La santé au féminin est-elle un sujet tabou ?
60 millions de consommateurs publie un numéro hors série sur la santé au féminin ce mois-ci. Sophie Coisne, rédactrice en chef du magazine, revient sur cette enquête.
franceinfo : Vous dites dans votre édito qu'il vous a fallu batailler pour sortir ce numéro. Pourquoi ?
Sophie Coisne : Beaucoup de sujets, dans ce numéro sont tabous, et on estime que les femmes ne sont pas suffisamment nombreuses à s'intéresser à ces problématiques spécifiques. Elles sont souvent plus promptes à s'intéresser à la santé de leurs proches qu'à elles-mêmes. Il convient déjà de lutter contre les idées reçues. On parle beaucoup du cancer du sein, mais les femmes sont, avant tout, exposées aux maladies cardio vasculaires et elles ne le savent pas toujours : 204 femmes meurent chaque jour d'une maladie cardio vasculaire, contre 35 d'un cancer du sein. Bien sûr, on ne va pas opposer les maladies, mais ce domaine médical autour du cœur est très négligé par les femmes. Elles ont pourtant adopté les mêmes mauvaises habitudes que les hommes : le tabac, la sédentarité, la malbouffe.
Faut-il prendre sa tension régulièrement et, après la ménopause, vaut-il mieux être suivie par un cardiologue ?
Il faut surtout parler de la santé de son cœur et de ses artères à son médecin, lui parler de ses changements d'habitudes, comme la reprise de la cigarette par exemple, être vigilante à des moments précis de sa vie notamment, en effet, au moment de la ménopause. Les hormones féminines, les œstrogènes protègent les artères des femmes. Or à la ménopause, ces hormones s'effondrent et tout à coup, les artères deviennent beaucoup plus sensibles.
L'autre enseignement de votre enquête est le manque de gynécologues. En 13 ans, leur nombre a chuté de 65 %. Comment l'expliquer ?
Il s'agit des gynécologues médicaux. D'une part, il y a eu un arrêt de la formation pendant une dizaine d'années de ces professionnels de santé. Et, comme les obstétriciens, lorsqu'ils partent à la retraite ils sont de plus en plus souvent remplacés par des personnes qui ne font pas forcément le même volume horaire. Dans le magazine, nous donnons quelques clés aux femmes qui ne trouvent pas de gynéco parce que beaucoup d'autres professionnels peuvent réaliser leur suivi médical, qu'il est vraiment important de ne pas laisser tomber.
À propos du cancer du sein, la prise en charge a-t-elle évolué pour aider les patientes à traverser les périodes de traitement ?
Oui. Il y a de plus en plus de soins de support, c’est-à-dire des soins qui vont aider les femmes à mieux supporter les traitements et les effets secondaires, à se sentir plus fortes moralement et psychologiquement. De plus en plus d'établissements en proposent gratuitement, ou à faible coût. Nous abordons un autre cancer, celui de l'utérus, qui doit disparaître. Une campagne de dépistage est lancée actuellement et fonctionne mieux encore que celle du dépistage du cancer du sein, ce qui est une bonne nouvelle. Le cancer de l'utérus peut vraiment être évité, à la fois par le dépistage et par la vaccination de nos enfants.
Et l'ostéoporose. Là aussi, le dépistage est-il important ?
Absolument, parce que ce dépistage permet de savoir si on a une fragilité osseuse. Si c'est la cas, il existe des traitements au long cours qui permettent de le résorber et il convient de modifier son mode de vie, d'adopter une certaine hygiène et de pratiquer certains sports, d'avoir une nutrition à base de produits laitiers, de calcium pour corriger un déficit.
De manière générale, comment expliquer que les femmes ne prennent pas plus soin de leur santé ?
Manque de temps, manque d'information. Une étude a montré, par exemple, qu'en cas de symptômes d'infarctus, les femmes appellent les secours 37 minutes plus tard pour elles que pour leur mari, ce qui est un comble ! En fait, on se rend compte qu'elles s'occupent davantage de la santé de leurs proches et minimisent leurs propres soucis, leurs douleurs. Les médecins n'entendent pas toujours leurs plaintes non plus, et notamment en ce qui concerne la douleur, qu'ils considèrent parfois comme des problèmes psychologiques au lieu de rechercher une cause physiologique.
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