"Il ne voulait pas que je vienne à son concert" : Jacques Dutronc raconte pourquoi son fils Thomas lui a caché qu’il chantait

L’acteur et chanteur, Jacques Dutronc est l’invité exceptionnel du Monde d'Élodie Suigo du 8 au 12 juillet 2024. Cinq jours pour remonter le fil de sa vie professionnelle et personnelle. En novembre dernier, il publiait ses mémoires aux éditions du Cherche-Midi, "Et moi, et moi, et moi".
Article rédigé par franceinfo
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"Live is Love", l'album de Thomas Dutronc qui contient la version d'"Aragon" que préfère Françoise Hardy. (DR)

Jacques Dutronc est considéré comme l'un des plus grands artistes français. Il nous accueille dans son refuge, son havre de paix à Monticello en Corse. Quand on dit : "Jacques Dutronc", on pense à la musique évidemment avec une vraie incarnation, une réelle présence sur scène et à ses titres cultes devenus des madeleines de Proust : Et moi, et moi, et moi (1966), J'aime les filles (1967), Il est cinq heures... Paris s'éveille (1968), Les Plays-Boys (1966) ou encore Merde in France (1984). On pense aussi au cinéma quand on parle de lui, avec comme point de départ en 1973 le film Antoine et Sébastien de Jean-Marie Périer ou Maurice Pialat qui lui confia en 1991 le rôle de Van Gogh avec au final, le César du meilleur acteur. Tous ces ingrédients, on les retrouve dans ses mémoires, Et moi, et moi, et moi , aux éditions du Cherche-Midi. Un ouvrage drôle, passionnant tant son humour, son autodérision et sa sincérité sonnent juste.

franceinfo : Vos mémoires s'intitulent Et moi, et moi, et moi, ce qui peut sembler être très égocentrique. Et pourtant, vous êtes au centre de votre histoire. Est-ce que vous avez parfois été opportuniste ?

Jacques Dutronc : Non, c'est l'inverse. Je ne connais pas le nom exact, mais au contraire, je ne veux pas dire que je bats en retraite systématiquement, mais je ne suis pas un conquérant total comme 'Connard Le Barbant', non, non. Je ne veux pas dire que je suis dans la désertion... Je ne me rends pas non plus, mais je ne suis pas une espèce de combattant et opportuniste. Et bon, si ce n'est pas tout à fait ce à quoi je pouvais penser, c'est bien quand même. Je fais mon territoire. Du signe du Taureau, je m'adapte.

Comment est née cette chanson L'opportuniste ?

Il suffisait de regarder les gens. Mais je ne me rappelle plus celui qui a servi de modèle et même si je m'en souvenais, je ne citerai pas ce monsieur ou cette dame, mais là, en revanche, on a le choix ! Il y en a beaucoup et ça se voit tout de suite. Enfin moi je les vois. C'est un drôle de truc.

"Les opportunistes ont eu l'intelligence de doubler leur veste, en vison ou en je ne sais quoi, en Vuitton, des conneries quoi ! Donc ça passe mieux. Maintenant, on pourrait dire qu'ils sont réversibles."

Jacques Dutronc

à franceinfo

À un moment donné, vous avez décidé d'arrêter. On est en 1973. Il y a un heureux événement qui va arriver le 16 juin, c'est la naissance de Thomas. Il a effectivement organisé cette tournée avec vous, Dutronc & Dutronc. Il raconte toute l'influence que vous avez eue dans sa vie d'homme. Et d'ailleurs, on découvre dans le livre qu'il ne vous avait pas prévenu qu'il chantait. Vous l'avez su par un producteur.

Oui, oui, par Carpentier qui est producteur. Il devait jouer à Calvi, ce n'est pas loin d'ici. Il ne voulait pas que je vienne. D'abord je n'y serais pas allé, c'est sûrement pour ça qu'il m'a dit de ne pas venir. Donc je l'attends au bar de la terrasse. J'attends Thomas. Je bois sûrement un coup, le fameux Carpentier aussi et lui, il y va. Il revient et me dit : "Il chante formidablement bien". Je lui demande ce qu'il chante ! Il me répond : "Mais Thomas chante" Ah bon, première nouvelle ! Et après j'ai compris. Thomas m'a dit : "Je chante. Je ne te l'ai surtout pas dit, et à toi, à la limite j'aurais peut-être pu, mais surtout pas à maman, surtout pas à Françoise". Parce que là, alors il n'aurait eu que des : "Il ne faut pas chanter comme si, tu devrais faire cela etc." Françoise était très critique, elle disait la vérité, elle n'arrangeait pas trop les choses, c'était direct. Si vous faisiez une mélodie et qu'elle ne l'aimait pas, elle disait carrément : "Je n'aime pas". Elle n'arrondissait pas les angles. D'où la peur de Thomas. Jamais il ne l'a dit, donc je l'ai appris ainsi. Mais j'ai été très surpris d'ailleurs de l'entendre. Je me souviens de la première écoute. J'ai trouvé que... Je ne sais pas ce que j'ai écouté comme première chanson... C'était "Comme un manouche"...

Comme un manouche sans guitare.

Comme un manouche sans guitare ! Il aurait pu dire : "Comme papa sans cigare" Peu importe, il ne l'a pas fait ! Fumier va ! Vraiment les jeunes ! Dans un premier temps, je me suis dit on dirait du Charles Trenet, là. Je trouvais ça flatteur pour lui.

"J'ai trouvé à 'Comme un manouche sans guitare' un côté très frais, très sautillant, très joyeux."

Jacques Dutronc

à franceinfo

Charles Trenet employait ce mot dans une interview, il était très fort d'ailleurs, quand quelqu'un lui a demandé : "Mais vous êtes gai", il a répondu : "Non, joyeux !"

Vous annoncez ne pas vouloir laisser d'image quand on vous demande quelle image vous souhaiteriez laisser. Vous avez failli céder à la grande faucheuse en 2003, à la suite d'un malaise cardiaque. Vous dites : "Dans la chanson, on laisse des notes, au cinéma, des plans", vous ajoutez que vous n'aimez pas les enterrements et que vous n'êtes pas sûr d'aller au vôtre. Quel regard portez-vous sur ces 60 ans de carrière ?

Ah ! 60 ans de carrière, c'est énorme ! Il faut faire un anniversaire, il faut faire un truc ! Les maisons de disques n'ont rien fait ! Il faut que j'organise un truc. Pour les 60 ans de carrière, je vais organiser toute une soirée sur franceinfo ! Ça fait beaucoup, mais ça dépend des gens et de moi aussi un peu.

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