Guerre au Proche-Orient : pour Caroline Hayek, "il y a les graines d'une possible guerre civile" au Liban

Caroline Hayek, grand reporter au quotidien franco-libanais "L'Orient-Le Jour", s'inquiète d'un retour de la guerre civile au Liban.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Caroline Hayek, grand reporter au quotidien franco-libanais L'Orient Le Jour, le 24 octobre 2024. (FRANCEINFO / LE GRAND TEMOIN)

Alors que s'ouvre, jeudi 24 octobre à Paris, une conférence internationale sur le Liban où 70 pays et organisations internationales sont invités pour tenter de trouver des solutions en vue d'un cessez-le-feu, les bombardements israéliens sur le sud du Liban ne cessent de s'intensifier.

Caroline Hayek, grand reporter franco-libanaise au quotidien L'Orient-Le Jour, vient elle-même de quitter le pays avec sa famille. "Nous habitons dans la banlieue de Beyrouth, le son des bombardements était forcément très violent et nos enfants étaient marqués par cela. J'ai essayé de mettre ma famille à l'abri, mais dès que possible je rentrerai au Liban", témoigne personnellement la journaliste.

Une communauté chiite sous le giron du Hezbollah

Cette crainte pour soi et sa famille, beaucoup de Libanais la partagent. En première ligne, la communauté chiite, qui représente environ 30% de la population libanaise, et qui vit "le pire moment de son histoire" selon Caroline Hayek. "Toute la communauté chiite n'est pas pro-Hezbollah, mais une grande partie tout de même" insiste la journaliste, qui poursuit sur les raisons de ce soutien populaire : "Il faut comprendre que ce sont des générations qui ont grandi avec le sentiment que le Hezbollah était là pour les défendre, après des années à se sentir piétinés, à ne pas se sentir profondément libanais". 

Ce parti politique, disposant d'une milice armée de plus de 10 000 hommes, a su capter cette détresse et ce ressentiment envers la société libanaise. "C'est une pieuvre qui a mis ses mains dans toutes les institutions de l'Etat. C'est un vrai problème pour le Liban" regrette Caroline Hayek.

"Le défi, c'est comment intégrer la communauté chiite, comment lui faire comprendre qu'elle peut sortir du giron du Hezbollah et qu'il y a une autre alternative pour être intégrée au sein de la société."

Caroline Hayek

sur franceinfo

La crainte du retour de la guerre civile

L'enjeu est double pour le Liban. À la fois garantir sa sécurité et obtenir un cessez-le-feu avec Israël, mais aussi empêcher le délitement de sa société et le retour de la guerre civile, qui sévit pendant 15 ans de 1975 à 1990. "En ce moment, c'est certain qu'il y a les graines d'une possible guerre civile, et c'est ce qui nous effraie le plus" s'inquiète Carolin Hayek. Très divisé, le pays est une mosaïque de communautés et de confessions, composé de musulmans sunnites, de musulmans chiites et de chrétiens de toutes confessions, qui cohabitent difficilement depuis la guerre civile.

Politiquement, la situation du pays était déjà catastrophique. "C'est un État failli qui n'a pas de président de la République depuis deux ans, qui est économiquement à bout de souffle, qui est au bord du gouffre et en danger de mort" affirme la journaliste. À cette crise politique, la guerre a ajouté une crise humanitaire d'une ampleur inédite. "On parle de 1 300 000 déplacés à travers le pays. C'est quand même énorme, et sans compter tous les réfugiés syriens qui étaient déjà présents sur le territoire." poursuit-elle. Une situation qui dope les conflits entre les différentes communautés alors que beaucoup de Libanais refusent d'accueillir les réfugiés chiites, d'éventuelles cibles pour l'armée israélienne, prête "à débusquer n'importe quel membre du Hezbollah, au prix de tomber sur un immeuble composé de civils chrétiens ou sunnites". Beaucoup de ces civils chrétiens et sunnites considèrent d'ailleurs que la guerre est un problème chiite, qui concerne cette communauté avant tout.

La perspective de la paix s'éloigne de jour en jour, alors que le conflit s'enlise et ravive des tensions internes au pays. De son côté, Israël ne veut pas entendre parler d'un cessez-le-feu qui pourrait, selon certains, redonner du souffle au Hezbollah. "Ce n'est pas en bombardant de manière acharnée le Hezbollah et l'ensemble du Liban pendant des mois, voire des années, que le Hezbollah va disparaître du jour au lendemain. C'est une idée complètement absurde. Au contraire, plus Israël va faire usage de la violence, plus il y aura de nouveau des 7 octobre, des guerres comme à Gaza, comme au Liban. On est très très pessimiste à ce niveau-là." alerte enfin la grand reporter.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.