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"L’agriculture n’est plus une variable d'ajustement" : pourquoi Thierry Marx est le parrain des Journées nationales de l’agriculture

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, le chef cuisinier doublement étoilé, Thierry Marx. 

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Le cuisinier Thierry Marx dans sa cuisine, en 2019.
 (NATHANAEL CHARBONNIER / RADIO FRANCE)

Thierry Marx est un grand chef cuisinier doublement étoilé, très inspiré par la cuisine moléculaire. Il est aussi connu et apprécié pour ses actions militantes engagées. 

Avec Guillaume Gomez, ambassadeur de France pour la gastronomie française, Thierry Marx parraine la deuxième édition des Journées nationales de l'agriculture qui débuteront ce vendredi 17 juin 2022. Elles durent trois jours. Le but, cette année, est de mieux connaître la vie et le travail des agriculteurs français.

franceinfo : Ces Journées nationales de l'agriculture sont une belle opportunité, pour le fervent défenseur des producteurs locaux que vous êtes, de mettre en avant, en lumière le travail des agriculteurs.

Thierry Marx : C'est une évidence. C'est-à-dire que ce n'est plus une variable d'ajustement. Ce qui nous a surpris, d'ailleurs, dans le monde agricole et aussi dans le monde de l'alimentation, c'est que l'alimentation n'ait pas été menée comme un combat politique. Et justement, ces Journées de l'agriculture vont servir à reposer un petit peu le cadre, de se retrouver avec une alimentation qui soit de qualité pour tout le monde.

On a vu récemment des images d'étudiants d'Agrotech qui, justement, le jour de la remise de leurs diplômes, alors qu'ils étaient devenus ingénieurs, ont justement manifesté leur rejet de l'enseignement qui leur est donné. Ça vous a touché ?

Beaucoup et pour plusieurs raisons parce qu'au Centre français d'innovation culinaire, basé à Paris-Saclay, on travaille sur l'alimentation de demain avec un certain nombre de chercheurs.

La recherche : oui. Faire des ingénieurs : oui. Mais si c'est pour leur demander de faire une agriculture productiviste : non. Maintenant, de quelle agriculture veut-on ? C'est avec les agriculteurs qu'on va trouver des solutions.

Thierry Marx

à franceinfo

Enfant, vous vous êtes trouvé et sauvé grâce à la cuisine, en regardant une boulangerie. Et tous les matins, vous vous dites : je veux y aller. Vos résultats scolaires étaient médiocres et la cuisine a été un élément extrêmement positif pour vous, à tel point qu'aujourd'hui, vous êtes le parrain de ces journées-là. C'est, aussi, un bel exemple d'espoir ?

Je ne prétends pas être un modèle, mais ne vous croyez jamais assigné à l'échec ni assigné un quartier. Il faut aller de l'avant. C'est vrai que le monde de la pâtisserie, le monde de la cuisine m'apporte encore beaucoup parce que je ne l'ai pas cloisonné. J'ai rapidement compris que la gastronomie moléculaire n'était pas une tendance de cuisine, c'était un outil de compréhension. Ce qui me passionne, c'est la cuisine, parce qu'il y a ce lien de confiance avec l'autre qui s'anime et c'est un pur bonheur que de faire à manger pour les autres.

Vous avez une énorme rigueur. Vous avez même été casque bleu. J'ai l'impression que vous aviez besoin d'apprendre cette rigueur, de vous soumettre à "l'autorité".

Oui, j'ai refusé l'autorité scolaire quand j'étais plus jeune. Le premier cadre éducationnel qui m'a été donné, c'était celui du judo. Et là, je découvre, en gros, la règle des trois M : Mimétisme, Mémoire, Maîtrise. "Observe et tais-toi, apprends et comprends, ensuite, tu pourras innover" et je comprends le faire pour apprendre. Je comprends que je ne suis pas si nul. J'avais besoin d'un cadre éducationnel qui me ramène à moi-même. Ce que j'essayais de construire à l'époque, c'était une verticalité, presqu'une solitude, construite et assumée, solitaire et solidaire. Et ça s'apprend très jeune et moi, j'ai eu la chance d'avoir une maman, un papa et des grands-parents qui m'ont appris à ne jamais chercher de bouc émissaire.

Vous avez toujours cherché le partage. C'était important pour vous, eu égard peut-être à vos parents, ce besoin d'être en famille, parce que la cuisine, c'est aussi un moyen de se retrouver, de prendre le temps, de discuter et d'échanger.

C'est vrai, mais la cuisine m'a aussi beaucoup éloignée de la cellule familiale. Je suis parti très tôt, j'ai quitté la famille très tôt.

À un moment donné, j'ai l'impression que c'était nécessaire de quitter le quartier du Bois-L'Abbé à Champigny-sur-Marne !

Quitter le quartier, c'était nécessaire, mais, au départ, la pâtisserie, avant la cuisine, m'a apporté de découvrir la France, découvrir des gens différents, des régions différentes, des cultures différentes.

La cuisine, au-delà de me nourrir physiquement, me nourrissait intellectuellement.

Thierry Marx

à franceinfo

Votre grand-père a été un vrai exemple pour vous, réfugié juif, polonais, communiste durant la Seconde Guerre mondiale. Ca forge un homme.

Oui. Il voulait que le monde ouvrier s'instruise et il avait une phrase : "L'épanouissement, c'est un ouvrier qualifié qui rêve d'être contremaître", à l'époque, on disait contremaître, pas cadre et "qu'un cadre puisse devenir artisan, petit patron". Et il trouvait que c'était l'escalier social normal. Et je pense qu'il avait raison, c'est-à-dire que ce qui fait les hommes libres, c'est quand même de les instruire.

Fier d'être parrain de ces Journées nationales de l'agriculture ?

Je suis fier parce que je suis un adepte de l'agriculture, je suis un amoureux du monde agricole. Je n'ai jamais oublié que ma grand-mère qui ne voulait pas que je fasse de bêtises, entre le mois de juin et le mois de septembre, disait : "De toute façon, comme tu n'auras pas de prix à l'école autant qu'on te mette à la campagne", alors j'apprenais. J'ai donc une affection toute particulière pour le monde agricole en sachant qu'il y a un vrai combat sur l'alimentation à mener avec eux. Et le fait d'être parrain, c'est de pouvoir le dire haut et fort. Il y a vraiment de grands enjeux parce que les nouveaux métiers sont probablement dans les métiers de l'alimentation.

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