"Le théâtre me convient parce qu'il y a beaucoup de travail" : Bérénice Bejo seule en scène au Théâtre Marigny

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mercredi 9 octobre 2024 : La comédienne Bérénice Bejo. Elle sera à partir du 11 octobre au cœur de la pièce "Les gens de Bilbao naissent où ils veulent" de Maria Larrea au Théâtre Marigny.
Article rédigé par Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 20 min
La comédienne Bérénice Bejo, au Festival de Cannes, en mai 2024. (GISELA SCHOBER / GERMAN SELECT / VIA GETTY)

Bérénice Bejo est une actrice franco-argentine, arrivée en France avec ses parents qui fuyaient la dictature militaire alors qu'elle n'avait que trois ans. En 2012, elle a marqué les esprits du public et du métier avec son rôle de Peppy Miller dans le film muet, en noir et blanc, The Artist de Michel Hazanavicius. Ce rôle lui a valu de recevoir le César de la meilleure actrice et de concourir pour l'Oscar. Un an plus tard, elle a reçu le prix d'interprétation féminine du Festival de Cannes pour le drame Le Passé d'Asghar Farhadi. Elle sera au cœur de la pièce Les gens de Bilbao naissent où ils veulent de Maria Larrea au théâtre Marigny, dès le 11 octobre.

franceinfo : C'est votre retour sur les planches et on sent que le théâtre, c'est autre chose.

Bérénice Bejo : Ça me convient parce qu'il y a beaucoup de travail. J'aime travailler. Au bout d’un moment, je m'ennuie sur un plateau si je ne travaille pas. Et c'est vrai que quand je fais un film, ce qui m'intéresse, ce sont les deux mois d'avant où je cherche, je pose des questions au réalisateur, je l'embête et c'est tout ce truc-là qui me rend vivante et qui me fait aimer mon métier.

Vous incarnez sur scène tous les personnages de l'auteure, fille d'immigrés espagnols, qui a ressenti le besoin d'enquêter sur le passé de ses parents parce qu'un jour, elle a appris qu'elle avait été adoptée. Il y a une énorme caisse de résonance avec votre vie et ça vous renvoie à l'héritage transmis par vos parents. Est-ce que c'est l'une des raisons pour lesquelles vous avez dit oui ?

Oui, c'est vrai que c'est une histoire qui m'a vraiment beaucoup touchée pour plein de petites choses. Par exemple, quand elle parle de la nourriture de ses parents, ce qu'ils mangeaient, et ce que nous on mange. Il y a aussi beaucoup d'espagnol même si mes parents sont argentins. Cette histoire m'a touchée. C'est marrant, tous les exilés ont quelque chose en commun, tous les migrants. C'est dur de partir, de venir faire sa vie, de s'intégrer. À la différence de Maria Larrea, je venais d'Argentine et l'Argentine, les Français adorent, ça les fait rêver. Donc, pour moi, c'était positif, "Oh, tu es née en Argentine, à Buenos Aires", alors que Maria Larrea vient d'Espagne et qu’il y avait un racisme quand même, qui est moindre aujourd'hui et elle, elle n'arrivait pas à s'intégrer. Moi, c'était cool, je venais d'Argentine.

Vous avez commencé par des courts-métrages et à un moment donné, Gérard Jugnot vous confie ce rôle dans Meilleur espoir féminin, c'est votre premier grand rôle. Vous comprenez à ce moment-là qu'il se passe quelque chose ?

Oui, je le comprends. Et les deux premières semaines sont horribles, parce que j'ai peur. J'ai tellement peur de ne pas y arriver, de ne pas être à la hauteur. Je pense que c'est ce qui a aussi plu à Gérard Jugnot. J'ai régulièrement eu dans ma carrière des moments où j'ai eu peur : Meilleur espoir féminin, OSS 117 et Le Passé. À chaque fois, j’ai redouté qu'on me dise : "En fait ça ne va pas le faire. En fait, elle n'est pas si bonne, elle manque de technique". Ce sont les trois moments de ma vie où j'ai eu peur et maintenant.

Il y a eu The Artist, personne ne croyait en ce film muet, en noir et blanc. L'homme qui partage votre vie a rencontré beaucoup d’obstacles pour réussir à imposer ce film. Comment avez-vous vécu ce raz-de-marée ?

Je n’ai pas très bien vécu le succès de The Artist, je n'avais plus d'anonymat, les gens me regardaient trop et j'étais un peu perdue.

"On ne nous apprend pas à gérer les gens qui vous aiment."

Bérénice Béjo

à franceinfo

Je rentrais le soir et je me disais : mais quelle buse, j'ai été insupportable, je n'ai pas été cool. Le gars a fait un effort surhumain pour venir me demander un autographe et je l'ai regardé genre ben non, je suis à table avec mon mec, donc là non. Je ne le fais plus du tout ! C'est fini ! Et puis c'était aussi le début d'Internet, on vous prenait en photo, ça passait partout, on ne savait pas gérer.

Le Passé est un film qui a vraiment marqué votre vie avec un réalisateur iranien qui a des choses à dire et qui les dit avec beaucoup de poésie et de dignité. Ça a été un gage de confiance pour vous ?

Ah oui, et puis surtout après The Artist. J'avais déjà travaillé deux fois avec mon homme, je me disais : les réalisateurs vont-ils venir me voir ? Ils vont dire ce faux truc de la Muse. Je ne suis pas sa muse, ce n'est pas mon mentor, je n'ai pas besoin de lui, il n'a pas besoin de moi pour s'inspirer. Et Asghar est venu me chercher. Ce qui a joué, c'est qu'on s'est vraiment parlé une demi-heure. Il m’a demandé : "qu'allez-vous faire là ?" Je lui réponds que je pars en vacances en Argentine, six semaines, avec toute ma famille. Il me dit "votre famille ?", et je lui dis : "Oui, avec mon amoureux et mes quatre enfants." Et tout d'un coup, il s'est dit : "Ah, mais elle sait", parce que dans son film, je suis mère de famille, j'ai une fille de 16 ans. Tout à coup, ça devenait possible. Avec mon petit visage qui est super, mais qui ne vieillit pas beaucoup, il y a des moments où je me disais que je n'avais plus envie de jouer les petites de 25-30 ans, j'avais envie de jouer des femmes, je sais ce que c'est qu'être une mère de famille, de vivre des sentiments, etc.

"C'est vraiment Asghar Farhadi qui m'a donné mon premier rôle de femme avec 'Le Passé'."

Bérénice Bejo

à franceinfo

Il y a une chose qui ne change pas, c'est votre regard. Il y a toujours ces petites étoiles dans les yeux. Est-ce que justement la petite fille que vous étiez, aime le parcours que vous avez eu ?

Oui ! Je crois qu'elle est bien la petite. Il faudrait que je retourne voir dans mes petits journaux intimes que j'écrivais à 11 ans. Je crois que cela démarrait toujours par : "Mon Cher Journal, je voudrais être actrice et un jour, tomber amoureuse". Bon, je crois que ça va.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.