"Il faut réveiller l'énergie vitale des gens, leur dire que tout est possible et qu’il faut se battre", voilà ce que fait Jérémy Ferrari avec "Anesthésie générale"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mardi 30 janvier 2024 : le comédien et humoriste, Jérémy Ferrari. Il sera les 9 et 10 mars à l’Accor Arena pour son spectacle "Anesthésie générale".
Article rédigé par franceinfo, Elodie Suigo
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Publié Mis à jour
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Jérémy Ferrari, comédien et humoriste. (franceinfo)

Jérémy Ferrari est un électron libre dans le monde de l'humour. À la fois humoriste, comédien, auteur et metteur en scène, il a été révélé au grand public dans l'émission de France 2 "On ne demande qu'à en rire". Sa spécialité ? L'humour noir. Il aborde des thèmes délicats comme le suicide, le racisme, le handicap, la misère sociale, la solitude, l'alcoolisme, l'hôpital, les médias, l'information. Il peut se permettre d'en parler puisqu'il possède plusieurs de ces casquettes : alcoolique désintoxiqué, HPI, surdoué. Tout cela, Jérémy Ferrari le raconte dans son spectacle Anesthésie générale qui le mènera les 9 et 10 mars sur la scène de l'Accor Arena. Et pour ceux qui n'ont pas de place, on pourra aussi le voir dans de nombreux cinémas, le dimanche 10 à partir de 17 h.

franceinfo : Est-ce aussi une thérapie de monter sur scène, d'écrire sur les maux ?

Jérémy Ferrari : La scène a toujours été ma passion, ça a toujours été ce que j'ai voulu faire depuis que j'ai 13 ou 14 ans. Je voulais faire du "one man show", je voulais monter sur scène. Donc forcément, faire ce métier et réussir dans ce métier, ça m'aide à me sentir heureux, à me sentir épanoui, à me sentir bien. Ce n'est pas suffisant puisqu'effectivement il y a sept ans, j'ai fait une tentative de suicide etc. Donc ce n'est pas suffisant, mais je pense que j'aurais sombré beaucoup plus tôt si je n'avais pas eu la chance de vivre de mon métier et d'avoir tout ce bonheur sur scène.

Depuis vos huit ans, vous savez que vous êtes différent et vous avez dû attendre vos 31 ans pour que des gens réussissent à vous définir, en tout cas à vous entendre et à vous comprendre.

Oui. Alors après, je n'en veux pas spécialement aux spécialistes qui n'ont pas su poser de diagnostic sur moi avant. Moi, je souffre de maladies invisibles. Je suis obsessionnel compulsif, aux obsessions idéatives, j'ai aussi un trouble de l'attention avec hyperactivité. Le psychiatre, ce qu'il a comme point d'accroche pour commencer à essayer de comprendre, c'est ma parole. C'est la parole de quelqu'un qui est souffrant. Donc c'est très compliqué pour un psychiatre, parce qu'il faut qu'il arrive à parler avec vous, à vous appréhender, à comprendre quand vous mentez volontairement ou involontairement etc. C'est extrêmement compliqué.

Ce spectacle semble être une revanche sur la vie parce que le fil rouge, c'est la souffrance en fait.

Je ne l'avais pas perçu comme ça. Mais effectivement, c'est possible oui.

Il y a de la souffrance chez le personnel hospitalier, il y a de la souffrance sur l'absence de temps qu'on peut accorder aux patients. Il y a de la souffrance parce qu'on a du mal à savoir qui on est. Alors est-ce aussi une revanche sur la vie et finalement une main tendue vers l'espoir ?

Évidemment, je ne parlerais pas de ces sujets si j'avais l'impression qu'on ne pouvait plus rien y faire. Moi je pense qu'il faut faire de la résistance. Je pense qu'il faut dénoncer, provoquer, bousculer et je pense qu'il faut réveiller l'énergie vitale des gens, leur dire que tout est possible.

"Il y a une part de l'être humain qui a tendance à penser à l'échelle de sa propre vie. C'est une erreur. Il faut penser de manière générale, se voir dans un ensemble."

Jérémy Ferrari

à franceinfo

Les premiers touchés restent finalement les membres de votre famille. Vous dites : "De toute façon le suicide, c'est une histoire familiale du grand-père en passant par la tante et l'oncle" et donc par vous. On est un peu dans la même lignée avec l'alcoolisme. Vous avouez d'ailleurs que vous êtes arrivé à un stade où vous arriviez à boire six litres de rosé tout seul dans la même journée. Comment allez-vous aujourd’hui après cette cure de désintoxication ?

Je n'ai pas rechuté, mais, honnêtement, je le dirais si j'avais failli et pourtant j'ai vécu des trucs pas faciles pendant ces sept ans. Mais je n'ai pas eu envie de reprendre l'alcool. J'ai vraiment mis un truc dans ma tête, je le dis aussi aux dépendants, je vois vraiment le cerveau comme un ordinateur qu'on peut reprogrammer et il ne faut pas lui laisser l'option possible. C'est-à-dire que dès que j'ai arrêté l'alcool, je lui ai dit : tu n'en auras plus jamais quoi qu'il arrive. Ça, c'est extrêmement important.

Je ne vous dis pas qu'il n'y a pas des moments difficiles, je ne vous dis pas que ma tête me laisse tranquille en permanence. Il y a des phases, pendant des semaines, où c'est hyper dur parce que mon cerveau commence à se battre contre moi. Là, évidemment, je me demande pourquoi j'ai fait tout ça, arrêter l'alcool, toute cette discipline que je m'impose, pour être si malheureux ! Mais la réalité, c'est qu'avec l'alcool, c'était sans fin et c'était quatre fois pire. Là, ça dure une journée, une heure, une semaine et ça va mieux.

L'alcool étant arrêté, est-ce que vos idées noires sont aussi derrière vous ?

Ah oui, ça, s'est terminé. Mais vous savez, au moment où j'ai fait ma tentative de suicide, je me gavais de médicaments et je me gavais d'alcool. On était dans une phase de ma vie où je n'étais plus du tout lucide. J'avais beaucoup trop d'alcool et de médicaments dans le sang pour savoir ce que j'étais en train de faire.

"Si j'ai des flashes ou des obsessions, au lieu de le prendre comme un truc qui m'arrive, je le prends comme un truc qui se passe. J'essaie de prendre du recul sur le phénomène, comme si ça ne m'arrivait pas à moi."

Jérémy Ferrari

à franceinfo

Qui est Jérémy Ferrari aujourd'hui alors ?

Le même. Il y a un aspect parfois un peu triste, mais tellement chouette en même temps dans ma personnalité. Je ne me rends pas compte de ma réussite. Je parle toujours comme quelqu'un qui va peut-être réussir un jour. Alors bon, je ne suis pas complètement fou, j'ai conscience de cette réussite, mais je n'arrive pas encore à l'intégrer. Ça me permet de rester frais par rapport à ça. Je vois tellement d'artistes blasés du succès, je trouve ça triste. C'est vraiment une force, c'est quelque chose que je n'essaierai pas de soigner parce que je trouve que ça m'apporte plus de bonheur que de frustration.

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