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Réchauffement climatique : les États-Unis et l'Espagne frappés par une grave sécheresse

Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qu'il se passe ailleurs dans le monde. Ce jeudi, direction le continent nord-américain et la péninsule ibérique où les précipitations se font très rares cet hiver.

Article rédigé par franceinfo, Sébastien Paour
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Le lac de Fuente de Piedra, à 70 kilomètres de Malaga (Espagne), le 15 février 2022. (JORGE GUERRERO / AFP)

Ce sont des catastrophes naturelles qui n'ont malheureusement plus rien d'exceptionnel. Les épisodes de sécheresse sont de plus en plus nombreux et de plus en plus longs et concernent une très large partie du globe. Nous partons en Amérique du Nord et en Espagne.

La pire sécheresse depuis 12 siècles aux États-Unis

Aux États-Unis, les auteurs d’une étude publiée en début de semaine dans la revue Nature Climate Change parlent de "méga-sécheresse". Cette absence de précipitations, qui touche le sud-ouest du pays, est la pire depuis 12 siècles. Elle a débuté en l’an 2000 et va se poursuivre encore cette année. C’est cette durée et sa gravité qui font que les scientifiques la baptisent "méga-sécheresse". Les températures ont été très souvent au-delà de 40 degrés en Californie, Arizona, Nevada, Utah, Nouveau-Mexique, Colorado et Texas notamment et les précipitations faibles entre l’été 2020 et l’été dernier.

La sécheresse est donc plus dure que la dernière considérée comme la plus sévère par les chercheurs, à la fin du 15e siècle. Beaucoup de réservoirs du pays sont en dessous de la normale. En particulier le plus grand réservoir artificiel des États-Unis, le lac Mead, dans le Nevada.  Il est à un tiers de sa capacité et il y a une marque, comme une trace dans une baignoire, à l’endroit où le niveau de l’eau devrait se trouver.

Comment les scientifiques établissent-ils l’état des sécheresses ? Ils en apprennent souvent beaucoup dans les carottes de glace qu’on sort du sol. En Antarctique, par exemple, le programme européen Epica, a permis de dessiner le climat sur plus de 800 000 ans, avec les bulles d’air qui sont emprisonnées dans la glace. Dans ce cas précis, les scientifiques ont utilisé les cernes des arbres, ces cercles plus ou moins épais que l’on voit lorsqu’un arbre est tronçonné, lorsque l'on regarde la coupe avec les différentes progressions dans sa croissance. Du milieu lorsqu’il est petit, jusqu’à l’écorce, au bord, au moment où il est coupé. Les chercheurs ont pu établir un lien étroit entre la largeur des cernes et la teneur en humidité des sols, grâce aux données climatiques du siècle dernier. Les anneaux de croissance des arbres sont plus larges pendant les années humides et plus minces pendant les années sèches.

C’est cette observation qui leur permet de dire que la période 2000-2021 est la plus sèche depuis 800 après Jésus-Christ. Elle démontre également que l'été dernier a été le deuxième plus sec des 300 dernières années, après l’été 2002. Les pluies de mousson dans le désert du sud-ouest des États-Unis ont fait espérer une amélioration, de même que les fortes pluies et la neige en Californie de l'automne à décembre, en vain. L'analyse publiée dans Nature Climate Change montre aussi que le réchauffement climatique dû à l'homme a joué un rôle majeur dans l'extrême sécheresse. Il y aurait eu une sécheresse indépendamment du changement climatique mais elle aurait été moitié moins sévère d’après ces scientifiques.

Les côtes et montagnes espagnoles asséchées

La péninsule ibérique doit faire face à une sécheresse en plein hiver. Aucune goutte de pluie n’est tombée sur l’Espagne et le Portugal voisin depuis des semaines. La situation est de plus en plus inquiétante en Andalousie et en Catalogne qui connaissent l’hiver le plus sec depuis 20 ans. Au mois de janvier par exemple, à Barcelone, il n’y a pas eu la moindre goutte de pluie pendant 22 jours consécutifs. Les réserves d’eau ne sont qu’à 50% de leur capacité, soit 30 points de moins que l’année dernière à la même époque. Les grands réservoirs d’eau se vident.

>>En Espagne, un village englouti par les eaux d'un barrage refait surface à cause de la sécheresse

Symbole édifiant de ce manque de précipitations : l’église de Sant Pau, dans l’arrière-pays catalan, engloutie par les eaux d’un barrage, a refait surface. À Lleida, l’une des zones les plus agricoles d’Espagne, on s’attend à un printemps très difficile, explique Père Roqué, secrétaire général du syndicat agricole Asaja : "On s'attend à une campagne très compliquée pour les fruits comme pour les céréales. Si cette situation perdure au-delà du 15 mars, on aura de gros problèmes dans les cultures."

"Il faut espérer que ça ne dégénère pas cet été. On peut craindre des incendies car les montagnes sont très sèches."

Père Roqué, syndicat Asaja

à franceinfo

Le manque de pluie touche également les Pyrénées. Boi Segarra, guide de haute montagne, n’a pas beaucoup de travail cet hiver car la neige en altitude se fait de plus en plus rare : "Il y a de grosses chutes de neige mais très isolées. Le changement climatique se répercute sur notre travail". En Espagne, ces problèmes ne viennent pas uniquement du manque de pluie. Les habitants ne peuvent rien faire contre un anticyclone installé depuis des semaines. En revanche, la main de l’homme est aussi responsable de la baisse des ressources hydriques. Cet été, un grand groupe a profité de la hausse des prix de l’électricité pour vider en partie des barrages et produire de l’électricité bon marché.

Et puis il y a les systèmes d’irrigation disproportionnés, mais aussi et surtout un urbanisme démesuré notamment sur la très touristique Costa Brava. Là-bas, on a dû construire une usine de dessalement de l’eau de mer après une sécheresse en 2007. Ce n’est pas ce qu’on fait de mieux pour l’environnement rappelle Joan Mora, docteur en biologie : "Bien sûr c’est une solution pour approvisionner en eau la population, surtout l’été. Mais le coût économique et environnemental est énorme car évidemment ça fonctionne avec de l’électricité. La solution passe par une rationalisation des ressources naturelles dont on dispose."

Certaines zones de Catalogne comme d’Andalousie sont déjà soumises à des restrictions d’eau. Des villages doivent faire venir des camions citernes. Barcelone devrait bientôt passer dans une zone de pré alerte.

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