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Cinéma : "La surexposition m'effraie", les confidences de Jacques Gamblin à l'affiche de "L'homme debout"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, le comédien, Jacques Gamblin. Ce mercredi 17 mai 2023, il est à l'affiche du film "L'homme debout" de Florence Vignon avec Zita Henrot.
Article rédigé par franceinfo, Elodie Suigo
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Publié
Temps de lecture : 2 min
Le comédien Jacques Gamblin, lors du Festival du Film Francophone d'Angoulême en 2022. (YOHAN BONNET / AFP)

Jacques Gamblin est comédien, auteur de théâtre et écrivain. Amoureux des planches depuis plus de 40 ans, il occupe une place importante dans le cœur des Français. Un public qui l'a découvert en 1995 au cinéma dans le film Pédale douce, de Gabriel Aghion. Depuis que de chemin parcouru, de films tournés avec les plus grands réalisateurs et le métier qui a également salué ses interprétations. Il a reçu un Ours d'argent à la Berlinale en 2002 pour Laissez-passer de Bertrand Tavernier et deux Molière en 2018 et 2022. Ce mercredi 17 mai 2023, il est à l'affiche du film L'homme debout de Florence Vignon avec Zita Henrot.

franceinfo : Dans L'homme debout, vous incarnez un VRP en fin de parcours professionnel et qui a consacré sa vie à atteindre ses objectifs de vente en conservant ce côté humain qui vous est cher. Ce rôle semble être taillé sur mesure...

Jacques Gamblin : Je pense toujours qu'un personnage, c'est une rencontre à un carrefour. On marche chacun sur notre bord et puis on se rencontre, on se dit : "Bonjour", on sympathise. Et puis on prend une troisième route qui est celle de nous deux. Et j'ai vraiment aimé ce personnage qui est passionné par ce travail. Ce qui m'a séduit en premier lieu, c'est son travail. Un représentant en papier peint, déjà, c'est improbable et je me suis dit : c'est bien, on va rentrer dans un monde.

J'aime bien rentrer dans un monde professionnel sur un film où on va apprendre des choses comme sur le papier peint !

Jacques Gamblin

à franceinfo

Face à ce personnage que vous incarnez, il y a une jeune DRH qui est chargée de le pousser dehors parce qu'il faut laisser la place aux jeunes. Ce film est dramatiquement dans le réel : on ressent ce poids des personnes qui ne sont pas très loin de la retraite et qui ont du mal à aller jusqu'au bout du bout.

Oui, parce que le monde a changé et que lui non. Alors, il a une chose pour lui, c'est qu'il fait son chiffre donc on ne peut rien lui reprocher. Mais c'est une méthode à l'ancienne. Il a besoin du contact avec le client. Il sait qu'il faut écouter les gens. Et ça, ce n'est pas avec de la vente par correspondance qu'on écoute les gens. Et puis il y a ce personnage qu'interprète Zita Henrot, superbement, qui est pris entre l'enclume et le marteau. Elle est engagée, a absolument besoin de ce travail et se retrouve dans une voie sans issue à devoir pousser ce type vers la sortie alors qu'il n'en a pas du tout envie. Ce type est quand même un peu opiniâtre, voire caractériel parce que quand on le gratte du mauvais côté, il réagit fort et pour autant, après l'avoir trouvé bizarre et pas très sympathique, une très belle complicité va s'établir entre eux. C'est un film très humain.

Au travail, finalement, on se crée une famille. Mais ce qui permet de tenir, c'est souvent la famille qu'on a en dehors de cette famille professionnelle. Vous, votre famille était très solide. Il y a un mot qui n'existait pas pour vos parents, c'était le mot 'fatigué'. J'ai l'impression qu'ils vous ont donné l'amour du travail.

C'est le lien que j'ai fait immédiatement avec le choix de participer à ce film. Du côté de ma mère, c'est une famille de commerçants depuis des générations et ce film parle de ça. Il parle de ce représentant de commerce en papier peint qui va aller dans ses boutiques pour vendre ses rouleaux, le dernier motif, etc. Et moi, j'ai tellement connu ça, gamin, de voir ces voyageurs de commerce qui venaient et qui séduisaient ma mère pour lui vendre, non pas du papier peint, mais des assiettes, des couverts ou de l'électroménager, etc.

Mes parents m'ont appris le courage, l'honnêteté, le travail bien fait. Ils m'ont appris beaucoup de valeurs, c'est clair. Je leur dois beaucoup.

Jacques Gamblin

à franceinfo

Vous avez toujours gardé ce jardin secret, cette part de pudeur. Ça a été important pour vous, justement, de vous protéger dans ce parcours ?

Oui, parce que la surexposition m'effraie, en fait. J'aime les choses un peu rares, donc je ne suis pas quelqu'un qui donne tout. C'est un métier. Je suis là. Je parle à des auditeurs qui m'écoutent. Je le fais de temps en temps parce qu'un film ou un spectacle vient, mais ma vie m'appartient et je la protège. Oui, je me protège beaucoup. Je ne veux pas être entraîné comme un cheval fou qu'on ne contrôle plus, ou alors c'est dans un laps de temps très limité. J'ai besoin de mon petit décor : l'eau salée, l'herbe verte !

Quand on regarde bien, vous avez construit effectivement votre vie un peu comme un sportif, mais en pensant à la course de fond.

C'est aussi l'origine. C'est-à-dire que quand j'ai commencé à courir vers 11 ans, à faire du cross dans la gadoue, l'hiver, et à m'entraîner en Normandie sous la flotte et seul, ça m'a vraiment construit aussi par rapport à une carrière. De dire non à des choses, oui à d'autres, ce n'est pas facile. On se demande ce qui va se passer si je dis non ici, accepter le moment où il n'y a plus rien et construire parallèlement une sérénité ailleurs, une autre vie, une autre bulle, d'autres passions pour ne pas laisser trop de place à l'inquiétude. Et ça, je pense que le sport m'a beaucoup apporté, beaucoup.

Est-ce que vous êtes serein aujourd'hui ?

Ah oui, j'ai envie de dire plus que jamais. Parce que quand je me retourne et que je vois déjà tout ça, ça reste une grande surprise d'avoir eu cette chance de faire tout ça. Et puis après, maintenant, je me dis que tout est du plus quoi ! Je n'ai besoin de rien donc quand ça arrive, c'est une joie. Je ne cours après rien, pour le coup, je continue de courir après rien.

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