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"C'est un défi de penser que peut-être les animaux sont rationnels. C'est un défi de penser qu'ils parlent peut-être ", Tom Mustill nous ouvre les portes du champ lexical des animaux dans "Comment parler baleine"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, le biologiste, cinéaste et écrivain britannique, Tom Mustill. Il vient de publier chez Albin Michel : "Comment parler baleine. L'incroyable avenir de la communication animale".
Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Photo de profil de Tom Mustill. (TWITTER)

Tom Mustill est biologiste, cinéaste et écrivain. Il a réalisé des documentaires, souvent en collaboration avec Greta Thunberg et David Attenborough, ce qui lui a valu de remporter des dizaines de prix internationaux. Son travail consiste à rencontrer des scientifiques, des spécialistes du langage pour tenter de percer le mystère de la communication interespèce. Le point de départ, c'est une rencontre improbable avec une baleine à bosse. Un jour où il était en promenade en kayak avec une amie, partis observer les baleines, ça a bien failli leur coûter la vie. Ils ont failli être écrasés, ils ont failli mourir, mais elle les a évités, les a laissé tranquilles. Cette scène a été filmée et diffusée dans le monde entier changeant sa vie et son regard sur cette dernière. Depuis ce jour, il a entrepris d'entrer en contact avec les baleines. Il vient de publier chez Albin Michel : Comment parler baleine. L'incroyable avenir de la communication animale.

franceinfo : Pour vous, cette connexion, c'est l'avenir ?

Tom Mustill : Je pense que nous arrivons à un nouvel âge où nous avons la curiosité d'enquêter sur la communication interespèce avec des technologies qui nous permettront de trouver des modèles, de transcender nos limites humaines et de pouvoir communiquer avec les animaux.

Chez les cétacés, c'est ce qu'on découvre dans cet ouvrage qui est vraiment très riche, les sons jouent un rôle fondamental. C'est grâce à eux qu'ils s'orientent dans les profondeurs. Ils communiquent ainsi et pourtant, ils n'ont pas d'oreilles visibles. C'est ça qui nous différencie notamment ?

"Les sons des animaux peuvent voyager sur 700 kilomètres. Personne ne peut voir à 700 kilomètres de distance."

Tom Mustill

à franceinfo

Pour les créatures de l'air comme nous qui regardons en fonction de la vision, la façon dont nous décrivons le monde se traduit par est-ce que tu vois ce que je veux dire ? Eh bien, les dauphins, les cétacés peuvent interpréter les échos des sons qu'ils émettent pour "voir véritablement" l'écho, pour voir le paysage autour d'eux.

Vous êtes depuis des années en quête pour comprendre le langage animal. On parle de langage animal, mais évidemment, c'est rejeté par les scientifiques encore une fois parce qu'il n'y a pas de mots prononcés. C'est pour cela que Roger Payne parle de "parler baleine". C'est quoi "parler baleine" ?

Les scientifiques et les linguistes qui ont rejeté l'idée que les animaux pouvaient avoir un langage parce qu'ils n'avaient pas de mots, moi, je leur répondrais : mais comme vous le savez ? Des études primaires déjà faites, nous savons que les dauphins ont des sons uniques. Ils ont des signatures, tout comme un individu. Roger Payne, ça fait plus de 50 ans qu'il a découvert ça, a pu collectionner les chants parce que c'est arrangé comme des chants humains. Il n'y a aucun autre mot dans notre langue, si ce n'est "chant" ou "chanson" pour décrire cela. Et quand il les joue, on tombe suffisamment amoureux de ces chansons pour qu'on veuille en savoir plus sur qui sont ces animaux et les protéger.

Ça remet aussi beaucoup de choses en question, notamment Descartes, qui nous a toujours prouvé que l'homme agissait en tant que chose qui pense, contrairement aux animaux. Et là, tout est remis en question.

Oui. Et vous pouvez comprendre pourquoi Descartes pensait ça à l'époque parce que lui était dans l'esprit et dans les oreilles d'un homme. Il ne pouvait pas entendre les conversations des animaux. René Descartes vivait à une époque où on croyait que l'homme était le centre de l'univers et il était nécessaire de justifier nos actions envers les autres animaux en disant qu'on pouvait leur faire des choses parce qu'ils n'étaient pas comme nous. Nous sommes des êtres rationnels, nous raisonnons et la preuve de notre raison, c'est que nous parlons les uns aux autres, cela indique que nous sommes au-dessus, séparés du monde animal.

C'est un défi de penser que peut-être les animaux sont rationnels. C'est un défi de penser qu'ils parlent peut-être. Je pense qu'on va passer par une période de questionnement philosophique. Il faudra réexaminer notre place dans le monde et c'est ça qui est enthousiasmant. Parce que quand on a découvert que la Terre n'était pas le centre de l'univers, que le soleil ne tournait pas autour de la Terre, beaucoup de gens étaient en colère. Ce n'est pas ce qu'on leur avait dit de croire, mais aujourd'hui, est-ce que ça vous met en colère de découvrir que le soleil ne tourne pas autour de la Terre et que la Terre n'est pas le centre du monde ? Non. Ça nous permet de comprendre notre place dans le monde.

Vous êtes papa aujourd'hui. Avez-vous le sentiment que plus on va creuser ce lien avec les baleines, plus on va creuser le langage des baleines, donc le parler baleine, et plus on va faire attention à ces espèces qui sont en voie d'extinction ? Est-ce que vous y croyez ?

"Lorsqu'on apprend que les baleines peuvent chanter, on veut en apprendre plus parce qu'on voit le chant que l'on reconnaît en nous-mêmes et cela nous donne l'occasion d'étendre notre empathie envers d'autres espèces."

Tom Mustill

à franceinfo

La raison pour laquelle je le fais, c'est parce que j'ai vu les êtres humains. Ils ne fonctionnent pas en raison de la logique ou en fonction de l'information. On est relié émotionnellement et on voit des choses que l'on reconnaît comme l'autre. On veut être avec eux. Ça fonctionne avec d'autres êtres humains, mais ça fonctionne aussi avec des animaux.  

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