Eddy Mitchell : "S'il n'y a pas de liberté, il n'y a pas de vie"

L’invité exceptionnel du Monde d’Élodie, du lundi 25 au vendredi 29 décembre 2023, est le chanteur, parolier et acteur, Eddy Mitchell. Il vient de publier un "best of" : "L’album de sa vie (1964-2021)" comprenant 100 de ses titres emblématiques et un livre : "Eddy Mitchell, ma discothèque idéale" dans lequel il a sélectionné 50 albums qui ont marqué sa vie.
Article rédigé par Elodie Suigo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Portrait du chanteur Eddy Mitchell pour son livre "Des Lilas à Belleville", le 25 octobre 2022. (FRED DUGIT / MAXPPP)

Eddy Mitchell, véritable légende vivante de la chanson française, est aussi un acteur marquant du cinéma français. Quand on parle musique, on pense invariablement aux titres : Couleur menthe à l'eau (1980), Sur la route de Memphis (1976), Pas de boogie woogie (1976), La Dernière Séance (1977) ou encore Tu peux préparer le café noir (1979) et à ses cinq Victoires de la musique.

Quand on parle de cinéma, on se rappelle de ce César du meilleur acteur pour un second rôle pour le film Le bonheur est dans le pré d'Étienne Chatiliez en 1995, mais aussi de Gaston Lapouge de Franck Apprederis (1981) ou encore à Coup de torchon de Bertrand Tavernier (1991).

Eddy Mitchell passe cinq jours avec nous pour raconter les photos de sa vie, la place de la musique, du cinéma et du public dans ce parcours exceptionnel de plus de 60 ans avec au compteur : 39 albums, 16 albums live, 500 chansons, des Victoires de la musique, des millions d'albums vendus et un César.

Il vient de sortir un coffret intitulé Eddy Mitchell - L'album de sa vie, soit 100 titres réunis dans cinq cd, ou 50 dans trois cd, ou encore un coffret de vinyles. Et puis il y a ce livre : Eddy Mitchell, ma discothèque idéale par Alain Artaud-Macari et Marc Maret aux éditions Hors Collection.

franceinfo : Avec vos titres, vos concerts, vos rôles dans des films et votre émission "La dernière séance", vous êtes entré dans les familles. Ça vous touche ?

Eddy Mitchell : Oui, c'est formidable. Quand on fait ces choses-là, on ne pense absolument pas au résultat. Mais je trouve que le résultat, à l'arrivée, n'est pas mal.

Depuis peu, vous avez sorti un coffret et un livre et ce qu'on remarque à travers ces deux supports, c'est qu'au départ, il y a un enfant qui regarde la vie depuis son quartier de Belleville. Que gardez-vous de ce quartier ?

J'en garde un souvenir d'amitiés, une véritable complicité entre les gens qui n'existent peut-être plus. Ce que je veux dire par là, c'est que moi, j'habitais dans un HLM, dans mon quartier, il y avait aussi bien des juifs que des Tunisiens qui n'étaient pas juifs, il y avait des Bretons, des Maghrébins et tout ce monde-là s'entendait bien. Et aujourd'hui, ça a tendance à disparaître.

C'est votre père, qui travaille dans les transports, qui décide à chaque fois que vous sortez de l'école de vous emmener dans les salles obscures.

Oui ! Il travaillait de nuit et quand il venait me chercher à l'école, on oubliait la case "devoirs" et on allait au cinéma.

Le cinéma a été une passion immédiate ?

Le cinéma, c'était Le jardin du diable d'Henry Hathaway (1954), c'était Lance brisée d'Edward Dmytryck (1954). C'étaient des films comme ça, avec des espaces pas possibles, avec des gens incroyables.

Finalement, vous découvrez la musique par l'intermédiaire du cinéma.

Oui et non, parce que j'ai connu Bill Haley avant Graîne de violence de Richard Brooks (1955).

D'où vient le déclic alors ? Quel est le titre qui vous permet de vous dire : "Je vais faire ça" ?

C'est la face B de Rock Around the Clock de Bill Haley.

"’Rock Around the Clock’ est une chanson complètement cinglée, avec un riff incroyable qui revient tout le temps et un solo de guitare extraordinaire."

Eddy Mitchell

à franceinfo

À ce moment-là, votre seule obsession, c’était vraiment d'écouter cette musique, mais il faut quand même remettre les choses dans le contexte de l'époque. Ce n'était pas simple de trouver, les vinyles, et encore moins la platine pour lire le vinyle. Comment avez-vous fait ?

Pour trouver les disques, il y avait le CHEP, la base de l'organisation américaine qui était proche de Paris, à Saint-Germain-en-Laye. Et avec des copains, Long Chris notamment, on allait faire des échanges. On échangeait des bouteilles de Calva contre des disques qui sentaient les pieds, car c'étaient des 45 tours qui étaient mis dans des cylindres à fromage. Alors, quand on les enlevait, ça sentait le fromage. Ce n'était pas terrible, mais on trouvait des titres extraordinaires.

Pendant les premières années, vous allez avoir un objectif, c'est le Golf-Drouot. Et après, il va y avoir Eddy Dane et les Danners, les Five Rocks, les Chaussettes noires. J'ai l'impression que votre premier grand succès solo reste : J'ai oublié de t'oublier.

C'est une chanson originale.

Elle remporte ce succès qu'on connaît, mais à la fin des années 60, vous allez connaître une traversée du désert. Avez-vous douté à ce moment-là ?

Oui, j'ai douté, bien sûr, mais je travaillais énormément dans les pays de l'Est. J'ai survécu. Par contre, je me souviens qu'avec mes complices de l'époque, quand on pensait à ce qu'on avait fait, on comprenait très bien que le public ne suive pas. Les chansons étaient d'un compliqué et moi-même j'arrivais à peine à les chanter. Je ne vois donc pas comment un peintre en bâtiment pouvait siffler ma mélodie.

C'est là que ça va switcher à nouveau. Vous allez revenir à l'essentiel, à vos premières amours, le rock’n’roll. Il va y avoir Rocking in Nashville, en 1974, Made in USA, en 1975 et puis Sur la route de Memphis, en 1976. Quelle place occupe cette chanson dans votre vie ?

C'est une chanson que j'aime beaucoup, mais j'aimais beaucoup l'originale de Tom T. Hall. C'est une chanson dont j'ai écrit le texte français, mais rapidement, en regardant Luke la main froide de Stuart Rosenberg (1967). Je ne sais pas pourquoi d'ailleurs. Il n'y a aucun rapport avec ce film, mais c'est en le regardant que je me suis dit : "Tiens, Sur la route de Memphis, ça sonnerait bien !"

Cette chanson est associée à cette notion de liberté. Est-ce que la liberté est essentielle pour vous ?

La liberté, c'est la vie. S'il n'y a pas de liberté, il n'y a pas de vie.

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