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Des yéyés au disco : Sheila revient sur sa collaboration avec Nile Rodgers, qui lui a "ouvert les portes du monde entier"

Durant une semaine, Sheila est l’invitée exceptionnelle du monde d’Elodie. Un tête à tête en chansons. Aujourd’hui, les titres "Love me baby" et "Spacer".

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
La chanteuse Sheila, le 27 avril 2021. (JOEL SAGET / AFP)

Durant une semaine, la chanteuse et actrice Sheila revient sur certains de ses immenses succès. En 60 ans de carrière, elle a vendu 70 millions de disques. Jeudi, elle nous raconte comment elle a conquis l’Europe puis le monde entier en délaissant ses couettes d’enfant sage au profit de la piste de danse du disco, du funk, avec le groupe Chic et en particulier Nile Rodgers. Ce dernier a notamment collaboré sur son album Venue d’ailleurs sorti en mai 2021. Aujourd’hui, deux titres : Love me baby et Spacer.

franceinfo : En 60 ans de carrière, avez-vous toujours conservé la même passion ?

Sheila : On ne peut pas faire ce métier sans passion. C'est impossible. Le jour où je ne m'amuserai plus, j'arrêterai.

Vous êtes une icône des années yéyé, mais aussi du disco. C'est un style musical dans lequel vous êtiez vraiment comme un poisson dans l'eau.

Oui, j'étais aussi avant-gardiste dans ce domaine. Un titre est arrivé dans les bureaux de Claude Carrère et n'était pas du tout pour moi. C'était pour un groupe à la base. Mon bureau était en dessous du sien, je l'ai entendu et je suis montée tout de suite en courant, en demandant ce que c'était. Quand je l'ai écouté, j'ai dit "c'est pour moi". Mais je n'avais pas du tout un public de discothèque, c'était donc impossible de garder mon nom. Si on avait sorti Love me baby par Sheila, ils l'auraient jeté au panier et ne l'auraient pas écouté. L'idée a donc été de créer S.B Devotion parce que je voulais danser et m'entourer de gens de couleur, je l'ai revendiqué. Cela a été numéro 1 avant qu'on sache que c'était moi, c'est drôle.

Vous produire avec trois danseurs de couleur était, à l'époque, une énorme révolution.

J'étais "la blonde et ses trois noirs". J'ai reçu tous les noms d'oiseaux qu'on peut imaginer. Pour moi, ce sont mes frères et mes amis. J'ai vécu et travaillé avec eux pendant des années. C'était le début de la liberté pour moi. J'ai connu ce qu'était le racisme à ce moment-là. Il m'est arrivée de partir à l'étranger pour un rendez-vous. On arrêtait la voiture pour aller déjeuner et le producteur de l'époque me disait : "Tu viens avec nous, ils attendent dans la voiture." Pour moi, ce n'était juste pas possible. J'ai répondu que s'ils ne venaient pas, je restais dans la voiture. Cette attitude me hérisse le poil et je deviens une lionne qui défend ses petits.

Love me baby, un titre en anglais, va vraiment vous permettre de vous faire connaître dans toute l'Europe. Votre popularité va dépasser les frontières.

Je pense que ce qui a fait la force de S.B. Devotion, hormis les chansons, ce sont les chorégraphies. Ça n'existait pas à l'époque. Je suis arrivée et j'ai dansé, c'était une espèce de révolution visuellement parlant.

Avec Singin' in the rain, le standard américain que vous allez reprendre totalement ou encore en anglais, You light my fire, vous n'en oubliez pas pour autant votre public français.

La force du disco est que c'est une musique qui a été jouée en même temps dans le monde entier. C'est la libération de tout le monde, on se montre au grand jour avec le disco et on assume ce qu'on est grâce à cette musique. Le fait de se dire que tu ailles à New York, en Espagne ou au Portugal tu danses sur la même chose, c'est ce qui a fait le disco. Ça m'a ouvert les portes du monde entier : l'Europe d'abord, mais surtout, ça m'a ouvert un public qui est arrivé avec moi et qui s'est mis à mes côtés. C'est le plus beau des cadeaux qu'on m'ait faits.

Dans les beaux cadeaux, il y a King of the world, le titre de tout un album composé par Nile Rodgers et le groupe Chic. Spacer en est le premier 45 tours sorti en 1979, c'est un succès international. Parlez-nous de cette collaboration.

C'est un succès planétaire. Il s'est trouvé que Singin' in the rain était diffusée à New York et ils en ont entendu parler. Claude Carrère a essayé de voir comment on pouvait évoluer, il les a eus au téléphone, mais c'était un homme qui parlait tout le temps d'argent. Or, Nile et Bernard, eux, sont des artistes. Ils se foutent de l'argent.

Avec Nile Rodgers, quarante ans après, c'est juste une très belle histoire d'amitié et d'amour. Pour moi, la musique est importante, mais le rapport humain l'est tout autant.

Sheila

à franceinfo

Au final, ils ont regardé qui j'étais, ce que j'avais fait et ils ont eu envie de travailler avec moi. Et je me rappellerai toujours, lorsqu'ils m'ont envoyé Spacer, Claude Carrère, les a appelés en disant : "Ce n'est pas ça que je veux, je veux du disco." Nile lui a dit : "Vous êtes gentil, vous, je ne vous parle pas. Je parle à votre artiste parce que c'est maintenant ma production." Je savais où il m'emmenait, c'est-à-dire que c'était du funk, ce n'est plus du disco.

C'est la grande force de Nile Rodgers : il a dévié ma carrière, c'est magnifique. Nile est mon âme sœur. J'étais pétrifiée quand on s'est rencontrés, je me retrouvais avec des gens qui n'étaient pas encore ce qu'ils sont devenus. J'étais très impressionnée. Aujourd'hui, j'appelle Nile en disant "Qu'est-ce que tu en penses ?" Et qu'il me dit : "Arrête. Toi, tu me demandes ce que tu veux, je t'aime. Qu'est-ce que tu veux que je te fasse ? Une autre chanson ?"

Spacer représente quoi pour vous ?

C'est un cachet en cire sur une carrière qui m'ouvre le monde entier. C'est le plus beau des cadeaux que j'ai reçus dans ma vie.

Le dernier épisode, vendredi, évoquera l'album Venue d'ailleurs.

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