chevet des réfugiés ukrainiens depuis le premier jour. La présidente Anna Dambrowska pointe du doigt un manque de soutien logistique et financier au plus haut niveau : "Pour l'instant, ce sont les ONG et les autorités locales qui s'occupent des réfugiés, mais je ne vois aucune action du gouvernement. À partir du 1er mars, il va y avoir un changement avec une nouvelle loi qui entre en vigueur. Elle oblige certains groupes de réfugiés à payer leur logement dans les centres d'accueil, c'est une idée absurde." 

"C'est la première fois que j'entends dire que des réfugiés doivent payer pour accéder à des locaux publics, le plus souvent des dortoirs."

Anna Dambrowska , présidente de association Homo Faber 

à franceinfo

Anna Dambrowska, présidente de l'association Homo Faber à Lublin. (BENJAMIN ILLY / RADIO FRANCE)

Ces situations sont aujourd'hui largement minoritaires, et concernent moins d'un millier d'Ukrainiens à Lublin sur environ 50 000 réfugiés recensés dans la ville. Des réfugiés qui ont, pour la plupart, trouvé un logement. Mais quelles que soient les difficultés, Anna Dambrowska ne relâchera pas l'effort de tenir et de tendre la main aux Ukrainiens un an de plus, "sans hésitation".  

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