Cet article date de plus de trois ans.

"Faire ce métier sans un petit frisson, une larme à l'oeil, c'est ne pas le respecter" : après 60 ans de carrière, Sheila sort un nouvel album

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd'hui, l’artiste Sheila.

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 7min
La chanteuse Sheila à Paris le 31 mars 2021 (LP/OLIVIER LEJEUNE / MAXPPP)

Icône des années yéyé en France, Sheila est l'artiste féminine qui a enregistré le plus de tubes entre 1963 et 1982. Vedette internationale, seule puis en duo avec son mari Ringo dans les années 70, elle a aussi travaillé avec Nile Rodgers et le groupe Chic en 1980. Sa carrière s'étend sur presque six décennies et ce n'est pas fini puisqu'elle sort un nouvel album : Venue d'ailleurs.

franceinfo : C'est vrai que l'idée de départ de Venue d’ailleurs était de retravailler avec ceux avec lesquels vous aviez déjà collaboré ?

Sheila : Oui, c'est ça. J'avais envie de faire "la boucle est bouclée". Déjà, j'ai recherché les gens avec qui je travaillais et pour moi si Nile et Keith Olsen ne voulaient pas, il n'y avait pas d'album. Nile m'a dit oui et si j'avais écouté Keith j'aurais fait un triple album. Au départ, j'avoue que j'ai dépensé beaucoup d'argent parce que j'ai travaillé avec plein de gens connus, moins connus, mais qui ne comprenaient pas ma démarche.

Mon but, c'est de toucher le cœur des gens, ce n'est pas d'essayer d'être à la mode. Je m'en fous de la mode, je l'ai créée pendant tellement d'années qu'aujourd'hui franchement...

Sheila

à franceinfo

Quand vous avez été élue l'idole préférée des jeunes, qu'avez-vous ressenti ?

Je ne sais pas si j'ai vraiment réalisé. Aujourd'hui, je vais fêter mes 60 ans de carrière, les gens n'arrêtent pas de me dire "c'est iconique" mais pour moi, ça ne veut rien dire ce mot. J'ai la chance de faire un métier que j'adore et je le fais avec mon amour, ma conviction, mes envies et mes risques. Je crois que ma carrière est différente des autres parce que je prends des risques, je m'en fous si je me plante, mais j'ai envie d'essayer.

Ce que met en avant ce nouvel album Venue d'ailleurs, c'est que vous êtes toujours en lutte contre vous-même.

En lutte, non, parce que maintenant, j'ai fait le point et j'ai ce que je veux. Les plus grands travaillent avec moi et par exemple pour la chanson de mon fils Ludo Cheval d'Amble, j'ai été chercher quelqu'un qui est dans le théâtre de Molière donc ça ne pouvait pas être une chanson. Il fallait que ça soit au-delà de ça. C'est un message que j'envoie à mon fils, que j'ai perdu, qui est avec moi tout le temps, partout. Je pense surtout que ce qui est écrit dedans, pour les femmes ou les personnes qui ont perdu comme moi ce qu'il y a de plus cher au monde, un enfant, comprendront et que ça leur fera peut-être du bien.

Ludo est décédé d'une overdose à 42 ans et vous souhaitiez qu'on ne dise pas n'importe quoi sur votre fils.

Ludo était un cœur sur pattes, un garçon formidable.

Sheila

à franceinfo

Oui, j'en ai assez. Cela va faire quatre ans au mois de juillet qu'il est parti. Il n'a pas choisi la bonne route. Mais moi, j'interdis qu'on le juge. Ludo, il est dans la lumière. Je veux qu'on respecte le fait qu'il est là-haut et qu'on arrête de bavasser sur lui en racontant ou inventant toutes sortes de mensonges, juste parce que c'est le fils de Sheila. Ça m'énerve.

Vous êtes indissociable d'une rumeur, celle d'être un homme. Vous en avez fait une chanson dans cet album La rumeur. Elle vous a poursuivie pendant très longtemps et part d'une interview dans laquelle vous dites : "Je prends des hormones, je suis fatiguée…"

J'avais un problème de santé. C'est Gérard de Villiers qui a fait l'article, mais j'ai découvert il n'y a pas très longtemps qu'en réalité lui et Claude Carrère disaient : "Elle se transforme en homme". Aujourd'hui, on se dit "Mais qu'est-ce que c'est que cette bêtise ?" Oui, mais non, ce n'est pas comme ça que ça se passe. Quand j'étais enceinte, je me cachais parce que si j'allais chez le coiffeur par exemple, il y avait une bonne femme qui parlait un peu fort et disait : "Tout le monde le sait, elle a une poche d'eau de mer sous la peau du ventre". Moi, j'ai des blessures qui ne partiront jamais. Ils ont pourri la vie de mes parents. Ils ont pourri la vie de mon môme. J'ai caché Ludo pendant toute sa jeunesse parce que je voulais le protéger. Et au bout du compte, je pense qu'ils ont pourri une vie. Ils ont blessé tous les gens qui m'aiment et ça, je ne supporte pas.

C'était un énorme pari que de partir aux Etats-Unis. Très peu de Françaises ont osé partir là-bas et vous, vous avez eu une carrière qui a très bien fonctionné.

Quand je suis partie et que Spacer était un succès dans le monde, j'ai réalisé en réalité que j'étais pleine de lacunes. C'est-à-dire que j'étais Sheila, c'était génial, en place, très bien fait, mais moi, en tant qu'Annie, j'étais juste une belle machine. Et ce métier, pour moi, ce n'est pas ça. Pour moi, ce métier, c'est tant que tu n'as pas le petit frisson, une larme à l'œil, ou un truc, c'est ne pas le respecter.

Est-ce que votre force ne se situe pas dans cette capacité que vous avez eu à chaque fois à monter sur le ring, à proposer autre chose ?

J'ai envie d'aller me frotter à d'autres choses.

Sheila

à franceinfo

Ça peut être du théâtre, une comédie musicale. Ma vie est tellement chargée et pleine de choses dont j'ai envie. Comme je suis très jeune, j'ai encore quelques espoirs ! J'ai arrêté neuf ans, compris ce que c'était que le show-business, fait une septicémie et failli mourir... Maintenant, je regarde la vie différemment.

Ça vous a permis aussi de revenir à l'essentiel ?

Oui, mais ça m'a permis de regarder ma vie aussi. Bien sûr, ce sont des paillettes, mais c'est aussi de la solitude, des pertes qui ne sont juste pas qualifiables. Vous vous dites quand même, Annie est détruite à cause de cette situation, mais Sheila, ça aide Annie à être debout et Annie a fait vivre Sheila. C'est un truc très compliqué ! En réalité, j'ai fait un peu la synthèse de tout ça et ça me fait me tenir debout. Les deux ont commencé à faire la paix en réalité. .

Pour souffler vos 60 bougies, rendez-vous sur scène les 11 et 12 novembre 2022 à Pleyel et on attend aussi les dates de la tournée !

Il y a des couples qui ne tiennent pas 60 ans. Moi, ça fait 60 ans que je partage ma vie avec les gens. C'est le plus beau cadeau. Donc, je peux vous dire qu'on va swinguer le blues...

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.