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Le monde d'Elodie. André Dussolier : "Il y a des médecins très inspirés qui ont une vision que d'autres n'ont pas"

Le comédien éclaire le présent avec le passé : le combat d'un médecin hongrois, Semmelweis, pour le lavage des mains. Louis-Ferdinand Céline en tira un récit brûlant d'actualité.

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
André Dussollier a enregistré Semmelweis, le récit de Louis-Ferdinand Céline sur le médecin hongrois qui établit -contre ses pairs- les règles de l'asepsie. (FRANCE 2)

Elodie Suigo commence par nous faire entendre un extrait de l'enregistrement de Semmelweis par André Dussolier, dans lequel le comédien explique qu'"au moment où, face au Coronavirus on assiste aux débats les plus virulents, (il) n'a pu s'empêcher de penser à l'histoire du docteur Semmelweis". Il a donc, dit-il,  "enregistré chez (lui), avec les moyens du bord, le récit de Louis-Ferdinand Céline"... 

Elodie Suigo : André Dussolier, vous êtes comédien, ancien sociétaire de la Comédie Française et vous avez décidé pendant ce confinement de lire Semmelweis de Louis-Ferdinand Céline, sur France Culture, ce sera diffusé demain de 19 à 20 heures. Le but, c'est de rendre un hommage à ce médecin hongrois, ce génie qui a donné l'impulsion de se laver les mains ?

André Dussolier : J'ai toujours été fasciné par son histoire et par son destin. Alors évidemment aujourd'hui on assiste à des débats entre médecins assez virulents, évidemment, j'aiimmédiatement pensé à son histoire, parce que c'est un médecin qui en 1846 s'attaqua aux causes de la fièvre puerpérale, celle qui touchait les femmes qui accouchaient et il y avait une forte proportion de femmes qui mourraient. Il a cherché et il a trouvé, 50 ans, avant Pasteur, le microbe. Mais personne ne l'a cru et c'est un combat qu'il a mené toute sa vie et on peut dire qu'il en est mort : il a fini dans un asile d'aliénés et il a fini par mourir d'une blessure qu'il s'est faite avec un scalpel. mais c'est surtout que pendant toute sa vie, il s'est battu et que devant la résistance des médecins, il y avait vraiment de quoi devenir fou ! 

C'était il y a près de deux siècles, André Dussolier, et pourtant c'est plus qu'actuel ... avec la polémique autour du docteur Raoult. C'est ce qui vous a donné envie de lire ce livre ?

Oui, parce que je suis les débats qu'il peut y avoir entre les médecins, qui sont évidemment en désaccord, parce qu'il y a une urgence ; on a envie de combattre le Coronavirus et de trouver ces solutions et on voit bien que tout le monde a été pris de court et que la science avance à son rythme et qu'elle a besoin de vérifier les propositions des uns... Il y a des médecins qui peuvent être très inspirés et avoir, tout à coup, une vision que d'autres n'ont pas. Et c'est ainsi que Semmelweis s'est heurté à ses pairs, quand il a commencé à dire qu'il fallait simplement se laver les mains ou nettoyer les instruments dont les médecins se servaient, tout d'un coup, il a obtenu des résultats magnifiques, la mortalité a baissé, donc ça le mettait en concurrence avec d'autres chefs cliniciens de la région de Vienne et donc, évidemment, on lui mettait des bâtons dans les roues. On l'a empêché de faire valoir ses idées et ses découvertes. Donc, c'est ça qu'on voit : à travers tout ce qui peut se passer aujourd'hui, on voit que la science a besoin de médecins inspirés mais aussi elle a besoin de temps pour vérifier et voit bien aujourd'hui que telle découverte est acceptée à condition d'être corroborée par une étude scientifique qui, malheureusement, ne peut se faire qu'avec le temps. Ce qui est cruel et tragique, là, aujourd'hui, c'est que tout le monde a été pris de court, y compris les médecins, et on est devant une pathologie qu'on ne sait pas du tout aborder, dont on ne connaît pas les conséquences et les prolongements. Tout ça m'a fait penser à l'histoire de Semmelweis.

Et Pasteur prendra le temps de lui rendre hommage... Comment vivez-vous ce confinement ?

Je le vis en travaillant ; je respecte les règles qu'on s'est donnés dans notre pays. Je le vis comme un temps arrêté, troublant, j'étais à trois jours de commencer un film, ça devait d'ailleurs se dérouler dans un hôpital. Et puis voilà, tout s'est arrêté, comme pour tout le monde.

Un mot sur le spectacle vivant, puisque tout est arrêté : vous attendez un geste des pouvoirs publics ? 

Les théâtres particulièrement sont très affectés et il va falloir trouver des solutions, aider... Les films aussi qui devaient sortir... C'est un tel chaos dans le monde artistique aussi, tous les acteurs intermittents, qui comptent sur l'enchaînement du travail, qui ne peuvent plus travailler et qui ne pourront pas tenir... On va se réveiller d'étape en étape. On dit toujours qu'après les grandes pandémies la façon de vivre change. C'est qu'on va peut-être mettre pas mal de temps à essayer de retrouver un équilibre, sans je l'espère, retomber dans la folie qui a précédé ce moment et on voit d'ailleurs à la faveur de ce qui nous arrive que finalement, nous, les pays occidentaux, que ce soit l'Europe ou les Etats-Unis, on n'était pas si bien préparés et qu'on n'avait pas mis les priorités là où elles auraient dû être. ça va nous obliger peut-être à reconsidérer la manière de vivre et aussi l'économie mondiale. C'est un voeux pieux, c'est une rêverie et on a toujours peur d'être rattrapés par une réalité violente, mais ce serait dommage de retomber dans la même façon qu'on avait de vivre auparavant.

Comment imaginez-vous le monde d'après ?

Impossible d'imaginer. j'ai l'impression qu'on est au jour le jour, qu'on est rendus à nous-mêmes et à une prise de conscience. Le monde d'après, on va tous être obligés de penser, sans être dans une position stérile, à notre façon de vivre.

Merci André Dussolier, votre lecture de Semmelweis de Louis-Ferdinand Céline a donc lieu demain mercredi 15 avril de 19 à 20 heures sur France Culture. Et le livre est publié aux éditions Gallimard.

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