Jean-Michel Aphatie dissèque le quinquennat dans "Les amateurs" : "La politique, c'est l'histoire en train de s'écrire"
Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, le journaliste politique Jean-Michel Aphatie.
Jean-Michel Aphatie est un journaliste politique, intervieweur, éditorialiste, homme de radio, de télé, notamment dans Le Grand Journal de Canal+ entre 2006 et 2015. Depuis 2019, il est éditorialiste sur LCI dans la matinale. Il publie Les amateurs. Les coulisses d'un quinquennat aux éditions Flammarion.
franceinfo : Les amateurs. Les coulisses d'un quinquennat démarre sur une phrase de François Mitterrand citée finalement par Robert Badinter : "En politique, un bon amateur ne vaudra jamais le plus mauvais des professionnels". Qu'est-ce que cela veut dire ?
Jean-Michel Aphatie : Ça veut dire que la France est lassée d'être gouvernée par des professionnels. Si on fait le bilan des présidences Chirac, Sarkozy, Hollande, tout s'est dégradé. C'est un pays qui a dépéri. Donc, on a tenté l'amateur, celui qui n'avait jamais rien dirigé, qui n'avait été candidat à rien, Emmanuel Macron. Est-ce que les gens ont l'impression que leur situation s'est améliorée ? On verra ça en 2022.
Finalement, cette phrase est une vraie question ouverte. Vous avez toujours travaillé comme ça ?
Oui. J'ai toujours essayé de trouver une distance par rapport à la politique. Je crois que le regard doit être assez dur. C'est très dur de gouverner, mais celui qui observe ne doit pas trouver d'excuses à celui qui gouverne. Il faut de la distance, ne jamais s'associer à un parcours individuel, être passif. Les hommes politiques écrivent l'histoire.
"Je vote blanc depuis 1988. Depuis que j'ai eu une carte de presse, je n'ai jamais été confronté à un homme politique pour qui j'avais voté ou contre qui j'avais voté. Ça libère un peu les neurones."
Jean-Michel Aphatieà franceinfo
Ce livre est surtout un vrai bilan de ce que vous êtes. La politique vous habite depuis votre plus jeune âge et on ressent par moments une nostalgie, mais qui est liée aux valeurs aussi qui se perdent.
C'est vrai. Je ne sais pas si je suis nostalgique, mais dans l'échelle de la dégradation, on a descendu quelques marches. En fait, j'aime bien l'idée de demain. J'aime bien l'idée de ce qui va se passer ou de ce qui se passe. Quand il se passe quelque chose sur la scène politique, ça m'excite, trop d'ailleurs, parce que parfois, j'en fais trop, je sais. C'est plutôt aujourd'hui qui m'intéresse. La campagne qui s'ouvre, les nouveaux personnages qui surgissent... Et ce n'est pas parce que c'est nouveau que ça sent bon ! Tout ça m'amuse, en fait.
L'une des personnalités que vous citez beaucoup parce que vous êtes inquiet, est Eric Zemmour. Vous ne comprenez pas qu'on lui permette de continuer à avoir une parole alors qu'on la refuse à Dieudonné et que les condamnations sont identiques.
La société française a su dire non à l'antisémitisme, quand Dieudonné a été condamné. Et la France ne sait pas dire non à Eric Zemmour quand il critique les musulmans et les Arabes. Il a des propos racistes qui lui ont valu des condamnations et il en a encore aujourd'hui. Et plus il en tient, plus les médias lui offrent de l'espace. Donc, ça veut dire que, dire du mal des Arabes et des musulmans en France, c'est bien porté.
"Eric Zemmour, je le connais depuis longtemps. Je l'ai toujours lu et écouté. Il raconte n'importe quoi. Sa culture historique est en carton-pâte et on est fasciné par cet homme qui nous permet d'exprimer des pensées racistes que beaucoup de Français ont dans la tête."
Jean-Michel Aphatieà franceinfo
Quand même, il faudrait que nous prenions conscience des valeurs qui sont les nôtres, de ce que nous tolérons et donc de ce que nous sommes.
Je voudrais qu'on revienne sur votre parcours. Vous avez quitté l'école à 14 ans et commencé à travailler très peu de temps après dans l'épicerie-café de vos parents. Par la suite, vous avez été vendeur de voitures, garçon de café à Lourdes et puis vous avez repris vos études. Est-ce que vos parents vous ont transmis, finalement, ce respect du travail ?
Pour moi, la vraie université ou le vrai lycée, c'est le monde du travail. Vous vous levez tôt. Vous travaillez beaucoup. C'était viril, chaleureux aussi. C'est là que j'ai appris à vivre, à comprendre la politique. Au bistrot de mes parents quand tout le monde était bourré, il y avait une partie qui était à droite, une partie qui était à gauche. J'ai beaucoup écouté, je me suis beaucoup imprégné de tout ça. J'étais jeune, je l'ai supporté et j'y ai trouvé du plaisir, mais avec le recul, évidemment, les parents souhaitent que les enfants fassent des études. Je sais pourquoi on souhaite cela.
Vous obtenez le bac à 24 ans. Cela veut dire que les choses peuvent changer, qu'on peut s'y mettre.
Exact. J'ai à un moment fait l'effort de me dire que la vie que j'avais n'était pas celle que j'avais envie d'avoir. J'ai fait un effort pour changer de vie et à ce moment-là, j'ai rencontré des gens. Et quand ils vous proposent de vous aider, vous ne vous demandez pas de quelle religion ils sont, pour qui ils votent. Non, ils vous montrent une part d'humanité et vous essayez de faire un bout de chemin avec eux. Moi, ce que j'ai retenu de ma vie, c'est ça.
Pourquoi le journalisme politique ? Parce que vous allez, très tôt, développer une passion pour celui-ci.
"La politique m'a toujours intéressé parce que l'histoire de mon pays m'a intéressé."
Jean-Michel Aphatieà franceinfo
J'ai toujours voulu faire du journalisme politique. Quand j'étais en primaire et au collège, il y avait un condensé d'émotions dans la transmission de l'histoire de France, qui parlait à mon caractère, à ma psychologie. Il y avait quelque chose qui résonnait et donc la politique, c'est l'histoire qui est en train de s'écrire.
Est-ce que le petit garçon que vous étiez est fier de l'homme qu'il est devenu ?
Je ne suis pas fier de faire ce que je fais. Je suis heureux de faire ce que je fais !
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