"Je joue une grande amoureuse" : Leïla Bekhti exaucée pour son rôle dans le film "C'est mon homme"
Leïla Bekhti a obtenu le César du meilleur espoir féminin en 2011 pour son rôle dans le film Tout ce qui brille de son amie Géraldine Nakache. Une distinction rare et imprévue quand on sait qu'au départ, elle ne pensait pas un seul instant réussir dans ce milieu, ni même se lancer. Depuis, elle a déjà tourné avec Gilles Lellouche pour Le Grand Bain (2018), puis Philippe Claudel pour Avant l'hiver avec Daniel Auteuil en 2013 et Jacques Audiard pour Un prophète (2009). Des films et des rencontres, parmi lesquelles celle avec celui qui deviendra son mari, Tahar Rahim. Depuis, ils forment d'ailleurs l'un des plus beaux couples du cinéma français. Mercredi 5 avril, elle est à l'affiche du film de Guillaume Bureau, C'est mon homme. C'est un regard sur les désastres de la Grande Guerre et notamment de l'après-guerre, avec des soldats, mais aussi des familles abîmées, parfois dans l'attente du retour des leurs. Un jour, un journal publie la photo d'un soldat amnésique. Julie, qu'elle interprète, est persuadée de reconnaître son mari. Elle décide donc d'aller le récupérer.
franceinfo : Dans un premier temps, ce film montre le désespoir.
Leïla Bekhti : Le désespoir, l'attente. Je pense que c'était encore pire quand il y avait des disparus, car les familles les attendaient. Et je joue cette grande amoureuse qui attend depuis quatre ans que son mari revienne du front. Il revient enfin.
Lui va se retrouver à travers elle parce qu'ils vont retomber amoureux, un peu comme une première fois. Malheureusement, prouver l'identité d'un soldat n'est pas simple d'autant plus qu'une deuxième femme va se présenter en disant qu'elle aussi reconnaît son mari. C'est un énorme combat, c'est surtout une énorme histoire d'amour. Vous avez toujours rêvé de jouer une grande amoureuse.
Oui exactement ! Et puis j'aime ce que ce film raconte, finalement. Est-ce que c'est l'amour qui donne une identité ? Est-ce que cette quête de savoir avec qui il a envie d'être avant même de savoir qui il est, c'est un peu ça l'amour ? Ou en tout cas, c'est ce que Guillaume a essayé de raconter dans son film.
C'est un film sur l'identité avec, au cœur, des photos. Le studio photo devient à un moment donné le théâtre de la mémoire. Je voudrais qu'on s'arrête sur une photo de famille, la vôtre. Vous êtes née d'une famille originaire de Sidi Bel Abbès, dans l'ouest de l'Algérie. Cette famille, c'est votre base, c'est votre essentiel, c'est votre oxygène. C'est ce qui vous permet de garder les pieds sur terre, de ne pas vous perdre ?
"Ma famille, c'est ma colonne vertébrale."
Leïla Bekhtià franceinfo
C'est plus qu'un socle, c'est ma chance. Et puis il y a aussi la famille que je me suis créée, mes enfants, mes amis. C'est une famille que je me suis choisie. C'est très, très important pour moi parce que quand il y a des jours avec, c'est mieux de partager et quand il y a des jours sans, le problème est un peu moins lourd à porter. Donc c'est merveilleux d'être bien entouré.
Enfant, le magazine Casting vous permet de rêver, en silence, à ce métier. Finalement, il vous a toujours attirée comme un aimant.
J'étais fascinée par la télé quand j'étais petite. Pour moi, c'était inatteignable, donc l'idée de me dire que de toute façon, ça n'arriverait pas, n'était pas triste. Et puis quand c'est arrivé, je me suis rendu compte à quel point ce métier pouvait me remplir à plein d'égards.
Ce qui est étonnant, d'ailleurs, c'est qu'il a fallu des amis, un frère, pour vous convaincre d'aller vous présenter à un casting. Vous démarrez avec un film d'horreur en 2006, Sheitan. Ce film a cartonné, il a été interdit aux moins de seize ans. C'était une évidence, déjà, quand vous avez obtenu le rôle et par la suite, quand vous êtes arrivée sur le lieu de tournage ?
Moi, je m'y sentais à l'aise grâce au regard que portait sur moi Kim Chapiron. J'avais le regard d'un metteur en scène, j'avais le regard d'un acteur qui s'appelait Vincent Cassel et qui a été d'une bienveillance sans nom. Sheitan, c'est comme une première histoire d'amour. Je n'oublierai jamais. C'est quand même grâce à Kim que je suis là aujourd'hui. C'est vrai, s'il ne m'avait pas donné cette chance, je ne sais pas si j'aurais continué.
Il n'y a pas vraiment de hasard dans votre parcours. Je pense notamment au téléfilm Harkis avec Smaïn (2006), qui vous replonge dans une histoire triste qui est une caisse de résonance avec celle de votre famille.
Oui, parce que je ne connaissais pas l'histoire des harkis. Ce métier, c'est une sorte de fantasme. On joue des gens qu'on ne sera peut-être jamais et du coup, il y a une espèce de grande indulgence sur la nature humaine.
"Ce métier m'apprend à être indulgente."
Leïla Bekhtià franceinfo
Vous n'avez jamais basculé du côté négatif parce que justement, vos valeurs et votre famille vous permettent de vous recentrer à chaque fois.
Oui et franchement, je vais être hyper honnête, ce n'est même pas un effort, c'est juste normal. Ce métier est très important pour moi. Maintenant, je sais à quel point j'ai une chance incroyable. Elle peut s'arrêter du jour au lendemain. On fait un métier où le désir est primordial et c'est pour ça que ça peut être très violent parce qu'un jour, le téléphone ne sonnera peut-être plus. Il n'y a rien qui justifierait que je pète un plomb ou que je me prenne pour ce que je ne suis pas. Quand les caméras s'éteignent, en tout cas, je ne continue pas de jouer un rôle, sinon, ce serait très fatigant pour les autres et pour moi.
Au fil du temps, vous êtes devenue l'un des visages du cinéma français sans jamais renier vos origines, votre double culture, sans jamais vous abstenir aussi d'aborder ce qui vous touche et donc ce qui semble vous tenir à cœur. Est-ce que vous êtes fière de la femme que vous êtes devenue aux yeux du grand public ?
En tout cas, ce que je me disais le 7 février 2006, date de mon premier jour de tournage sur Sheitan, c'était de faire ce métier avec intégrité. C'est viscéral pour moi. J'ai besoin de faire ce métier en me disant que personne ne prend la place de personne. C'est vraiment important de le faire bien. Là, j'espère qu'à travers l'écran, les gens voient à quel point c'est sincère et à quel point ça me touche et que je m'amuse aussi vraiment beaucoup.
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