Audrey Lamy : "lâcher prise n'est pas quelque chose que je fais volontairement"
C'est sa rencontre avec le réalisateur Cédric Klapisch qui a fait basculer la vie d'actrice d'Audrey Lamy alors qu'elle était au Conservatoire National supérieur d'Art dramatique à Paris. Il lui offre son premier rôle dans le film Paris, en 2008. Et puis, il y a eu ce rôle déterminant dans sa rencontre avec le public français à travers la série Scènes de ménages sur M6, aux côtés de Loup-Denis Elion. Suivront des rôles dans Les adoptés de Mélanie Laurent (2011), Polisse de Maïwenn (2011). Il y a aussi eu La brigade de Louis-Julien Petit en 2021 qui met en lumière le quotidien des jeunes migrants.
Désormais, Audrey Lamy est à l'affiche du film de John Wax En tongs au pied de l'Himalaya, qui sort mercredi 13 novembre au cinéma. C'est une comédie douce-amère qui nous plonge dans le quotidien d'une maman qui est célibataire. Elle cherche un travail stable, touche à l'alcool et doit s'occuper de son enfant qui est atteint d'un trouble du spectre autistique (TSA).
franceinfo : John Wax, le réalisateur, a confié que lorsqu'il vous a envoyé le scénario, vous avez répondu en moins de 2 heures.
Audrey Lamy : C'est la réponse la plus rapide qu'il ait jamais eue ! Je n'ai jamais lu aussi vite et donné de réponse aussi rapidement. Avec John, on s'était rencontré sur le film de Fabrice Eboué Coexister et il m'avait dit : "un jour j'écrirai un film en pensant à toi, j'ai trop envie qu'on re-tourne ensemble". Et quelques années après, j'étais en plein déménagement et il m'appelle : "ça y est, le grand jour est arrivé, tu as le scénario qui s'appelle ‘En tongs au pied de l'Himalaya’ dans ta messagerie et je ne te dis pas surtout de quoi ça parle". Je m'attendais vraiment à lire une comédie et je lui ai répondu : "je suis dans les cartons, laisse-moi deux jours, je te rappelle". On raccroche, je regarde si j'ai bien reçu le mail. Je commence à lire et je lâche les cartons pour lire la suite. Ça m'a beaucoup plu. D'habitude, je lis plusieurs fois les scénarios, j'appelle mon agent, je me pose 12 milliards de questions. Là, je n'ai appelé personne à part lui, en lui disant un immense "oui", un grand bravo et un grand merci pour le rôle que tu m'as écrit.
C'est emprunté à une vraie histoire, déjà jouée sur scène, et qui racontait le vrai quotidien de cette maman qui doit effectivement trouver des solutions pour son fils et qui doit réussir aussi à vivre en tant que femme.
En fait, c'est le seul en scène de Marie-Odile Weiss.
Ce seul en scène devient un film. Alors là, on s'est concentré sur une année.
Oui, parce que Marie-Odile traite du diagnostic jusqu'à la 14e ou 15e année de son fils. C'est vrai que pour raconter une histoire et pour tenir un film d'une heure et demie, c'était trop long, cela aurait été trop chronique donc on s'est concentrés sur une année de scolarité d’Andréa. Elle était là aussi pour le petit garçon qui joue mon fils.
Il est impressionnant, il s'appelle Eden Lopes. C'est-à-dire qu'à un moment donné, en tant que spectateur, on se demande si lui-même n'est pas touché par le TSA.
Alors, évidemment, on ne pouvait pas prendre un autiste, car il y a des scènes de crise dans le film. On ne peut pas mettre un autiste en situation de crise, sinon c'est de la maltraitance. Mais il faut quand même trouver un enfant de sept ans qui soit capable d'incarner, de jouer et de retenir des gestes répétitifs, de la gestuelle.
Regarder le sol, avoir peur du bruit.
C'est extrêmement compliqué parce que c'est vraiment de la dentelle et Marie-Odile, qui était là tous les jours, disait : "non, là, c'est trop. Non, un tout petit peu moins", c'est vraiment une musique, "non, là, baisse un peu, augmente". Je me suis demandé, mais comment il va faire pour retenir tout ça ? Je me souviens des premiers jours, il y a John qui lui dit :"ben voilà, tel geste et tel geste", on change le texte au dernier moment parce que de temps en temps, il faut aussi s'adapter avec le décor et avec plein de choses. Je me suis dit, mais comment il va faire pour retenir tout ça ? Moi, il me dit : "j'oublie la moitié des informations".
Vous connaissez vos textes par cœur très vite, d'ailleurs.
Ah oui, parce que je suis complètement angoissée ou que je suis complètement stressée. Oui, je le connaissais déjà, trois mois avant, un truc comme ça.
On comprend à travers votre filmographie que vous êtes très attachée au fait de faire des films qui racontent quelque chose, pour que ça change aussi le regard de façon positive auprès du public.
Le truc qui m'aide souvent à prendre des décisions, quand j'ai du mal à les prendre, c'est de me demander : est-ce que j'ai envie d'aller voir ce film au cinéma ? Ça m'aide dans mes choix et dans mes décisions.
"Ce qui m'intéresse le plus, c'est de raconter des belles histoires, des histoires intéressantes."
Audrey Lamyà franceinfo
Le film de John Wax, concrètement, au bout de deux heures, quand je l'ai lu, je me suis dit : j'ai envie de le faire, j'ai envie de raconter cette histoire parce que tu ne ressors pas de là en disant : "c'était inintéressant, je n'ai pas compris le sujet". On sait ce qu'on va voir, le propos est clair, on a compris quelque chose, on a appris quelque chose et surtout, on a ri, on a chialé. C'est ce que j'aime.
Dans Scènes de ménages, vous jouiez le rôle très affirmé de Marion. Elle ne se laissait pas faire.
Ah non et lui, était parfois complètement victime.
Ce qui est incroyable à travers le film En tongs au pied de l'Himalaya, c'est qu'on découvre cette douceur qui fait partie de vous et on se rend compte qu'il fallait du temps pour donner ça, pour lâcher prise. Vous le ressentez ?
Oui et il y a encore du travail à faire ! Mais c'est marrant que vous parliez de ça parce que je disais encore il y a quelques jours à ma sœur : "il faut qu'on apprenne encore plus à lâcher prise". Ce n'est pas quelque chose que je fais volontairement.
Alexandra est pareille.
On n'est pas sœurs pour rien. On se ressemble sur beaucoup de choses, on se remet souvent en question.
"Ce qui est génial avec ce métier, c'est qu'on apprend tout le temps, tous les jours."
Audrey Lamyà franceinfo
C'est un peu comme au théâtre, comme si on jouait tous les soirs pendant des années, des années, des années. On se dit : "tiens, demain, je vais essayer ça. Tiens, après-demain, j'essayerai si. Tiens, je n'ai jamais testé ça", donc ça n'arrête jamais et pour ça, c'est génial.
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