Quand l'Allemagne découvre la grève
Bienvenue dans la république fédérale de la grève ! C’était le gros titre du quotidien allemand Die Welt il y a quelques jours. Incroyable mais vrai dans ce pays discipliné où la grève est en principe l’exception, l’ultime recours dans un rapport de forces très balisé avec les employeurs, une vague de conflits sociaux s’est répandue dans le pays depuis le début de l’année.
Les conducteurs de locomotive, les postiers, les pilotes d’avion, les salariés d’Amazon ou encore ces jours-ci les employés des crèches municipales ont engagé des conflits sociaux très durs. Au total, le nombre de jours de grève atteint en cinq mois le double de l’an passé : 350.000 journées de travail ont déjà été chômées et les experts prévoient que l’Allemagne va enregistrer en 2015 un record de grève depuis au moins dix ans, même s’il faut le rappeler : l’Allemagne est encore loin du niveau français.
Pourquoi cette poussée soudaine de conflits sociaux ?
Eh bien parce que les Allemands ont fait, ces dernières années, beaucoup d’efforts, notamment depuis les réformes Schröder, pour rendre leur économie plus compétitive. Ces réformes avaient réussi, globalement, à faire baisser le coût du travail, elles ont permis la création de millions d’emplois et quasiment disparaître le chômage, mais elles ont aussi favorisé l’explosion des emplois à bas salaire dans les services (la restauration, l’alimentation, le commerce au sens large). Les salariés allemands considèrent globalement que ces efforts doivent être mieux rémunérés et ils réclament pour cela des augmentations importantes. Le syndicat Verdi, spécialisé dans les services, demande une hausse des salaires de 10% pour les employés du secteur public social.
Derrière ces conflits, pointe la question des inégalités.
Oui, cette vague de conflits met en lumière certaines inégalités de plus en plus voyantes dans la société allemande, y compris entre différentes catégories de salariés. Ceux de la métallurgie et des industries traditionnelles comme l’automobile sont protégés par un syndicat très puissant, le fameux IG-Metall, qui a certes montré beaucoup de souplesse sur l’organisation et le temps de travail mais qui s’est montré intraitable sur l’emploi et sur les salaires qui ont progressé de 3,5% cette année -c’est tout à fait significatif.
A l’inverse, dans les services, les syndicats sont plus faibles, plus petits, plus divisés. Les salariés y sont plus fragiles (notamment à temps partiel) et ce sont eux qui donnent aujourd’hui de la voix. A Berlin, l’affaire a été jugée suffisamment préoccupante pour que le gouvernement fasse passer une nouvelle loi pour encadrer davantage les négociations salariales en limitant les droits des petites organisations syndicales. L’objectif était évident : éviter la surenchère de syndicats pas vraiment représentatifs. Ces augmentations de salaire sont en tout cas une bonne nouvelle pour l’économie allemande : elles vont renforcer le pouvoir d’achat et la demande. Par voie de conséquence, c’est aussi une bonne nouvelle pour l’Europe.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.