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Cinéma : à l'affiche de "Canailles", François Cluzet "assume son côté voyou" et raconte sa "revanche sociale"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, l’acteur François Cluzet. Il est à l'affiche du film "Canailles" de Christophe Offenstein, ce mercredi 14 septembre 2022.

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 272 min
Le comédien François Cluzet, au Festival de Cannes, en 2022. (JULIE SEBADELHA / AFP)

Acteur, François Cluzet est remarquable pour ses interprétations dans de nombreux films comme Vive la sociale ! de Gérard Mordillat (1983), L'Eté meurtrier de Jean Becker (1983), Les Apprentis de Pierre Salvadori (1995), L'adversaire de Nicole Garcia (2002), À l'origine de Xavier Giannoli (2009), ou encore Intouchables d’Éric Toledano et Olivier Nakache (2011).  Il a été césarisé pour son rôle dans Ne le dis à personne, de Guillaume Canet en 2007. 

Le cinéma, certes, mais aussi et d'abord le théâtre. Ce sont vraiment les planches qui sont sans doute le plus beau refuge qu'il ait eu dans sa vie. François Cluzet est à l'affiche du film Canailles de Christophe Offenstein, avec lequel il avait déjà travaillé pour le film En solitaire en 2013.

franceinfo : Canailles est l'adaptation d'un livre que vous aviez lu, que vous avez passé à votre voisin. Et ça lui a vraiment tout de suite inspiré un film avec vous.

François Cluzet : Oui, c'est en lisant ce roman de Iain Levison, Une canaille et demie que je me suis dit : tiens, ça, c'est un film. Je vais le faire lire à Christophe Offenstein, le metteur en scène, et lui aussi a trouvé qu'il y avait des personnages.

‘Canailles’ est un film d'acteurs ! C’est une comédie policière donc il y a beaucoup de fantaisie, que ce soit de la part de José Garcia, Doria Tillier ou de moi-même. Il y avait plein de choses à inventer, plein de choses pour s'amuser.

François Cluzet

à franceinfo

L'histoire est celle d'un braqueur qui rencontre un prof d'histoire sans histoire. L'un est complètement anarchiste, il est contre le système, l'autre il est complètement dans l'uniformisation du système. C'est marrant parce que ce personnage que vous incarnez, il est libre, il a beaucoup de vous. Vous avez toujours été libre...

J'ai eu de la chance. Il faut de la chance pour être libre. Souvent, je parle de mon enfance qui n'a pas été vraiment très drôle. Et quand je le fais, c'est par impudeur, mais c'est aussi pour expliquer la résilience, puis m'adresser aux enfants ou aux adultes qui ont eu une enfance difficile et de leur dire : on peut s'en sortir. Bon, parfois il faut se faire aider par un psychanalyste, ça a été mon cas, ou par des amis. Cette liberté est attachante dans ce métier et c'est pour ça que j'ai eu la chance de passer du drame à la comédie, du théâtre au cinoche. Ce qui fait que je ne me suis jamais lassé parce qu'autant j'adore être ridicule, faire rire parce que je suis ridicule et autant j'aime retrouver des émotions que j'ai enfoui comme tout le monde et les ressortir, le cinoche est aussi un peu une thérapie.

Vous rêviez à quoi enfant alors ?

Enfant, j'avais une revanche sociale à prendre, donc j'avais beaucoup d'ambition. Je voulais à tout prix sortir de mon milieu qui était misérable affectivement mais aussi socialement, pendant une période.

François Cluzet

à franceinfo

Je rêvais d'être acteur, je rêvais d'être connu. Je n'avais aucune confiance en moi donc je pensais aux filles et me disais : jamais je n'arriverai à faire sourire une fille, je suis trop petit, je suis trop moche. Et puis il n'y avait pas de miroir chez nous. C'est mon père qui nous élevait et je ne l'ai jamais entendu nous faire un compliment sur notre physique, ce qui se comprend, mais toutefois, je me suis dit : il faut que je monte une marche, autrement je n'aurai pas la vie dont je rêve.

Votre parcours est finalement une projection d'espoir. Celui d'un petit garçon qui manquait d'amour, qui manquait d'affection, qui n'avait pas confiance en lui, qui ne s'aimait pas parce que c'est de cela dont il s'agit. Est-ce que vous avez appris à vous aimer avec le temps ?

Oui, ça a été long. Un jour, je tournais avec Gérard Depardieu une première scène. Il marchait vers un wagon et moi j'étais sur le quai de la gare. Avant de rentrer dans le wagon à 50 mètres de moi, il se retourne : "François, t'es comme moi, tu t'aimes pas !" Et ça m'a choqué et je me suis dit, mais il a une translucidité ce gars-là ou quoi ? Et finalement, ce qui m'a permis de m'apprécier, c'est le regard de ceux qui m'ont aimé. Dès que vous êtes aimés, vous vous demandez si la personne est dingue ou si vous avez quelque intérêt à être aimé. Et finalement, l'amour vous donne cette force, cette confiance de vous dire "Si je m'améliore, je deviens aimable".

Vous doutez par moments ?

Oui. Sans arrêt. Surtout sur mon inculture. On me parle d'un film que je n'ai pas vu, on me parle d'un bouquin, je cours l'acheter. On tente tous d'échapper à notre ignorance. On ignore notre potentiel, on ne l'exploite pas et on n'est jamais convaincu du peu de savoir qu'on a donc le moindre livre, même une petite anecdote de rien du tout peut faire rêver. C'est l'imagination qui nous fait vivre.

Donc en fait, vous avez un petit côté canaille assumé ?

Ah oui, mais vous savez, je l'ai été, dans la revanche sociale. Oui, oui, j'ai été voyou. A 15, 16 ans, il y en avait marre, surtout de cette boutique qui était dans le septième arrondissement, et comme vous le savez, à Paris, le septième, c'est très riche. Donc quand vous êtes petits artisans-commerçants, à un moment donné, les gens que vous voyez défiler, ils vous font envie. Et donc ça donne envie de sortir de la légalité en vous demandant comment je peux tromper mon monde pour avoir de l'argent de poche ?

Ça veut dire que les cours Simon qui sont arrivés quand vous aviez 17 ans vous ont sauvés ?

Oui. Quand je suis arrivé au cours Simon, en poussant la porte, en mettant ma main sur la porte, j'ai eu une espèce de révélation que ma vie allait changer. C'est complètement dingue, mais il y a quelque chose d'assez spirituel. Et puis après, en entrant, j'ai vu qu'on était 250 dont 200 filles, et pour moi qui avait été élevé entre mon frère et mon père, c'était une révélation ! A mon époque, à l'école, il n'y avait pas de filles dans les classes. C'était une révélation, car rien que de voir les filles sur scène jouer, comment elles étaient, on les voyait mieux que dans la vie puisqu'elles étaient surélevées par l'estrade et, ça aussi, ça a été une révélation de joie, de se dire "Tiens ma vie commence !".

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