Argentine : 55% des Argentins vivent sous le seuil de pauvreté, l'Église dénonce une urgence alimentaire
Selon un rapport de l’Université catholique argentine, 55% des Argentins vivent sous le seuil de pauvreté, dont 17,5% dans une situation d’indigence, le taux le plus haut depuis 2002, au lendemain de la crise économique qui avait bouleversé le pays. Depuis l’arrivée de Javier Milei au pouvoir en décembre 2023, il y a cinq millions de pauvres de plus. Face à cette situation préoccupante, le gouvernement argentin campe sur ses positions. L’Église catholique argentine dénonce une urgence alimentaire et se mobilise.
Dans ce contexte, des centaines d’Argentins passent la frontière pour aller faire leurs achats de l’autre côté de la Cordillère des Andes, au Chili, là où les prix sont beaucoup plus attractifs. Ce n’est pas quelque chose d’inhabituel entre les deux pays, mais la tendance s’est considérablement accélérée ces derniers mois.
Javier Milei réaffirme sa volonté de ne pas intervenir
La dévaluation provoquée par le gouvernement dès l'arrivée de Javier Milei en décembre, la libéralisation des prix, une inflation de 65% en six mois, une hausse des tarifs de l’énergie et des transports, une récession dans l’industrie, tout cela affecte les Argentins et se reflète dans les derniers chiffres de l’économie. Face à cette situation préoccupante, le gouvernement campe sur ses positions et refuse de voir la réalité en face.
La semaine du 27 mai, le président argentin a prononcé une de ses petites phrases polémiques, cette fois depuis les États-Unis en Californie, où il a rencontré les géants de la tech mondiale, le directeur général de Google, d'Open Al, ainsi que le créateur de Facebook Marck Zuckerberg dans l’espoir de trouver des investisseurs. "Vous croyez que les gens sont idiots ? Qu’ils ne vont pas prendre la bonne décision ? À un moment donné, ils vont mourir de faim, donc ils vont forcément tout faire pour ne pas mourir. Par conséquent, je n’ai pas besoin d’intervenir pour résoudre le problème de consommation. Le problème va se résoudre tout seul", a déclaré Javier Milei lors d’un discours à l’Université de Stanford, réaffirmant sa volonté de ne pas intervenir.
L'Église catholique argentine se mobilise
L’Église catholique argentine, plutôt discrète en général sur ses positions politiques, fait maintenant entendre sa voix et dénonce une urgence alimentaire. Le responsable de l’organisation Caritas, l’évêque Tissera, a présenté lundi 3 juin un rapport de l’association appelé "Radiographie de la pauvreté". D'après ce rapport, un Argentin sur quatre souffre aujourd’hui d’insécurité alimentaire, ce qui signifie qu’il ne mange pas à tous les repas.
Selon l’évêque, la situation est critique. Non seulement, les gens ont faim, mais le chômage a augmenté, et lorsqu’ils trouvent un travail, ils gagnent si peu qu’ils continuent à vivre dans la pauvreté. II y aurait 32% de travailleurs pauvres, soit une personne sur trois. Caritas et l’Église ont réclamé une aide de l’État et du secteur privé pour distribuer des repas aux pauvres et en particulier aux enfants qui seraient 15% à ne pas manger tous les jours.
Le gouvernement bloque des aides alimentaires
Pendant ce temps-là, 5,9 millions de kilos d’aliments, que le gouvernement refuse de distribuer, pourrissent dans des hangars. C’est un des scandales de ces dernières semaines, tout est né d’une plainte portée par Juan Grabois, un référent des mouvements sociaux. Le gouvernement a démenti. L’affaire est devenue médiatique et l'Argentine a découvert à la télévision ces montagnes d’aliments, de lait en poudre, de lentilles, d’herbe à maté sur le point d’expirer.
Le ministère du Capital humain a ensuite déclaré que ces aliments étaient destinés à une urgence climatique. La justice lui a ordonné de les distribuer sur-le-champ. Rien n’est encore fait et face à l’urgence, l’Église a décidé de se mobiliser le week-end du 8 juin pour réunir des fonds pour soutenir les soupes populaires et pour contre-carrer l’inaction du gouvernement face à la pauvreté grandissante.
Une différence de prix "abyssale" avec le Chili
On reconnaît facilement les Argentins venus faire leur shopping au Chili, puisque, dans les magasins, ils traînent derrière eux leurs valises vides, qu’ils remplissent très rapidement. C’est le cas de Vanina et sa fille Delfina, elles sont arrivées de Buenos Aires en avion, et comptent rester quatre jours dans la capitale chilienne pour faire le tour des centres commerciaux. Elles se sont fixé un budget maximum de 1 800 euros et elles l’assurent, même avec le prix du billet d’avion, le voyage est très rentable.
Il s'agit là d’Argentins qui possèdent un certain pouvoir d’achat. C’est le cas aussi de Cayetano, un jeune de Mendoza, une ville proche de la frontière, il a conduit toute la nuit pour une journée shopping. Et pour que le voyage en vaille la peine, il a prévu de dépenser entre 500 et 1 000 euros. "La différence de prix entre les deux pays est abyssale. C’est moins cher de moitié, voire plus, surtout pour les vêtements et l’électronique", détaille ce jeune homme.
La tendance est constante depuis au moins deux mois, observe Tomas Saba, responsable d’un centre commercial au nord de la capitale chilienne, très prisé des Argentins. Les week-ends, ils représentent jusqu’à 50% de la clientèle, explique-t-il. Certains Argentins ont d’ailleurs senti le bon plan : ils achètent au Chili à moindre coût pour ensuite revendre, un peu plus cher, de l’autre côté de la Cordillère.
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