Frédéric Taddeï : "la notion d'âge est quelque chose qu'on ne possède pas vraiment."

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Jeudi 7 mars 2024 : Le journaliste, Frédéric Taddeï. Il publie de petits livres en collection poche chez Grasset, les "Birthday books".
Article rédigé par Elodie Suigo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Frédéric Taddeï, à Paris, le 13 septembre 2016. (JOEL SAGET / AFP)

Frédéric Taddeï est l'un des journalistes les plus emblématiques du paysage médiatique français. En plus de 30 ans, il a su imposer, même installer un ton, un style bien à lui, un regard à la fois tendre, passionné, tranchant, accompagné d'argumentations léchées et très documentées. Son émission "Ce soir ou jamais" a marqué les esprits de 2006 à 2016. On peut aussi citer "Nulle part ailleurs", "Paris Dernière" ou encore cette bulle consacrée aux arts plastiques, "D'Art d'Art !", qu'il a présentée de 2012 à 2018 et qui racontait une œuvre d'art.

En 2024, il lance les 15 premiers petits livres de ses Birthday books (Collection poche aux éditions Grasset), qui racontent des anecdotes de célébrités à tout âge, soit de 15 à 50 ans. 

franceinfo : À l'intérieur de vos Birthday books, il n'y a que des gens célèbres et ce qu'ils ont fait ou pas en fonction d'un âge. Ces livres n'appellent-ils donc pas d'abord à ce qu'on soit renvoyés dans nos souvenirs ?

Frédéric Taddeï : Dans nos souvenirs ou dans notre avenir, parce que j'estime que c'est un catalogue d'expériences vécues. Au moment où vous avez 20 ans, tout à coup, vous avez le catalogue de tout ce que les gens connus ont fait, ou raté à toutes les époques, à 20 ans. C'est une façon de vous projeter. Au fond, chaque préface est terminée par la même expression : "Maintenant, à vous de jouer". Une fois que vous avez lu tout ça, eh bien, c'est à vous de jouer !

On se demande ce qui vous a donné envie de vous lancer dans un tel projet et c'est vrai que c'est aussi une partie de notre histoire, de la grande histoire.

Je crois que la notion d'âge est quelque chose qu'on ne possède pas vraiment. On fête tous plus ou moins nos anniversaires, on sait tous plus ou moins quel âge on a.

"Si vous lisez la biographie de quelqu'un de célèbre, on vous dira : 'Napoléon Bonaparte prend le pouvoir à telle date', on ne vous dit pas son âge."

Frédéric Taddeï

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 Il a 30 ans quand il prend le pouvoir. Et au moment où il part à Sainte-Hélène en 1815, on ne vous le dit pas non plus. Il a 45 ans. C'est fini, à 45 ans, Napoléon, c'est fini. Et pourtant c'est un destin.

Par exemple à 15 ans, vous, vous marqueriez quoi ?

Je l'ai mis dans un certain nombre de livres. Je ne l'ai pas mis pour 15 ans parce qu'à cet âge, je suis au lycée comme tout le monde. Je me suis mis à 16 ans parce que je fume ma première cigarette et que je fume toujours. Ça peut être un mauvais exemple d'ailleurs... Que je dénonce, bien entendu !

Je me demandais si c'est parce que vous n'aviez pas de souvenirs de vos 15 ans.

Je n'ai pas de souvenirs particuliers, mais vous m'avez assez souvent vu entre 20 et 29 ans. Et assez régulièrement, dans chaque livre, vous voyez "Frédéric Taddéï, le futur créateur des Birthday books ne fait rien". Ce qui est vrai, je n'ai rien fait, j'ai pris dix ans de vacances.

Votre père travaillait dans une banque, votre mère était mère au foyer. Que vous ont-ils apporté ?

Mes parents m’ont apporté une formidable confiance en soi. Quand j'ai annoncé à mon père que j'allais arrêter mes études, j'avais 19 ans, je lui ai dit : "je serai riche et célèbre à 25 ans, tu vas voir, je vais être un grand écrivain". Mon père m'a fait confiance. À 25 ans, je n'étais pas riche et célèbre et j'étais encore moins un grand écrivain. J'avais même compris que je ne le serai jamais. Et pourtant, mes parents m'ont laissé continuer à faire comme je le sentais. Je me suis préparé à ce que j'allais faire par la suite dans mes émissions de télévision, de radio, c'est-à-dire, au fond, sauter du coq à l'âne, passer d'un sujet grave à un sujet plus léger et interviewer Edgar Morin un jour et le lendemain, Ophélie Winter, si vous voulez.

Le point de départ, c'est le lancement d'un magazine. C'est comme ça que vous allez être repéré et ensuite vous allez commencer à écrire vos premiers articles. Ça passe quand même par l'écriture ?

Oui. Je n'avais fait que ça, écrire et lire, je me suis dit : bon, ben je vais créer un journal.

Je voudrais qu'on parle de "D'Art d'Art !", vous vous êtes battu pour ce module ?

Enfin, je me suis battu... En fait, c'était drôle.

"Quand on a imaginé "D'Art d'Art !", France Télévisions à l'époque l'a pris, le trouvait formidable et l'a mis sur une étagère parce qu'ils se sont dit : 'On ne trouvera jamais de sponsors pour une émission sur l'art'."

Frédéric Taddeï

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Et puis, coup de chance, un nouveau ministre de la Culture est nommé, c'était Jean-Jacques Aillagon. Et comme souvent, les ministres de la Culture de droite, ils reprochent au service public de ne pas faire assez de culture. Et immédiatement France Télévisions de l'époque a répondu : "Mais attendez, on a une mission formidable qui arrive sur l'antenne", c'était "D'Art d'Art !" Et on se retrouve à l'antenne. Finalement, comme cette émission était assez belle, assez bien tournée, en plus, à un carrefour d'audience considérable, le dimanche à 20h30, les sponsors se sont plutôt battus. On a toujours eu des sponsors, mais toujours des marques de luxe, en fait, ce à quoi n'avait pas pensé la Régie de France Télé à l'époque, qui pensait que pour une émission sur l'art, on ne trouverait comme sponsor qu'une marque de peinture.

Que représentent ces Birthday Book ? J'ai l'impression que c'est un peu comme une cour de récréation, même si c'est un gros travail.

C'est un énorme travail qui m'a pris plusieurs années, mais j'en suis très fier. Vraiment, ça me passionne. J'ai l'impression que c'est une nouvelle perspective qui peut s'ouvrir, d'explorer les potentiels de l'âge puisque dedans, tout à coup, vous voyez tous les livres qui ont été écrits à 19 ans. Vous vous dites aussi : "Mais au fond, c'est aussi un guide culturel". Pour la première fois, parce que nous, on n'a pas eu cette chance, vu qu'on ne savait pas à quel âge les gens avaient fait les choses, les gens de 19 ans vont pouvoir lire les romans, écouter les musiques, voir les films des gens de leur âge à d’autres époques.

Quel est votre rapport avec le temps qui passe ?

De moins en moins harmonieux !

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