SNCF : celle qui va bien, celle qui va très mal
Pour répondre, il faut se représenter la SNCF comme trois entités distinctes, il y a comme trois SNCF, chacune différente, qui n’avance pas à la même vitesse, comme trois mondes qui cohabitent et s’ignorent assez largement. La première, extrêmement dynamique, c’est la SNCF international, on le sait peu ou pas assez, mais la SNCF est très présente à l’étranger avec sa filiale Keolis, qui est désormais un véritable groupe, de 60.000 personnes, présent dans 15 pays, et avec un chiffre d’affaires de près de six milliards d’euros. Keolis est leader mondial du métro automatique et du tramway, et l’un des principaux opérateurs de bus privés en Europe. Keolis a décroché de gros contrats aux Etats-Unis, en Asie, en Afrique. Bref, c’est une entreprise conquérante, compétitive, performante.
La deuxième SNCF est plus encore dans l’ombre, c’est celle de la transformation numérique et de l’innovation. Là aussi, on le sait peu, ou pas assez, mais la SNCF a bâti un écosystème d’innovation technologique avec des start-up et des équipes qui travaillent sur les nouveaux modes de transport et sur de nouveaux services. Ce sont des équipes qui ont globalement une excellente réputation, même si les réalisations concrètes tardent à se concrétiser pour les clients que nous sommes.
Il y a aussi une troisième SNCF qui, elle, ne va pas bien
Et cette troisième SNCF, c’est hélas celle que nous côtoyons les plus, une entreprise très abimée, surendettée, souvent en grève, souvent instrumentalisée aussi par des conflits qui ne sont pas vraiment les siens, une entreprise enfin au sens du client parfois très aléatoire, nous en faisons tous l’expérience. Et cette SNCF là se prépare des temps très difficiles. Pour vous donner un ordre de grandeur, la SNCF traine une dette colossale qui franchi en ce début d’année les 50 milliards d’euros. Elle a dû procéder à une gigantesque dépréciation d’actifs de plus de douze milliards lors de la présentation de ses comptes annuels. Cette dérive des comptes n’a pas vraiment de secret : le ferroviaire est une activité par nature déficitaire et pour financer ce service public, l’Etat a demandé à la SNCF de s’endetter à sa place. Sans compter, que l’entreprise fut souvent et est encore parfois le jouet des politiques qui ont une fâcheuse tendance à faire prévaloir des intérêts particuliers peu compatibles avec l’intérêt général.
Les cheminots sont également en grève contre l’ouverture du marché ferroviaire à la concurrence
C'est l’autre dimension du problème, le nouveau cadre social, prélude à l’ouverture du secteur ferroviaire à la concurrence, c’est le dernier volet d’une réforme votée en 2014. Les cheminots voudraient que leurs concurrents appliquent des règles sociales très proches des leurs, mais la direction a calculé qu’il faut en moyenne 30% de personnels en moins au privé pour offrir le même service de transport dans le fret que la SNCF, et ce chiffre est d’au moins 15% pour le transport de passagers. C’est là que le bât blesse. Productivité, statut, organisation, temps de travail et jours de repos. Ce sont ces sujets ultrasensibles qui font courir le risque d’un énième embrasement social à la SNCF. Et vous le voyez, ce conflit dépasse donc de très loin le simple enjeu de la loi Travail El Khomri.
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