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Du poisson, oui, sauf du thon Albacore

Les Français sont de gros mangeurs de poisson frais. Le saumon et le cabillaud sont plutôt de bonne qualité. Le thon Albacore, lui, est menacé dans sa ressource, il vaut donc mieux diminuer largement sa consommation.
Article rédigé par franceinfo
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Le saumon reste le poisson préféré des Français, même si son prix a augmenté de 25% en un an. (PATRICK LEFEVRE / MAXPPP)

Cette semaine, l'enquête de 60 millions de consommateurs, menée par Patricia Chairopoulos, s'intéresse à notre consommation de poisson frais. Petit état des lieux de cette ressource maritime...

franceinfo : Les Français sont-ils de gros mangeurs de poisson ?

Patricia Chairopoulos : Oui, sa consommation ne cesse de croître : en moyenne 30 kg (poids vif, avant que le produit ne soit préparé) par an et par habitant, toutes formes confondues (frais, conserve, produits traiteurs réfrigérés, etc). Mais d’après le panel de consommateurs Kantar 2022, les ventes de poisson frais reculent. Il faut dire qu’à l’instar des autres rayons, les prix ont flambé : ainsi le saumon, véritable "star" des poissons en France, a vu son étiquette augmenter de 25% en un an.

Quels types de produits, quelles espèces, avez-vous testés et qu'avez-vous recherché ?

Trois espèces de poissons en frais : saumon, cabillaud et thon Albacore, vendus en grandes surfaces conditionnés en barquettes ou à la coupe pour le thon. Nous avons mené des analyses pour rechercher les métaux lourds (plomb, mercure et cadmium), les PCVB et dioxines, ainsi que les molécules vétérinaires dans les poissons d’élevage. Par ailleurs, nous avons vérifié la présence des indications – obligatoires – sur les étiquettes concernant la zone et le mode de pêche.

Quel saumon, notre poisson préféré donc, est le meilleur d'après vos tests ? Norvège ou Ecosse ? C'est toujours la grande question...

D’après, nos résultats, il n’y a pas de différence, et la Norvège donne même de meilleurs résultats. Pointées du doigt depuis plusieurs années pour les conditions sanitaires et de bien-être des poissons, les fermes marines norvégiennes ont consenti certains efforts. Par exemple, la filière norvégienne affirme avoir fortement limité l’utilisation d’antibiotiques. Nos résultats confirment l’absence de résidus médicamenteux sur les 16 références de l’étude. Autre bonne nouvelle : aucune trace de plomb ni de cadmium n’a été décelée lors de nos analyses. En revanche, nous avons retrouvé du mercure dans tous les échantillons, mais en quantités très faibles, sans danger pour la consommation.

Par ailleurs, nous avons retrouvé des dioxines et des polychlorobiphényles (PCB) ; ces polluants sont reconnus cancérogènes avérés pour l’homme par le Centre International de recherche sur le cancer (Circ) ainsi que perturbateurs endocriniens. Interdits depuis 1987, ils persistent dans le milieu aquatique et se concentrent dans les tissus graisseux des poissons. Mais là encore, les quantités mesurées (le maximum étant à 12% de la limite de résidus autorisée) ne suscitent pas d’inquiétude.

Pour le cabillaud, vous faites deux reproches : le mode de pêche, et l'affichage sur les étiquettes ?

Du côté des polluants, rien d’alarmant. Les huit références du panel contiennent cependant de petites quantités de mercure, deux d’entre elles atteignant presque la moitié de la limite autorisée. De plus, nous avons décelé des traces de plomb dans le cabillaud (6% de la limite autorisée). Les résultats sont également très corrects pour les dioxines et PCB, retrouvés à des taux largement inférieurs au seuil règlementaire.

Mais du côté de l’impact environnemental, nos notes ont été plus sévères. Concernant le cabillaud d’Atlantique, le principal reproche porte sur le mode de pêche et le manque de transparence des étiquettes. Elles indiquent en effet « chalut » ou « chalut, lignes et hameçons », voire « lignes » tout court, un terme incomplet. Surtout, il peut s’agir de chalut de fond ou de chalut pélagique, qui posent l’un et l’autre problème par rapport aux stocks de cabillaud.

Le poisson qui vous inquiète, c'est le thon Albacore, celui qu'on trouve partout. L'état de la ressource est vraiment catastrophique ?

Oui, et c’est pourquoi aucune de nos références n’obtient la moyenne. En cause : le fort impact de la pêche, tant sur les stocks de thon que sur la biodiversité marine. Le décryptage des étiquettes montre déjà plusieurs irrégularités, par exemple l’absence de précision de la zone FAO de pêche, pourtant obligatoire. Surtout, les deux zones de pêche, centre Pacifique et Océan Indien, sont concernées par la surpêche du thon Albacore. Les données sur l’Océan Indien indiquent une capture massive des juvéniles, entrainant de fait un effondrement des stocks. On peut supposer qu’il en va de même pour le Pacifique, mais les informations sont trop parcellaires. Sur le mode de pêche, la senne, filets tournants et filets soulevés sont des techniques peu sélectives, avec des prises accessoires importantes (juvéniles, requins, tortues, etc). C’est encore pire pour la senne avec un « dispositif de concentration de poissons » (DCP). Mais cette précision n’est jamais indiquée sur les étiquettes !

Il faut donc éviter de consommer le thon Albacore, ou du moins limiter fortement sa consommation. Pour qui souhaite consommer ce type de poisson, mieux vaut choisir du thon blanc (Germon) pêché à la canne.

A l'exception du thon, les notes que vous attribuez sont plutôt bonnes, entre 12 et 14 sur 20. On est bien servis, en France, en matière de poisson ?

Oui, car ces poissons ne contiennent que très peu de polluants. Le saumon comme le cabillaud d’Atlantique peuvent être consommés toutefois avec modération, là encore pour des questions environementales

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