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François Busnel : "La littérature permet de comprendre que les questions sont plus importantes que les réponses"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, le journaliste et réalisateur François Busnel. Il a co-réalisé, avec Adrien Soland, un documentaire sur Jim Harrison, "Seule la terre est éternelle", actuellement au cinéma.

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
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Publié Mis à jour
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Le journaliste et documentariste François Busnel à Toulouse (Haute-Garonne) le 14 mars 2022 (XAVIER DE FENOYL / MAXPPP)

François Busnel est journaliste, producteur et animateur indissociable de l'émission hebdomadaire La Grande Librairie sur France 5, qu'il anime depuis 2008. Impossible de ne pas citer l'émission quotidienne Le grand entretien dont il était le producteur sur France Inter, ou encore le magazine Lire, dont il a été directeur de la rédaction. Il a également été fondateur et directeur de la rédaction du Mooc trimestriel français America de 2017 à 2021.

Depuis le mercredi 23 mars, au cinéma, on peut voir le documentaire qu'il a co-réalisé avec Adrien Soland : Seule la terre est éternelle, consacré à l'un des plus grands écrivains américains contemporains, Jim Harrison.

franceinfo : Ce documentaire est un vrai regard, un tête à tête avec un témoin de la puissance de la nature sur nous. Il n'y a pas d'artifices dans ce personnage.

François Busnel : J'avais envie d'un film qui soit un film sans maquillage, à tous les niveaux. Pas de make up, pas de rafistolage, pas de paraître, de l'être.

"Jim Harrison est à la fois un écrivain, un poète et quelqu'un qui peut changer votre vie parce qu'au lieu de vous donner des leçons de morale, il vous donne un exemple à suivre."

François Busnel

à franceinfo

Jean Cocteau qui disait : "Ne cherchez pas des gens qui vous donnent des conseils, mais des gens qui vous montrent l'exemple". Et là, on a un type qui nous montre l'exemple de ce que ça peut être que de vivre selon sa nature dans la nature. Et très vite, on a l'idée avec Adrien Soland de faire un film de cinéma et pas un film de télévision, non pas sur Jim Harrison, mais avec Jim Harrison, comme un acteur. Un film sur la nature, sur le lien qu'on a peut-être un peu perdu avec la nature, la manière dont le monde sauvage, la nature sauvage peut nous réconcilier avec notre nature humaine.

Il fait comprendre que la nature, à aucun moment, ne lui a fait du mal, contrairement à la vie qui l'a vraiment cabossé, abîmé. Ça montre à quel point la nature a une puissance particulière.

Oui. Elle a la puissance de faire en sorte que nos chagrins, nos névroses et nos tragédies ne soient plus l'objet de jérémiades. On en a tous, des tragédies. Parfois, elles nous paralysent, elles nous empêchent de vivre. Jim Harrison nous dit : "Dans une ville, c'est normal quand on est dans la société de la performance, du stress, de la pollution, où chacun cherche une place qui n'est pas naturellement la sienne. Mais mettez-vous sur une rivière. Regardez-la et devenez la rivière. Qu'est-ce qu'elle fait ? Elle va de l'avant, tout le temps. Elle coule dans un seul sens et elle ne regarde pas en arrière, elle. Et pourtant, elle a eu son lot de tragédies. Elle est sortie de son lit une ou deux fois, elle ne se plaint pas et continue tout droit. Et c'est ça que la nature peut faire".

Cette nature sauvage peut nous permettre de mieux vivre avec nos problèmes et pas contre nos problèmes. Et Seule la terre est éternelle, ce titre qu'on emprunte à un proverbe siou Lakota, habitait Jim Harrison, comme il peut nous habiter tous. L'idée que c'est la terre qui est supposée durer, pas nous. Et ce serait peut-être bien que l'homme cesse de considérer la planète, la Terre, pour son bénéfice exclusif.

Jim Harrison s'est construit malgré les épreuves de la vie. C'est un peu votre cas. Enfant de la la DDASS, vous avez su utiliser ce qu'on vous a apporté, ce que des gens qui vous ont aimé vous ont donné, pour le redistribuer aux autres. C'est le sentiment qu'on a finalement.

C'est difficile de parler de soi quand on fait des films pour parler des autres, vous savez. L'art joue un rôle capital, le choc d'un livre, des histoires des autres. Ce que nous apprend Jim Harrison, c'est aussi à ne pas se lamenter. C'est aussi à ne pas tomber dans l'auto-apitoiement, ne pas regarder trop le passé.

"J'essaie de ne pas vivre dans le passé, de ne pas trop me projeter dans l'avenir et de savourer l'instant présent. Quand on y parvient, il y a un sentiment de libération, de plénitude absolument dingue."

François Busnel

à franceinfo

En 2016, Jim Harrison nous quittait et pourtant, vous avez beaucoup de lui. Il n'a jamais imaginé qu'il allait devenir un écrivain parce qu'il venait d'un milieu rural. Est-ce que vous, vous avez imaginé un jour pouvoir présenter La Grande Librairie ? La littérature a été un élément majeur dans votre parcours, avec ces bouquinistes que vous découvrez un jour à Paris.

Oui, c'est vrai. Il y a des moments comme ça qui sont des révélations. Les bouquinistes ont été un choc visuel pour moi. À chaque fois que je les vois, les gens d'abord. Des hommes, des femmes que vous identifiez immédiatement comme si tout était gravé sur leur visage et puis, derrière ces boîtes vertes qui sont magnifiques et à l'intérieur, absolument tout. Le monde contenu dans des bouts de papier que vous dévorez avidement. Ça ne coûtait rien, à l'époque. Je me souviens, on achetait les livres pour un franc. C'était remarquable et oui, c'est vrai que ce sont les livres qui font qu'on peut peut-être s'affranchir du destin, enfin en tout cas d'un certain déterminisme.

Que vous a apporté la littérature et vous apporte encore aujourd'hui ? Ça récure l'âme, la littérature. Ça évite de tomber dans la pensée binaire. Ça permet de comprendre que les questions sont plus importantes que les réponses. Ça permet de penser contre soi aussi, de ne pas être l'esclave de ses émotions ou alors de l'avis des autres.

La chose la plus importante, c'est de savoir être bouleversé, c'est de savoir avoir des émotions, ne pas tomber dans le pathos, ne pas laisser les émotions vous gouverner, mais de ne pas être un cœur sec, de ne pas être une âme sèche. Et je crois qu'aujourd'hui, on a besoin de ça.

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