"Je ne crois en rien, ni à l'amour, ni à la vie" : Brigitte Fontaine sort un nouvel album, "Pick-up"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Vendredi 1er novembre 2024 : l’auteure, compositrice et interprète, Brigitte Fontaine. Elle sort aujourd’hui un nouvel album "Pick-up".
Article rédigé par Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Brigitte Fontaine sur la scène du Printemps de Bourges, le 20 avril 2022. (FRED DUGIT / MAXPPP)

Brigitte Fontaine est de cette catégorie d'humains qui aiment à découvrir, à s'émerveiller. Le fil d'Ariane dans ce parcours à la fois rock, féérique sur terre et dans les airs, reste la poésie et ce qui la constitue, c'est-à-dire les mots. À cette personnalité atypique, il faut aussi ajouter que l'objectif à atteindre coûte que coûte est toujours resté le même. Il s'agit du sentiment de liberté. Aujourd'hui, elle est de retour avec la création dans son répertoire discographique de l'album Pick-up.

franceinfo : L'album Pick-up est entre transe, rock, garage, psyché chaâbi. C'est un clin d'œil au retour des vinyles. Est-ce que c'est une ode à la vie et à l'amour ?

Brigitte Fontaine : Oh non ! C'est une ode à rien du tout. Je ne crois à rien. Ni à l'amour, ni à la vie. Je ne crois en rien.

Il n'y a rien qui vous donne envie d'écrire, par exemple ?

Ah si ! L'amour des mots, ça me prend comme une envie de pisser.

Quel rapport avez-vous avec votre époque ?

On peut dire une poète, que je suis, ou bien on peut dire également, car ça date du Moyen Âge, poétesse, ça, j'accepte. Mais ce que je ne saurais tolérer, c'est écrivaine. C'est absolument laid, ridicule et les femmes écrivains ont toujours existé. Un écrivain est un écrivain comme une gazelle est une gazelle, même si elle est du sexe mâle. Voilà, c'est tout ce que je dirais sur ce sujet.

Vous avez ce côté toujours féministe en vous. Comment vous définissez-vous ?

Féministe, non ! Bien que j'aie commencé bien avant le féminisme. J'ai commencé à me dévouer à la cause des femmes, si on veut, bien avant le terme féministe.

"J'ai commencé à écrire surtout pour les femmes, pour l'honneur, pour aider à l'honneur des femmes qui sont humiliées."

Brigitte Fontaine

à franceinfo

Et c'est douloureux, comme la plupart des colonisés, elles sont humiliées bien sûr, et c'est une des choses les plus douloureuses de la colonisation. C'est mon avis.

Depuis 60 ans, vous jouez avec les mots, les vers, les histoires, les émotions. Vous êtes l'inclassable, l'indomptable. Si vous deviez vous décrire, que diriez-vous ? Qui est Brigitte Fontaine ?

Une pauvre petite qui a peur. D'ailleurs, la couverture de Pick-up, c'est moi quand j'avais deux ans et demi à peu près et que je disais avec les bras sur les oreilles : "peur, peur, peur, peur". Déjà.

Vous êtes née dans le Finistère. Enfant, quand vous étiez toute petite, qu'est-ce que vos parents vous ont transmis ?

Ils ne m'ont rien transmis sauf de l'affection. L'affection est très importante.

Alors, qu'est-ce qui a fait que vous ayez eu envie de partir très vite et de jouer la comédie ?

Bien avant, je voulais abandonner le lycée, et le directeur de la compagnie de théâtre qui parcourait la Bretagne est venu quand j'avais 12 ans demander à mes parents : "Est-ce que, quand elle aura 16 ans, elle peut venir avec nous ?" Et moi, c'était mon rêve, je les adorais. Je les attendais pendant des semaines et des semaines. Et non seulement elle a refusé, mais elle ne m'a pas prévenue. Alors ça, je lui en veux. D'ailleurs, elle s'en voulait beaucoup aussi. Toute ma vie aurait été changée et je n'aurais pas subi toute cette misère et ces avortements nombreux, etc.

"Petite fille, je rêvais de théâtre avec des gens que j'aimais beaucoup et de parcourir tous les pays de Bretagne."

Brigitte Fontaine

à franceinfo

Est-ce que les mots vous permettent d'aller mieux ? On a le sentiment que vous avez toujours été une combattante.

Oui. Enfin ils me permettent d'être contente. Quand je finis quelque chose, si c'est bien pour moi, je suis contente. Je suis quand même assez gentille, je crois. Je suis une combattante, une guerrière et quand j'étais petite, j'aurais voulu qu'on dise de moi que j'étais un garçon manqué. Mais personne ne le disait parce que j'étais vraiment déjà une petite femelle, alors je n'étais pas contente.

Vous vous dites dépressive, mais vous chantez quand même le désir dans cet album. Il y a quelque chose de très charnel par moments.

Je ne sais pas très bien ce qu'est l'amour, c'est un peu comme croire. L'amour et la foi, c'est très cousin germain. Je n'ai pas la foi et peut-être que je n'ai pas l'amour non plus. Je ne sais pas.

Peut-on dire de ce disque que c'est une façon de continuer à mener une révolte ?

Oui, on peut le dire.

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