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Le déclin de l'AKP en Turquie expliqué par l'éco

Avec l’effondrement de la majorité de son parti, l’AKP, au Parlement, le président turc, Recep Tayyip Erdogan voit ses rêves de présidentialisation du régime s’effondrer. Les résultats économiques du pays ont peut-être joué en défaveur de la majorité au pouvoir depuis 13 ans. La situation n’est en effet pas bonne du tout.
Article rédigé par Vincent Giret
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Franceinfo (Franceinfo)

 C’est vrai et c’est d’autant plus paradoxal que ce grand pays de 75 millions d’habitants situé entre Orient et Occident avait soulevé beaucoup d’espoirs. Certains y avaient même vu l’élève modèle de la mondialisation réussissant un temps le mariage inédit de l’islam, de la démocratie et de la prospérité. La Turquie s’affirmait comme la première puissance du Moyen-Orient et avait vocation à rejoindre le top 10 des grandes puissances de la planète.

On y vantait à la fois l’excellente formation de ses élites, un coût du travail très attractif, des savoir-faire pointus, un puissant marché intérieur, une base idéale aussi pour lancer des investissements au Moyen-Orient, en Asie centrale ou en Afrique. Mieux encore, la perspective, fût-elle lointaine, d’une adhésion à l’Europe, cimentait ces espoirs de prospérité. La France d’ailleurs, n’était pas la dernière à en profiter. En vingt ans, elle a multiplié par 20 sa présence : Danone, Carrefour, Renault ou PSA, la plupart des fleurons français ont alors pris pied en Turquie et y occupent des positions souvent très enviables.

Pourquoi cette promesse de prospérité n’est-elle pas au rendez-vous ?

Les causes sont multiples, sans aucun doute d’abord politique : au durcissement autoritaire du régime, se sont ajoutés la guerre et le chaos au Moyen-Orient qui ont ébranlé ce pays qui a par exemple dû accueillir deux millions de Syriens fuyant la guerre civile.

Mais il y a aussi de nombreux facteurs économiques qui expliquent le ralentissement sévère de la croissance, située aujourd’hui entre 2% et 4% contre 9% il y a seulement 4 ou 5 ans. A la crise financière mondiale, s’est ajouté un mauvais pilotage économique. Le chômage dépasse désormais les 11%, une majorité de la population se débat aujourd’hui dans la pauvreté et les inégalités ont explosé. La distribution des revenus est en Turquie la plus inégalitaire d’Europe.

Enfin, la Turquie souffre d’un sévère déficit de ses échanges extérieurs que les investissements ne compensent plus.

Le président Erdogan a-t-il une responsabilité personnelle dans la dégradation économique ?

Elle est écrasante. L’appétit de puissance de cet autocrate mégalo qui s’est fait construire un palais de 1.100 pièces grand comme trois fois le château de Versailles, les affaires de corruption mettant en cause plusieurs membres du clan, et le style d’un président qui n’hésite pas à accuser le président de la Banque centrale ont effrayé les investisseurs, de même qu’ils ont refroidi une partie des électeurs.

Après le mouvement social de grande ampleur de 2013, c’est un nouveau coup de semonce qui secoue le régime et vient donc au bon moment mais nul ne sait encore comment le parti du président va l’interpréter. En tout cas, il ne peut désormais plus gouverner seul. C’est déjà une bonne nouvelle.

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