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Liberté de la presse : en Inde, au Mexique et au Rwanda, le travail des journalistes est toujours plus risqué

C'est la journée mondiale de la liberté de la presse mardi. Dans certains pays, les journalistes sont censurés voire s'autocensurent pour éviter de mettre leur vie en péril. 

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Un journaliste participe à une manifestation contre le meurtre de six journalistes, à Mexico, devant le ministère de l'Intérieur, le 14 février 2022. (PEDRO PARDO / AFP)

Le 3 mai consacre la journée mondiale de la liberté de la presse. Alors que l'association Reporters sans frontières publie son classement annuel, focus sur trois pays dans lesquels la liberté de la presse est une véritable problématique : le Mexique, le Rwanda et l'Inde. Dans ces trois pays, informer est risqué et certains journalistes finissent même par s'autocensurer pour se protéger.

Au Mexique, un journaliste agressé toutes les 14 heures

Le Mexique est classé à la 127e place sur 180 dans le classement de RSF. Depuis le début de l’année, huit journalistes y ont été assassinés. Selon l’organisation de défense de la presse Article 19, un journaliste est agressé toutes les 14 heures. Conscients des menaces qui visent leurs travailleurs, les médias renoncent à informer sur certains sujets. En effet, dans certaines régions du Mexique, les journalistes doivent s’autocensurer pour garder la vie sauve. Il s'agit des régions où les cartels dictent leur loi.

Dans l'État du Tamaulipas, dans le nord-est du Mexique, par exemple, les médias qui ont tenté d’enquêter sur les activités du crime organisé ont subi des attentats. Aujourd’hui, la plupart de ces médias ne publient plus les informations qui ont trait au narcotrafic. C’est un sujet tabou et ils prennent mille précautions pour informer sur les violences perpétrées par les groupes criminels. L’information doit être présentée de manière totalement aspetisée.

"Nous ne pouvons pas signer nos articles, c'est hors de question. Nous savons que le crime organisé réagit encore plus violemment que les autorités et ils sont mieux renseignés", raconte Erik Brandon Cruz, journaliste au Tamaulipas. Il décrit un climat de menace permanente : "Même si nous ne signons pas, ils savent qui diffusent l'info. Pour notre propre sécurité, nous ne pouvons pas parler des cartels." Le Tamaulipas est l’une des zones de silence au Mexique, c’est-à-dire une région où il est tout simplement impossible d’informer. 

Pour autant, le gouvernement ne se montre pas alarmé par cette situation. Il condamne les assassinats de journalistes mais il situe cette problématique dans le contexte plus général de violence. Autrement dit, il minimise l’impact de ces attaques sur la liberté d’expression ou le droit à l’information de la société. Les journalistes sont des victimes parmi d’autres. Or tous les journalistes assassinés ces trois derniers mois avaient dénoncé des menaces à leur encontre. Plusieurs d’entre eux avaient même obtenu des mesures de protection octroyées par le gouvernement fédéral et ils ont malgré tout perdu la vie. Cela met en évidence les failles de ce système de protection.

En Inde, des journalistes arrêtés pour "sédition"

En Inde, pays souvent vanté comme la plus grande démocratie du monde, les atteintes à la liberté de la presse se multiplient ces dernières années. Les journalistes critiques du parti hindouiste au pouvoir sont particulièrement visés, risquant parfois leur vie. Le pays est classé à la 150e place par RSF. 

Plusieurs journalistes ont été arrêtés pour "sédition" après leurs reportages sur les manifestations d’agriculteurs l'année dernière, lesquels s’étaient opposés massivement à une réforme annoncée par le gouvernement de Narendra Modi. Cette accusation de sédition, dont l'interprétation reste assez floue, a été par ailleurs régulièrement utilisée ces dernières années par le gouvernement pour faire taire ses opposants, notamment sur les réseaux sociaux. 

Le gouvernement n’hésite pas non plus à utiliser le fisc pour s’en prendre aux journalistes encombrants. Le Dainik Bhaskar, deuxième quotidien en langue hindi du pays, a été la cible de descentes des agents du Income Tax Department dans 32 de ses bureaux. Cette opération musclée est survenue bizarrement, une fois que le quotidien a accusé le gouvernement d’avoir minimisé le nombre de morts dû au Covid-19 l'année dernière. 

Une région en particulier, l’Uttar Pradesh, est le théâtre d’une véritable chasse aux journalistes. Cet État, le plus peuplé d'Inde, est dirigé par un prêtre hindou extrémiste qui ne tolère aucune critique envers sa gouvernance ou son parti, le BJP de Narendra Modi. Depuis son arrivée au pouvoir dans la région il y a cinq ans, 48 journalistes ont été agressés, 66 ont été arrêtés et 12 ont été tués, selon le récent rapport d’un collectif pour la liberté de la presse en Inde. À cela s'ajoutent de nombreuses plaintes pour menaces ou espionnage déposées par les journalistes dans l’État. Ces violences sont en grande majorité perpétrées par la police et commanditées par le gouvernement régional et ses soutiens. 

Au Rwanda, le spectre du génocide pour museler les journalistes

Au Rwanda, la censure et surtout l’autocensure sont de mise. Le pays est placé à la 156e place sur 180 par RSF. En effet, rares sont les médias qui s’autorisent à critiquer ouvertement le régime de Paul Kagame, au pouvoir depuis la fin du génocide perpétré contre les Tutsi en 1994. RSF indique d’ailleurs que le spectre du génocide permet au gouvernement de taxer certains journalistes critiques de divisionnisme. Cette répression de la liberté d’expression vaut également pour les dissidents et les opposants rwandais, qui sont souvent contraints à l’exil.

Dans ce contexte, de nombreux journalistes et dissidents se tournent vers YouTube pour avoir une parole plus libre. Mais, là encore, ca n’est pas sans risque puisque selon Human Rights Watch près de dix bloggeurs ou commentateurs sur les réseaux sociaux ont été menacés ou ont eu affaire à la justice ces deux dernières années au Rwanda. Le dernier en date est le journaliste youtubeur Dieudonné Nyionsega, condamné à sept ans de prison en novembre dernier pour avoir enfreint les mesures de luttes contre le Covid-19 et utilisé une fausse carte de presse.

Le contrôle de ce qui est dit ou écrit sur les réseaux sociaux est en tout cas devenu un véritable défi pour les autorités rwandaises à l’approche de l’élection présidentielle de 2024 et dans un contexte où, il ne faut pas l’oublier, c’est aussi souvent sur ces réseaux sociaux que s’expriment des groupes réellement négationnistes du génocide des tutsi.

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