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Le décryptage éco. Le chiffon du thatchérisme

Thatchérisme : le mot est réapparu comme une insulte ou une menace contre François Fillon ces jours-ci. Que recouvre vraiment cette expression ?

Article rédigé par franceinfo, Vincent Giret
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Margaret Thatcher, Premier ministre britannique, le 23 mai 1990. (© HOWARD DENNER / RETNA PICTURE / MAXPPP)

François Fillon est associé avec le tchatchérisme. Une définition de ce mot s'impose. Le thatchérisme, c’est à la fois une certaine pratique du pouvoir et un corps de doctrine identifiée et assez robuste. Il faut d’abord rappeler que Margaret Thatcher a été la première femme à occuper le poste de Premier ministre de Grande-Bretagne. Elle s’est maintenue au pouvoir pendant onze ans, de janvier 1979 jusqu'à la fin de l’année 1990. Il y a donc plus de 25 ans. Et elle mis en œuvre ce qu’on a appelé la  "révolution thatchérienne", une synthèse de conservatisme politique et de libéralisme économique. Si chez nous, en France, le terme est synonyme de brutalité, de libéralisme sauvage, d’idolatrie aveugle du marché, au Royaume-Uni il en va tout autrement : nos voisins reconnaissent très largement à Margaret Thatcher d’avoir sorti le pays de 30 ans de marasme et de crise profonde. Quand elle arrive au pouvoir, la Grande-Bretagne est en chute libre, en quasi faillite, le FMI est aux portes de Londres. Et bien en onze ans, le Royaume-Uni passe du 18e rang mondial en terme de Pib par habitant, c’est le principal indicateur de richesse d’un pays, au 7e rang. Le rebond est spectaculaire. Les finances sont équilibrées pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale et le chômage a son plus bas niveau. 

Margaret Thatcher : un cas à part

D’abord, si Margaret Thatcher fut bien une femme de rupture, elle ne fut jamais une théoricienne du libéralisme. Elle avait coutume de dire qu’elle avait appris le bien fondé du libéralisme, ou les bienfaits du libre-échange et de la valeur du travail dans l’arrière boutique de l’épicerie du son père. C’est sur le tard, qu’elle a lu toutes les grands noms de la pensée libérale. Quelles sont ses idées forces : je vais en citer 3 :

1. L’impérium du rétablissement des comptes publics. C’est quelque chose qui pour elle ne se discute même pas.


2. Le concept d’Etat minimal : ce n’est pas l’Etat qui crée de la prospérité, mais l’entreprise, l’entreprise privée bien sûr : donc il faut tout faire pour promouvoir la productivité.

3. Le primat absolu du marché : elle fait confiance à l’efficience des marchés, tous les marchés, celui du travail qu’on peut donc libéraliser, libérer des contraintes réglementaires, tout comme celui de la production. Cela se traduit par une vague de privatisations sans précédent, une libéralisation des marchés financiers, et l’abandon des subventions de l’Etat aux entreprises fragilisées ou menacées par la concurrence mondiale, et par le primat donné à l’individu sur la société, avec un état providence qui se limite à un filet de secours.

Mais il faut ajouter un 4ème point qui ne tient pas de la doctrine mais de l’exercice du pouvoir et c’est surtout ça qui a marqué les esprits : Margaret Thatcher a brisé la toute puissance des syndicats en faisant plier le très puissant syndicat des mineurs après une grève interminable de 18 mois. C’est là où elle a gagné son surnom de dame de fer.

Un candidat à droite n'assume pas un tel héritage

L’usage répété ces jours-ci du mot thatchérisme n’a pas beaucoup de sens, il est très largement anachronique dans le contexte français. Ni François Fillon, et encore moins Alain Juppé ne promettent de renverser la table et de déréguler à tout va comme l’a fait Margaret Thatcher. L’un et l’autre promettent certes un nouvel équilibre entre l’Etat et le marché, mais prônent des réformes à l’intérieur du cadre, à l’intérieur de notre système social, et ils n’en font pas table-rase.
On peut ajouter qu’il y a chez François Fillon une religion de l’Etat et de la famille qui sont aux antipodes de la doctrine Thatcher.
En revanche, il y a un point qui résonne avec le thatchérisme et que François Fillon revendique d’ailleurs : c’est la détermination, l’idée qu’avec lui la droite se battrait cette fois si besoin jusqu’au bout contre les conservatismes, contre les blocages syndicaux, comme Thatcher l’a fait avec les mineurs. Et là, c’est un joli débat et c’est à chacun de se faire une idée.


Le chiffon du thatchérisme par franceinfo

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