À l'occasion de la journée mondiale de liberté de la presse, état des lieux contrasté en Europe
Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui, la liberté de la presse, vue depuis la Suède, la Bulgarie, et la Pologne.
Quand on regarde le classement de la liberté de la presse en Europe, ce qui frappe au premier regard, c’est la présence, sur les quatre premières places, de pays scandinaves. En l’occurrence, la Norvège, la Finlande, la Suède et Danemark. Dans ces pays, c’est une tradition. Au Danemark, la liberté d’expression est garantie par la Constitution dès 1849. Dans d'autres pays comme en Bulgarie ou en Pologne le travail des journalistes est moins facilité.
En Suède les données sont publiques
La Suède est le premier pays au monde à avoir adopté une loi sur la liberté de la presse, en 1776. La presse est non seulement libre, mais elle est efficace, car elle peut accéder à de très nombreuses sources. En Suède, par exemple, tout est public. Sur une simple demande en ligne vous pouvez connaître le salaire de n’importe qui, ou éplucher les dépenses faites par un ministre. C’est pour ça qu’on en a vu certains démissionner parce qu’ils avaient acheté une barre chocolatée avec leur carte professionnelle, ou pour avoir employé leur nounou au noir. Autre exemple de transparence : un journaliste, après en avoir fait la demande, a pu avoir accès aux mails professionnels échangés par les membres de l’Autorités de santé, ce qui a jeté une lumière inédite sur la façon dont la pandémie a été geré en Suède.
Il y a néanmoins quelques ombres au tableau. La première, ce sont les réseaux sociaux. Les Scandinaves sont très connectés, et donc plus sensibles que d’autres aux fausses nouvelles qui peuvent être diffusées sur le net. La seconde est liée au coronavirus et aux contraintes sanitaires. Elles ont compliqué les relations avec les autorités, et l’accès aux sources. Mais c’est un constat que l’on peut faire dans de nombreux pays.
En Bulgarie, une presse muselée
Pas de grand changement, le pays reste à la 112e place du classement de Reporters sans frontières, c’est le dernier pays européen. La Bulgarie a même perdu une place depuis 2020 en raison notamment des arrestations musclées de journalistes lors de la vague de manifestations l'été dernier. Il y a eu des violences contre des journalistes de la part de la police notamment, qui a ensuite nié les faits. Autre tendance inquiétante : les agressions et les attaques contre des journalistes d'investigation, ainsi que les menaces. Plus de 50 agressions et plus de 70 cas de menaces et d'intimidation ont été répertoriées par le Conseil de l'Europe.
En Bulgarie, les médias subissent des pressions pour adopter une ligne éditoriale favorable à celle du gouvernement. Cette pression a même un nom : Delyan Peevski. C'est un magnat des médias, ancien député et ancien vice-ministre nommé chef des services de renseignement en 2013. Peevski était propriétaire d'un grand nombre de journaux et de sites d'information. Plusieurs chaînes de télévision, y compris des chaînes publiques, se trouvaient également dans sa sphère d'influence. Tous ces médias adoptaient une ligne éditoriale très contrôlée, souvent fortement pro-gouvernementale. Plus récemment, Peevski aurait revendu son empire, mais son influence se fait encore sentir. Autre constat inquiétant : l'octroi de fonds nationaux et européens aux médias de la part du gouvernement, qui rend "certains médias complaisants à l'égard du pouvoir", estime RSF.
La Pologne dégringole
Le pays continue de chuter dans le classement de RSF sur la liberté de la presse. Cette chute a commencé à l’arrivée au pouvoir en 2015 du parti conservateur Droit et justice. Cette année-là, la Pologne était à la 18e place sur 180. Aujourd’hui, c’est à la 64e place qu’on la retrouve, son plus bas niveau jamais atteint. Un classement qui n’est pas une surprise. Depuis 2015, les atteintes à la liberté de la presse dans ce pays de l’Union Européenne sont régulièrement dénoncées.
Après avoir fait le ménage dans les médias publics, désormais au service du pouvoir, plusieurs annonces récentes ont suscité l’inquiétude du Défenseur des droits polonais, des journalistes, et de l’UE. Le gouvernement a par exemple proposé cette année un projet de taxe sur les recettes publicitaires, notamment de la presse. Officiellement pour faire face aux conséquences économiques liées à la crise du Covid-19, mais les médias indépendants, qui ont observé une grève de l’information sans précédent dans le pays, ont accusé le pouvoir de vouloir les fragiliser. Un pouvoir accusé aussi de vouloir prendre le contrôle des médias indépendants dans un pays où le paysage médiatique reste très pluraliste au niveau national, en utilisant des entreprises contrôlées par l’État pour racheter des groupes de presse indépendants.
C’est ce qui s’est passé à la fin de l’année dernière : le géant de l’énergie PNK Orlen, dirigé par un très proche du parti Droit et justice au pouvoir, a annoncé le rachat d’un groupe de presse majeur en Pologne, jusqu’ici aux mains d’une société allemande. Ce rachat est pour l’instant suspendu par un tribunal de Varsovie, ce qui n’a pas empêché plusieurs journalistes d’être déjà remplacés. Un rachat qui avait été salué par le gouvernement. Ce dernier estime qu' il faut “repoloniser les médias”, c'est-à-dire mettre à l’écart les actionnaires étrangers, accusés par les autorités d’influencer les affaires internes de la Pologne.
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