Agnès Jaoui : "Ce qui me passionne, ce sont les rapports humains"
Agnès Jaoui est de celles qui aiment tout essayer mais avec envie, rigueur et surtout détermination. L'actrice qu'elle est, nous a touchés avec des rôles évidemment puissants comme en 1997 dans On connaît la chanson pour lequel elle a reçu le César de la meilleure actrice dans un second rôle. Elle nous a aussi cueillis en tant que réalisatrice entre autres avec Le goût des autres, coécrit avec Jean-Pierre Bacri en 2000 et récompensé par le César du meilleur film. Aujourd'hui, elle a deux casquettes supplémentaires : chanteuse et écrivaine. Son ouvrage illustré par Cécile Partouche, La taille de nos seins paraît aux éditions Grasset ainsi que son premier album en français Attendre que le soleil revienne. Il y a un film également Ma vie, ma gueule de Sophie Fillières , sorti mercredi dernier.
franceinfo : Ces créations ont trois points communs : les femmes, la vie et les rapports humains.
Agnès Jaoui : Les rapports humains me semblent l'essentiel de la vie, en tout cas l'essentiel des sources d'inspiration. Souvent, quand on me dit : "Mais vous faites des films sur les rapports humains", je me dis mais oui, mais sur quoi d'autre faire des films en fait ? Ça pourrait être sur la beauté de la nature ou les animaux, je n'en sais rien, mais effectivement, ce qui me passionne, ce sont les rapports humains, ça c'est sûr.
Il y a un autre point commun, c'est le lâcher prise. On sent que là, vous êtes totalement à nu, vous vous livrez totalement. Est-ce que c'est difficile de lâcher prise ?
Oui. En tout cas, ça m'a pris du temps. Il y a aussi tout ce truc de légitimité qui commence à me fatiguer parce que je vois que ce sont souvent des femmes qui se sentent illégitimes. Mais le fait est que je me disais : non, je ne vais pas faire ça en plus et ça en plus... Même pour le chant classique, je ne disais à personne que j'en faisais, je faisais des concerts même sous un faux nom. Enfin, je m'excusais un petit peu d'avoir toutes ces passions, c'est vrai, mais je m'excuse un peu moins, même si c'est toujours compliqué de savoir jusqu'où on peut aussi se dévoiler parce que j'ai envie de garder ma liberté.
Dans l'album, dans le livre, dans le film, les femmes ne vont pas forcément bien au départ, mais elles vont bien à l'arrivée. Il y a toujours une forme de résilience.
Je trouve que les Français, les Parisiens, et le monde en général se plaint. Il y a une espèce de course à la nouvelle la plus catastrophique.
"Évidemment que le monde ne va pas bien, que plein de choses ne vont pas bien, mais passer son énergie à le constater et en rajouter, ne me semble d'aucun intérêt."
Agnès Jaouià franceinfo
Il y a un clin d'œil aussi à votre mère. Vous dites dans le livre qu'elle n'a jamais pris une décision importante quand elle était avec votre père, jusqu'à ce qu'elle en prenne une, celle de le quitter. C'est aussi un hommage que vous souhaitiez rendre aux femmes en leur disant : "Ne subissez pas votre vie" ?
Complètement. Et puis dire aussi aux jeunes filles : n'investissez pas trop sur l'idée du prince charmant qui reste demeure et que moi-même j'avais en tête, et sur la joliesse, sur le physique, sur plein d'idées ou dans lesquelles on est encore enfermées malgré toutes les révolutions. La beauté passe, cultivez plutôt tout ce qui va vous rendre indépendantes, libres, ceux qui vont être vos amis pour la vie, tout ce qui va demeurer au-delà de vos 35, 45, 25, 15 parce que pour certains on est consommable que très jeune. Vraiment, faites gaffe à vos rêves parce qu'il y en a, qui sont maléfiques et qui ne vous feront pas du bien.
Vous allez beaucoup plus loin dans le livre. Vous nous livrez un secret que vous avez porté pendant très longtemps. Un de vos oncles vous emmenait derrière la colline. Il vous a demandé de vous déshabiller. Pendant très longtemps, vous avez pensé que c'était une histoire d'amour. Est-ce que ce livre n'est pas aussi une façon de mettre des mots pour aider les autres ?
J'avais envie de dire que oui, j'avais essayé de croire que c'était une histoire d'amour pour me protéger. Je pense qu'on a été pas mal dans ce cas-là. Et puis parce qu'aussi, ce sont des âges où on est très ambivalentes. J'avais 11 ans la première fois, mais évidemment, un adulte qui s'intéresse à vous... Voilà, j'étais jeune et bête ! Je me disais : oh là, je dois avoir quelque chose de spécial et je rêvais d'avoir quelque chose de spécial, donc on tombe dans ce piège ou dans d'autres.
"Le travail artistique des autres m'a toujours réconfortée, fait du bien, voire sauvé la vie."
Agnès Jaouià franceinfo
Si je peux le rendre un tout petit peu, c'est ça qui me touche le plus, ce qui m'émeut le plus.
Je voudrais juste que vous me racontiez la chanson Un taxi pour La Marsa, un duo extraordinaire.
Avec Nawel Ben Kraiem. Cette chanson raconte des trajets que je fais souvent... J'adore essayer de deviner d'où viennent les accents et quand il y a un accent qui vient de Tunis et en particulier de La Marsa ou de La Goulette surtout, où vivait mon grand-père, en général, je le reconnais et on se met à parler. Et c'est vrai que je pense important aussi de parler de musulmans et de juifs qui s'entendent malgré la différence de leur confession. Comme je l'évoque dans la chanson et malgré les atrocités qui se passent en Israël, en Palestine, on a beaucoup de choses en commun, notamment, nous, les Juifs du Maghreb, mais pas seulement. Enfin, j'avais aussi envie d'en parler.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.