Inscrire la défense de l'environnement dans la Constitution ? La Suisse l'a fait il y a longtemps, le Chili y pense et la Suède a fait autrement
Dans le Club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se fait ou se passe ailleurs dans le monde. Direction la Suisse, le Chili et la Suède, pour voir dans quelle mesure la défense de l'environnement est inscrite dans la Constitution.
L'Assemblée nationale se penche à partir du mardi 9 mars sur le projet de loi devant permettre d'intégrer la protection de l'environnement dans la Constitution. C'était une proposition issue de la Convention citoyenne pour le climat. D'autres pays y ont pensé avant nous, ou l'envisagent sérieusement.
Suisse : l'environnement dans la loi fondamentale dès 1971
C'est l'un des premiers pays à avoir fait figurer le mot "environnement" dans le marbre constitutionnel. Le développement durable est même l'un des "buts recherchés" de la Suisse, c'est dans l'article 2 de la Constitution. La Confédération "s'engage en faveur de la conservation durable des ressources naturelles", est-il écrit, et c'est l'État qui veille à prévenir les éventuelles atteintes. Mais certains cantons vont plus loin. C'est le cas de Genève, qui a introduit le "droit à un environnement sain" dans sa Constitution.
Tout cela n'est pas qu'une affaire de juristes. En Suisse, c'est aussi une question de souveraineté. La Suisse est façonnée par son environnement. Les montagnes recouvrent près du tiers du territoire. C'est la principale attraction touristique du pays, qui tire par ailleurs 60% de son électricité des barrages hydrauliques. C'est donc une bonne raison de protéger la nature.
Mais la Constitution ne peut pas tout. S'ils veulent lutter contre le réchauffement, c'est vers la loi que les Suisses doivent se tourner. Après trois ans de débats chaotiques sur les mesures à adopter pour respecter l'Accord de Paris, la Suisse a finalement validé en septembre 2020 une nouvelle loi sur le CO2, qui prévoit la neutralité carbone en 2050, des taxes sur les billets d'avion, l'essence et le mazout. "C'est trop", dit la droite nationaliste, qui a lancé un référendum. Et "ce n'est pas suffisant" disent les militants de la grève pour le climat, qui eux aussi appellent à rejeter la loi dans les urnes le 13 juin.
Chili : la future Constitution en débat
Les Chiliens doivent élire une Assemblée constituante dans un mois à peine, pour remplacer le texte actuel, hérité de la dictature du général Pinochet et qui prône une faible intervention de l'État dans l'économie. Il y est certes écrit que les habitants ont "le droit de vivre dans un environnement non pollué", mais c'est à peu près tout. Le droit à la propriété est beaucoup mieux protégé par la Constitution, et ce n'est pas anodin quand on sait que le Chili est l'un des rares pays au monde où l'eau est privatisée, et concentrée entre les mains de grandes entreprises agricoles ou du secteur de l'énergie, au détriment des paysans et des habitants ruraux. Et ce point en particulier révolte beaucoup de Chiliens.
Ce sera donc sujet de débat important dans la future Assemblée constituante. Beaucoup de candidats veulent revenir sur la privatisation de l'eau. Certains parlent aussi d'essayer d'introduire dans la Constitution la protection des écosystèmes, le droit à vivre dans un environnement sain, entre autres.
Des sièges de l'Assemblée seront réservés aux représentants des peuples indigènes, ce sera une première. La culture de ces peuples, comme les Mapuches par exemple, est très étroitement liée à la nature, et ils sont opposés à la privatisation des ressources naturelles.
Suède : une loi-cadre pour imposer le respect de l'environnement
La Suède n’a pas changé sa Constitution, mais a décidé de respecter au plus près les objectifs de l’accord de Paris sur le changement climatique. Tous les partis, à l’exception de l’extrême droite, ont adopté une loi-cadre qui oblige le gouvernement à mener une politique en cohérence avec les objectifs climatiques adoptés par le Parlement, c’est-à-dire la neutralité carbone dès 2045. Cette loi est entrée en vigueur en janvier 2018, et depuis l’exécutif doit rendre chaque année des comptes aux députés, et présenter tous les quatre ans un plan d’action. Le tout est contrôlé par un Conseil du climat, constitué d’experts indépendants. Avec des points d’étape précis, dans chaque domaine comme par exemple la diminution des émissions de gaz à effet de serre de 70% dans les transports d’ici 2030.
Cette loi-cadre engage les gouvernements, quelle que soit leur couleur politique, mais pour la Suède cette contrainte n'est pas nouvelle. Elle a déjà instauré la taxe carbone la plus élevée au monde, qui est payée par la quasi-totalité des industriels, collectivités, et particuliers. Cette loi permet aussi le financement de technologies innovantes, comme la production d'acier sans charbon, avec de l'hydrogène, actuellement en test dans la ville de Lulea. Ce n’est pas parfait, mais ces mesures expliquent aussi pourquoi ce pays est aujourd’hui celui où les objectifs de l’accord de Paris ont le plus de chances d’être atteints.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.