Le décryptage éco. Réforme du code du travail : Macron prend-il le risque d'une nouvelle fronde sociale ?
Le Premier ministre a annoncé que la nouvelle réforme du code du travail serait lancée cette semaine. Il devrait recourir aux ordonnances. Ce faisant, l’Elysée ne prend-il pas le risque d’une nouvelle crise sociale nationale ?
C’est cette semaine que sera lancée la nouvelle réforme du code du travail, une "réforme majeure", annonce le Premier ministre qui devrait donc avoir recours à des ordonnances. Emmanuel Macron prend-il le risque d’une nouvelle crise sociale nationale ?
L’angoisse sociale est très forte dans le pays
Gardons-nous d’un pronostic trop tranché. D’abord parce que l’élection présidentielle n’a pas changé radicalement le pays comme d’un coup de baguette magique, le pays reste fracturé et habité par une angoisse sociale très forte. Et dans ce contexte, une réforme ambitieuse du code du travail est un exerce éminemment explosif. Mais il y a tout de même plusieurs différences entre le printemps 2016 et l’affrontement violent qu’avait provoqué la loi El Khomri, et ce printemps 2017 qui suit donc l’élection d’Emmanuel Macron.
La première différence tient au capital politique et elle est fondamentale : il faut se souvenir que François Hollande et Manuel Valls avaient lancé ce chantier en toute fin de mandat, dans un contexte d’extrême impopularité et de vulnérabilité, et ce gouvernement n’avait déjà plus de majorité au parlement, sans parler de l’état de l’opinion massivement hostile. François Hollande soumettait en outre un projet de réforme, la future loi travail El Khomri, dont il n’avait jamais parlé pendant sa campagne présidentielle.
Le cas d’Emmanuel Macron est différent, le candidat avait annoncé la couleur en évoquant d’emblée que la réforme du code du travail serait l’une des toutes premières; juste après la loi de moralisation de la vie politique. Il avait aussi annoncé d’emblée qu’il souhaitait recourir aux ordonnances pour accélérer la mise en œuvre de ce texte. Cela ne sera donc pas une surprise, chacun avait été prévenu.
Le recours aux ordonnances devrait être consensuel à l’Assemblée
Ce recours aux ordonnances continue donc de soulever des oppositions. Mais ces oppositions, ou ces inquiétudes semblent, pour une part au moins, appartenir au petit théâtre politique. Ce recours aux ordonnances devrait être assez consensuel à l’Assemblée nationale pour une raison simple : presque tous les candidats à la primaire de la droite et du centre avaient eux-mêmes préconisé pendant leur campagne l’usage des ordonnances, prévu par la Constitution. Et qui, contrairement à une idée reçue, ne tient pas vraiment du passage en force.
La CFDT, de façon très nette, et même, semble-t-il, Force ouvrière, ne contestent pas le fait que les ordonnances soient des outils politiques, prévus par la Constitution et donc légitimes, et dont il est d’ailleurs fait un usage plus fréquent qu’on ne le croit.
Il faut redire à nouveau, que si il est vrai que les ordonnances accélèrent le tempo, évitent les navettes interminables entre l’Assemblée et le Sénat, elles ne contournent pas le Parlement qui aura à se prononcer deux fois, et n’interdisent nullement les débats et les négociations. Enfin, dernière différence, les sujets en questions de cette nouvelle loi travail sont désormais bien documentés, ils ont été déjà beaucoup discutés depuis deux ans, il y a déjà eu une multitude de discussions avec les partenaires sociaux et ceux-ci le savent très bien.
Concessions réciproques
Cela se jouera donc sur la capacité des uns et des autres, gouvernement et partenaires sociaux, à mettre du contenu dans ces textes, à les enrichir. Et d’abord sur le sujet principal, le plus structurant, c’est à dire : la négociation d’entreprises. Quel périmètre donnerait-on vraiment à ces négociations de terrain ? En fait, il s’agit de donner plus de pouvoir aux syndicats réformistes et aux patrons, de faire confiance à leur capacité d’innovation sociale, pour trouver un terrain d’entente où les deux parties soient gagnantes, par un jeu de concessions réciproques.
C’est un pari, bien entendu, cela ne marchera sans doute pas partout. Rappelons qu’un verrou subsiste : rien ne sera imposé de façon verticale, puisque ces accords devront être approuvé par plus de 50% des salariés – c’est tout à fait considérable - à travers leurs organisations représentatives. Pour désamorcer les peurs ou les hostilités, le gouvernement devra monter qu’il est vraiment prêt, sans construire une usine à gaz, à bâtir un cadre avec des règles qui donnent confiance à la fois aux salariés pour défendre leurs intérêts et aux entreprises pour assurer leur développement. Beaucoup de nos voisins y sont parvenus.
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