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Guerre en Ukraine : quelle est la position de l'église catholique et des églises orthodoxes ?

Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde.

Article rédigé par franceinfo - Angélique Kourounis et Blandine Hugonnet
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Le patriarche de Constantinople, Bartholomée Ier, dirige un service à l'église patriarcale de Saint-Georges à Istanbul, le 6 mars 2022. Photo d'illustration. (YASIN AKGUL / AFP)

Alors que Moscou a dénoncé, mercredi 9 mars, les nouvelles sanctions prises la veille par les Etats-Unis, l'offensive russe en Ukraine  s'invite aussi sur le terrain de la religion. Des divisions orthodoxes jusqu'aux condamnations depuis la place Saint-Pierre, le club des correspondants se demande comment le monde chrétien se positionne sur la guerre en Ukraine.

Une fracture un peu plus ouverte dans le monde orthodoxe

Il existe 14 Églises orthodoxes autocéphales dans le monde, c'est-à-dire autonomes dans leurs décisions. Elles comptent plus de 240 millions de fidèles, dont fait partie une large partie des 44 millions d’Ukrainiens. La majorité de ces Églises dépendent du patriarche de Constantinople, l'équivalent du pape catholique, mais ce patriarcat est opposé à celui de Moscou. La guerre en Ukraine fracture un peu plus ce monde orthodoxe, déjà divisé entre ceux qui soutient Vladimir Poutine et ceux qui le condamnent.

Il faut savoir qu’une très grande communauté grecque vit depuis des siècles en Ukraine. Le chef de l’Église orthodoxe grecque a assuré son homologue ukrainien de son entière solidarité et a annoncé une aide conséquente pour faire face à la vague de réfugiés. Mais il aura fallu attendre le 5e jour de la guerre pour qu’il prenne clairement position alors que le gouvernement grec a immédiatement condamné l'agression russe car "des bombes orthodoxes tuent des civils orthodoxes". Si cette réaction s'est fait attendre, c'est d'une part parce qu'il y a ces membres du clergé, très isolés mais tout de même très virulents qui se sont prononcés en faveur de Moscou. Chez les orthodoxes, chaque pope est indépendant. D'autre part car il y a une traditionnelle alliance entre Athènes et Moscou pour des raisons historiques, et justement religieuses car les deux pays sont orthodoxes. D'où l’importance de la positon de l’Église orthodoxe grecque qui a mis fin à toutes voix discordante. Une première, il faut le noter.

De plus, la problématique de l'Église orthodoxe ukrainienne est compliquée. Elle n'est indépendante que depuis quatre ans. C'est le patriarche de Constantinople qui lui a donné cette indépendance non reconnue par Moscou dont elle dépendait auparavant. Or l'Église orthodoxe de Russie a adopté depuis longtemps les vues géopolitiques de Vladimir Poutine, qui refuse toute indépendance religieuse aux anciennes républiques soviétiques. Athènes devait choisir entre le patriarcat de Moscou et celui de Kiev, Elle a hésité mais a choisi Kiev au final. Les autres Églises orthodoxes ne vont pas nécessairement faire de même car toutes elles balancent entre les patriarcats de Moscou et Constantinople. L'Église bulgare est divisée entre pro et antirusse. La Serbie semble prorusse. Et les Églises orthodoxes de Roumanie, du Monténégro, d'Alexandrie en Afrique, ainsi que celle des Grecs de la diaspora américaine se sont prononcées en faveur de Kiev. Le patriarcat d'Antioche pour des raisons politiques penche pour Moscou. Quant à la Moldavie elle dépend de Moscou et n'a pas vraiment droit au chapitre.

Le pape François veut être le faiseur de paix

Du côté catholique, le pape François et la diplomatie vaticane sont à l'œuvre depuis le début de l’invasion russe. Le chef de l’Église catholique a affirmé sa position avec fermeté ces derniers jours. Dans ses dernières interventions publiques, le pape a pris clairement parti avec des termes forts. Dimanche, place Saint-Pierre, François a ainsi contesté la sémantique utilisée côté russe pour parler du conflit qui n’est pas une simple "opération militaire", dit-il mais bien "une guerre qui sème la mort" sans jamais toutefois citer le président russe. Le pape implore l’arrêt des attaques armées et le respect du droit international. Une condamnation ferme de ce que le chef de l’Église catholique qualifie de folie qui provoque des "fleuves de sang et de larmes" et il publie même sur Twitter des messages en russe et en ukrainien. C'est une première.

Tout en dénonçant, François apporte son soutien au peuple ukrainien. Une collecte a été organisée au sein même du Vatican lundi. Une aide du souverain pontife se joue aussi sur le plan diplomatique. En effet, avec la casquette du chef d’État aussi, François multiplie les gestes envers l’Ukraine et la Russie en essayant d’équilibrer les échanges. Signe que le conflit est passé au rang de priorité d'un pape bien décidé à agir, il s’implique même à la première personne. C’est totalement inhabituel dans les pratiques diplomatiques vaticanes mais dès le lendemain de l’invasion russe. François s’est rendu à l’ambassade de Russie, à 500 m du Vatican à Rome. Officiellement "pour manifester sa préoccupation" mais aussi, dit-on, pour proposer sa médiation. Le jour suivant, c’est le président ukrainien a eu au téléphone le pape pour lui apporter son soutien. Mardi, le cardinal Parolin, numéro 2 du Vatican, appelle le chef de la diplomatie russe Sergei Lavrov et insiste sur la nécessité de négocier et de cessez-le-feu.

François tente de jouer le faiseur de paix que dans ce conflit. La diplomatie du pape a déjà fait ses preuves par le passé. Il tente donc le coup avec un Vladimir Poutine qu’il connaît bien, il l'a déjà reçu trois fois ici au Vatican. La diplomatie pontificale se fait aussi sur le terrain. le chef de l’Église catholique a envoyé deux émissaires en son nom, en Hongrie et à la frontière polonaise. Deux cardinaux qui espèrent passer côté ukrainien les prochaines heures. Le Saint-Siège l’assure, il est disposé à tout pour se mettre au service de la paix.

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