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Lutte contre le diabète : un accès encore très inégal à l'insuline, un siècle après sa découverte

Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qu'il se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui, on est au Canada et en Afrique du Sud pour parler du diabète, un siècle tout juste après la découverte de l'insuline.

Article rédigé par franceinfo - Hélène Jouan, Romain Chanson
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Une seringue d'insuline, utilisée par des patients atteints par un diabète de type 1. (KOEN VAN WEEL / ANP MAG via AFP)

Le 11 janvier 1922, l'insuline était utilisée pour la première fois pour traiter le diabète. Un siècle plus tard, le traitement s'est largement généralisé et a permis de nombreux progrès. Mais l'accès y est encore inégal dans le monde. 

Le Canada, berceau de la découverte, fournit les Américains en insuline

Il y a 100 ans, le premier patient diabétique était traité à l’insuline et c'est à équipe de chercheurs canadiens de l'université de Toronto que l'on doit cette découverte. Une découverte couronnée en 1923 : deux d’entre eux, Frédéric Banting et John MacLeod, recevront le prix Nobel de médecine pour cette découverte qui a sauvé la vie de millions de diabétiques à travers le monde.

Sauf que l’accès à l’insuline n’est pas le même pour tous, même dans les pays dits riches. Si au Canada, l’insuline est en vente libre et relativement peu chère - 30 dollars le flacon soit 34 euros - ce n’est pas le cas chez le grand voisin américain où elle coûte plus de dix fois plus. Et des millions d’Américains, faute d’assurance maladie satisfaisante, doivent restreindre leur dose ou venir se fournir de l’autre côté de la frontière à moindre coût.

En 2019, le candidat aux primaires démocrates Bernie Sanders était d’ailleurs venu faire campagne en Ontario pour dénoncer cette injustice : "Comment est ce possible ? 7 millions et demi d’Américains ont besoin d’insuline, et de façon incroyable, un quart d’entre eux est obligé de se rationner ! Et ça se passe aux Etats-unis, le pays le plus riche du monde !"

Mais la fermeture de la frontière canado-américaine pendant 20 longs mois à cause du Covid a mis un coup d’arrêt brutal à cet approvisionnement d’insuline. Certains patients américains continueraient de se faire livrer leurs doses par Post Canada, un "commerce médical" illégal. Le géant américain Walmart a récemment lancé aux Etats-Unis la vente d’insuline sous sa propre marque, à prix cassé. Mais aujourd’hui encore, tous les diabétiques d’Amérique du Nord, pourtant en première ligne dans l’actuelle épidémie de Covid puisque le diabète est un facteur important de comorbidité, n’ont donc toujours pas un accès égal à ce remède nécessaire à leur survie, 100 ans après sa découverte au Canada

L'Afrique connait une "épidémie" de diabète

Le diabète connaît une très forte progression sur le continent africain. Le nombre de cas pourrait augmenter de 130% d'ici 2045, un record dans le monde. 

"La lutte contre l’épidémie de diabète en Afrique est aussi cruciale que la lutte contre le Covid-19."

Organisation Mondiale de la Santé

L'Afrique compte 24 millions de personnes vivant avec le diabète et ce nombre pourrait atteindre 55 millions d'ici une vingtaine d'années. On parle ici surtout de diabètes de type  2, pour environ 90% des cas. Ce diabète est lié à une mauvaise alimentation, à de l’obésité et au manque d’exercice physique. Il faut donc regarder du côté des comportements : alimentation, mobilité, etc.

Et c'est à mettre en lien avec l'exode rural. Les populations quittent les campagnes pour aller chercher du travail en ville et cela bouleverse leur "façon de vivre" explique, Michael Brown, l'un des responsables du Centre du diabète en Afrique du Sud. "On observe une très forte augmentation de la prévalence du diabète sur ces populations fragiles, ajoute-t-il. On observe également une occidentalisation, où les communautés rurales adoptent des modes de vie et habitudes alimentaires occidentales et abandonnent leurs pratiques culturelles, principalement la façon de manger."

L'Afrique du Sud n'échappe pas à cette épidémie de diabète, c'est même le pays avec le plus fort taux d'incidence sur le continent : environ 13% de la population adulte est concernée par le diabète. Parmi les pistes d'explications, on retrouve le problème de l'exode rural, mais aussi le chômage dont le taux avoisine les 35%, la consommation d'alcool très importante et les fast food, présents à chaque coin de ville et de campagne.

Conséquence : une alimentation non adaptée, en particulier chez les personnes pauvres, explique Margot McCumsky, directrice d'une ONG qui informe et vient en aide aux diabétiques. "Les gens n'ont pas beaucoup d'argent et ils dépendent des produits riches en glucides : le pain, le riz, ou le "pap" au maïs, comme on a ici, détaille l'experte. Ce sont des aliments qui font grossir. Le surplus de glucides est stocké par le corps pour les jours où par exemple vous manquerez de nourriture."

Selon elle, le gouvernement ne prend pas suffisamment la mesure de l'épidémie de diabète en Afrique : "Les gens sont souvent mal diagnostiqués, ils ne sont pas testés", estime-t-elle, ajoutant qu'il n'y a pas assez d'investissements publics dans des campagnes de sensibilisation. "Il y aussi un manque du côté de l'éducation pour apprendre à manger sain, savoir ce qu'est une portion de nourriture adéquate. Le gouvernement devrait financer une organisation comme la nôtre pour aider à diffuser des informations." 

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