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Lutte contre le réchauffement climatique : comment l'Allemagne, l'Autriche et l'Espagne incitent les voyageurs à opter pour le train

Dans le club des correspondants, franceinfo s'intéresse à l'actualité vue de l'étranger. Aujourd'hui, direction l'Allemagne, l'Espagne et l'Autriche qui tentent d'attirer les voyageurs dans les trains. 

Article rédigé par franceinfo - Sébastien Baer (en Allemagne), Mathieu de Taillac (en Espagne), Isaure Hiace (en Autriche)
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Un train régional de la Deutsche Bahn.  (HAUKE-CHRISTIAN DITTRICH / MAXPPP)

Alors que les effets du réchauffement climatique sont malheureusement de plus en plus visibles, la question de l'empreinte carbone de nos déplacements devient centrale. Face à cette situation, certains pays ont mis en place des mesures incitatives pour encourager les voyageurs à privilégier le train par rapport aux autres modes de transport. Tour d'horizon.

L’Autriche a mis en place le "ticket climat" pour emprunter les transports en commun 

 

Il s’appelle le "Klimaticket" et permet, depuis 2021, à ses détenteurs d’emprunter l’ensemble des transports en commun du pays pour 1095 euros par an, soit 3 euros par jour. Alexander Kesselring, qui voyage régulièrement pour son travail, en possède un. C’est son employeur, une ONG d’entrepreneuriat social, qui le lui a acheté. Une décision  importante pour lui. "Le 'Klimaticket' a conforté mon choix de ne plus prendre l’avion et de voyager uniquement en train, analyse-t-il. Le train est malheureusement plus cher que l'avion mais 'le Klimaticket' rend ce mode de transport plus accessible. Je prends le train bien plus souvent aujourd’hui : avec le Klimaticket, ce n'est pas compliqué, on n’a plus à penser à acheter un billet et en plus, ça donne envie de découvrir de nouveaux lieux dans le pays."   

Déjà 180 000 "Klimaticket" ont été vendus, soit plus qu’attendu par le gouvernement. Si la plupart saluent cette réforme, certains la jugent insuffisante face à l’ampleur du défi climatique. C’est le cas de l’ONG environnementale Global 2000 pour laquelle travaille Johannes Wahlmüller. "La politique autrichienne en matière de transport n'est pas cohérente car dans le même temps, on accroît l'offre destinée au trafic automobile, juge Johannes Wahlmüller. Le bilan carbone du secteur des transports est mauvais : les émissions ont même augmenté de plus de 4% par rapport à 2020. Ça reste donc un gros problème en Autriche et ce malgré la mise en place du 'Klimaticket'. De nombreuses autres mesures sont nécessaires."    D’autant plus que l’Autriche s’est dotée d’un objectif ambitieux : atteindre la neutralité carbone d’ici 2040, soit 10 ans avant l’Union européenne.

L'Allemagne mise sur un tarif très attractif malgré une infrastructure vieillissante

Pour inciter à prendre le train et soutenir le pouvoir d’achat, l’Allemagne va poursuivre un dispositif qu'elle avait mis en place pendant les trois mois d’été. Elle avait proposé un ticket unique mensuel à 9 euros qui permettait d’emprunter les transports dans tout le pays, à l’exception des trains à grande vitesse. Cette fois, l'Allemagne va proposer une solution un peu plus onéreuse, avec un billet mensuel à 49 euros. Depuis la rentrée, le gouvernement réfléchissait en effet à un nouveau dispositif alors que l’inflation a atteint 10% en Allemagne le mois dernier. Le nouveau billet à 49 euros devrait être vendu à partir du 1er janvier mais il reste encore à régler l’épineuse question de son financement. Le gouvernement fédéral est prêt à verser 1 milliard et demi d’euros à la condition que les régions participent également.

Ce dispositif est aussi une façon pour le gouvernement d’inciter les usagers à prendre le train plutôt que leur voiture. Pour atteindre ses objectifs climatiques, l’exécutif s’est fixé une priorité d’ici 2030 : multiplier par deux le nombre de passagers dans les trains et augmenter de 25% le fret ferroviaire. Pendant les trois mois d’été, le billet à 9 euros a connu un grand succès, avec 52 millions de titres vendus, dont un sur cinq à des usagers qui ont reconnu qu’ils n’utilisaient pas habituellement les transports publics. Près de 2 millions de tonnes de CO2 ont ainsi été économisées.

Mais tout n’est pas si simple. Les perturbations et les retards sont nombreux en Allemagne. En août, seuls 56% des ICE, l’équivalent du TGV, sont arrivés à l’heure, bien loin de l’objectif de 80%. En cause, les nombreux chantiers sur un réseau souvent vétuste et longtemps négligé. Le gouvernement et la Deutsche Bahn promettent que la situation va changer. Pour moderniser le réseau, des travaux sont engagés jusqu’en 2030. La ligne la plus fréquentée, entre Francfort et Mannheim, va fermer pendant six mois, et sept autres tronçons sont concernés, notamment autour des nœuds ferroviaires que sont Munich et Stuttgart. Au programme de ce chantier colossal : le renouvellement des caténaires, des aiguillages, la modernisation des voies, des ponts, des gares. 

En Espagne, des trains gratuits victimes de dérives

L'Espagne, elle, propose des abonnements pour réserver gratuitement l'équivalent des TER et RER entre septembre et décembre. Abonnement auquel les Espagnols peuvent souscrire à condition de voyager suffisamment et de se faire rembourser ensuite. Plus d'un million d'abonnements ont trouvé preneur, mais il y a un effet pervers : certains trains circulent à moitié vide. La raison est assez simple : une partie des voyageurs sont victimes de petits malins. Des personnes qui ont pris leur abonnement gratuit et puis, comme c’est gratuit, qui ont réservé massivement des billets, par exemple le même trajet de TER à plusieurs heures différentes pour pouvoir ensuite choisir l’horaire qui leur conviendrait le mieux. Des réservations qui ne sont pas toutes honorées le jour venu.

Des passagers restent donc sur le carreau, alors que des places restent vides. Evidemment, cette situation fait scandale sur les réseaux sociaux et à la télévision. Un présentateur de la chaine La Sexta s’est notamment indigné de la pratique. L’information a alimenté les polémiques dans les médias pendant plusieurs semaines. 

Face à ces pratiques, la Renfe, la compagnie ferroviaire espagnole, ne peut pas aller chercher les gens qui ont réservé pour les mettre de force dans le train, mais elle a changé les règles pour tenter de limiter le problème. Désormais, on ne peut acheter que deux allers-retours par jour sur le même trajet. Et on ne peut réserver le retour qu’après le départ du train de l’aller. Les mesures devraient tout juste commencer à faire effet, il faut d’abord résorber les réserves fantômes prises longtemps à l’avance.

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