Guerre en Ukraine : l'armée russe continue de recruter massivement, par tous les moyens

Six mois après le début de la contre-offensive ukrainienne, la ligne de front reste presque gelée entre les deux pays. Pour changer la donne, la Russie a ordonné vendredi une nouvelle campagne d'enrôlement, pendant que l'Ukraine tente d'attirer les civils pour soulager ses soldats épuisés.
Article rédigé par franceinfo
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Panneaux appelant à rejoindre l'armée à Saint-Pétersbourg, Russie, le 28 novembre 2023. (ANATOLY MALTSEV / MAXPPP)

Après 19 mois de guerre, la population ukrainienne est épuisée. La contre-offensive commencée en juin est très périlleuse et, de part et d'autre, des milliers de soldats meurent chaque jour dans des batailles de position. L'Ukraine a conscience que la guerre va encore durer longtemps et l’enthousiasme des débuts s’émousse. Alors que l’armée tente d'attirer les civils par des aménagements pour relayer les soldats au front, le pouvoir en Russie cherche à augmenter les effectifs de ses troupes par tous les moyens.

Des rafles en Russie ?

Vendredi 1er décembre, Vladimir Poutine a notamment signé un décret ordonnant l'augmentation du nombre de soldats dans l'armée de 15%, soit près de 170 000 hommes supplémentaires. Une croissance considérable rendue nécessaire évidemment par la guerre, mais aussi justifiée par "la poursuite de l'élargissement de l'Otan", qui se déploie "près des frontières de la Russie". Le gouvernement russe se défend cependant de vouloir lancer une deuxième vague de mobilisation, trop impopulaire. La mobilisation de septembre 2022 avait provoqué une vague d'exils : des centaines de milliers d'hommes avaient fui le pays. Officiellement, 300 000 hommes avaient alors été mobilisés, mais leur nombre est peut-être plus élevé, la question des effectifs sur le front ukrainien étant extrêmement sensible et secrète. Aujourd'hui, l'armée explique donc qu'elle recrute ailleurs, avec l'aide de salaires particulièrement généreux. En septembre dernier, elle affirmait qu'en comptant les conscrits du service militaire et les engagés volontaires, un total de 385 000 personnes avaient rejoint l'armée russe en 2023. Malgré ces chiffres en apparence massifs, cela ne semble pas suffire. D'où ce décret de Vladimir Poutine.

Si les volontaires ne suffisent pas, le pouvoir russe semble avoir encore d'autres solutions. Ce week-end, deux députés ont proposé d'allonger le service militaire d'un à deux an. De son côté, le ministère de la Défense envisage de revoir les critères médicaux qui permettent d'échapper à l'armée. Enfin, de nombreux témoignages, confirmés par des mouvements de défense des droits de l'homme, relatent des rafles dans certaines grandes villes, à Moscou notamment. Certains jeunes hommes sont arrêtés dans la rue ou dans le métro, et sont directement conduits dans les commissariats militaires pour "vérification", officiellement. Des histoires remontent sur les réseaux sociaux et dans certains médias : de jeunes hommes, normalement exemptés pour raisons médicales ou parce qu'ils sont étudiants, se retrouvent enrôlés malgré eux. Sur la messagerie Telegram, des avocats dispensent des conseils pour échapper au départ forcé vers l'Ukraine. Tout le pays tourne de plus en plus son économie, ses ressources, sa population vers la guerre et tout le monde ici a intégré qu'elle allait durer.

L'urgence de démobiliser les forces ukrainiennes épuisées

En Ukraine, on est loin des files d’attente devant les bureaux de recrutement, lors des premières semaines de la guerre. Aujourd’hui, les Ukrainiens attendent avec anxiété leur ordre de mobilisation. Avec l’instauration de la loi martiale, les hommes âgés de 18 à 60 ans n’ont pas le droit de quitter le pays. Seuls les étudiants, les pères de plus de trois enfants et les hommes handicapés ou en charge d’une personne vulnérable peuvent théoriquement y échapper. Une fois mobilisés, les appelés ont 45 jours de formation express et sont envoyés sur leur position, souvent directement au front. Beaucoup cherchent à contourner le système. Les inscriptions à université ont explosé, certains désertent et fuient le pays avec des passeurs, contre quelques milliers de dollars, d’autres se font faire de faux certificats médicaux. En septembre, Volodymir Zelensky a d'ailleurs licencié tous les responsables des bureaux de conscription après des scandales de corruption.

L’Ukraine a besoin plus que jamais de mobilisation, parce que les pertes sont importantes, mais aussi parce qu’il faut pouvoir "démobiliser", permettre à ceux qui sont au front depuis deux ans, presque sans pauses, de revenir à une vie normale. Ces hommes et femmes sont épuisés. On les reconnaît à Kiev, lors de rares permissions, par leur regard fixe de grands traumatisés.

Ainsi, l’Ukraine réfléchit à la mise en place d’une nouvelle législation. Désormais, les diplômés de plus de 30 ans ne peuvent plus se réinscrire à l'université. L'État promet aux Ukrainiens qui veulent participer de faire en sorte de les utiliser au mieux de leurs compétences et pas simplement dans l'infanterie ou l'artillerie. Ainsi, beaucoup de civils commencent à s'inscrire à des formations privées de pilotage de drones, si essentiels dans cette guerre. On peut également choisir son unité d'affectation et l’État pourrait faire appel à des cabinets de recrutements privés pour améliorer ce processus.

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