Cet article date de plus de dix ans.

Jean-Pierre Rosenczveig : "Notre seuil de tolérance s’est abaissé"

Jean-Pierre Rosenczveig, ancien président du tribunal pour enfants de Bobigny, prend sa retraite après 40 ans de carrière consacrés à la défense des droits de ses "Gamins". Une décision qu’il ne le réjouit pas.
Article rédigé par Fabienne Sintes
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2min
  (Jean-Pierre Rosenczveig, ancien président du tribunal pour enfants de Bobigny en 2013 © Marlene Awaad/IP3 PRESS/MAXPPP)

"On me dit qu’il faut que j’exerce mes droits, mais je n’avais aucune envie d’exercer mes droits, " explique Jean-Pierre Rosenczveig, ancien président du tribunal pour enfants de Bobigny. "Je trouve cela aberrant d’autant plus qu’il y a 450 postes de magistrats qui sont vacants à l’heure actuelle, donc on m’aurait proposé un contrat je serais volontiers resté magistrat. "

 

Jean-Pierre Rosenczveig a dirigé le premier tribunal pour enfants de France, celui de Bobigny, durant 23 ans. Souvent le poste de juge pour enfants est un passage. "Les juges qui sortent de l’école se battent pour être juge pour enfants et au bout de deux ans et demi, ils ont demandé leur mutation. On ne leur a pas montré à l’école ou ailleurs la réalité de la fonction et ils se rendent compte qu’ils doivent incarcérer des gosses en grandes difficultés, retirer des enfants alors parents, alors qu’ils venaient pour défendre la veuve et l’orphelin. Il faut une certaine distanciation. Si je prenais au premier degré tous les drames que j’ai vus dans mon cabinet je serais en psychiatrie lourde. "

L'évolution de la justice

En 30 ans, la justice des mineurs a beaucoup évolué. Aujourd’hui, on parle beaucoup plus sous l’angle de la répression, on parle d’enfants qui sont des problèmes pour la société, alors qu’avant on essayait de défendre la veuve et l’orphelin.

 

"L’enfance en danger continuera et persistera tant que la vie sera sur terre, mais dans le même temps est apparue la problématique de l’insécurité, et, il ne faut pas se raconter de blagues, une partie de l’insécurité est liée dans certains quartiers à ceux qui ont moins de 18 ans. C’est un fait réel et fantasmé. Réel parce que l’on ne peut pas le contester, fantasmé parce qu’on l’a exagéré. "

 

"Notre seuil de tolérance s’est abaissé. Dans une société apaisée comme la notre, de communication, la moindre injure, agression, nous choque bien plus que dans le passé. Il ne s’agit pas de nier la délinquance juvénile mais de savoir comment la résoudre. Il va falloir trois ans, quatre ans, pour qu'une situation dégradée familialement, socialement, psychiatriquement remonte la pente. Mais on y arrive. Dans 87% des cas, un jeune qui est délinquant avant sa majorité ne l'est plus après grâce au travail social. "

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.