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Muriel Robin : Aller chercher la douceur en soi "cela prend une vie, cela m'a pris 35 ans"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, l’actrice, humoriste et scénariste, Muriel Robin. À partir du 21 septembre 2023, elle sera sur scène aux côtés de Pierre Arditi dans la pièce "Lapin" de Samuel Benchetrit au Théâtre Edouard VII à Paris.
Article rédigé par Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Muriel Robin au Festival de la Fiction, à La Rochelle (Charente-Maritime), le 18 septembre 2021 (FRANCK CASTEL / MAXPPP)

Muriel Robin est ce qu'on appelle une touche à tout. À la fois actrice, humoriste, metteure en scène, réalisatrice, elle a très tôt aimé faire rire. Au départ, il y a eu le cours Florent, puis le Conservatoire national supérieur d'art dramatique de Paris, où elle va trouver l'un de ses maîtres, Michel Bouquet. C'est au Petit Théâtre de Bouvard qu'elle va faire ses classes, avant d'être repérée par le grand public dans l'émission La Classe, diffusée sur France 3. Impossible de ne pas parler de la rencontre avec Pierre Palmade qui va donner naissance à son premier spectacle solo, Les majorettes se cachent pour mourir (1988), qui va la propulser sous les projecteurs. Suivront : Un point, c'est tout (1989), Tout m'énerve (1990) jusqu’à ce qu’à son tour, elle écrive et le mette en scène avec Michèle Laroque dans les spectacles Ils s'aiment (1996) et Ils sont aimés (2001).

À partir du 21 septembre 2023, elle sera sur scène aux côtés de Pierre Arditi dans la pièce Lapin de Samuel Benchetrit au Théâtre Edouard VII à Paris. L'histoire d'une amitié et d'un rendez-vous récurrent tous les lundis, soirs de relâche, où ils partagent un dîner pour refaire le monde. Mais un lundi pour la première fois, elle va se rendre compte qu’ils ne sont pas tout seuls.

franceinfo : Cette pièce, Lapin, est construite sur le thème de l'amitié. C'est ce qui vous a convaincu de dire oui ?

Muriel Robin : Oui. Et j'ai aussi découvert l'immense talent de Samuel Benchetrit. C'est-à-dire que cette pièce est très drôle, très émouvante, très profonde, très très absurde. J'adore cette pièce. Je ne donnerais ma place à personne. C'est vrai que cette pièce m'emmène exactement là où je veux aller. En fait, pour être très claire, le public comprendra j'en suis sûre, il y a Muriel Robin. Robin, c'est celle que les gens connaissent, l'énergie, presqu'une forme d'agressivité au début, enfin, quelque chose comme ça, un peu en force. Et il y a Muriel. On voit bien qu'il y a 'Miel' dans Muriel. Moi, je suis devenue Muriel, mais j'ai tout fait pour devenir Muriel. Donc j'ai besoin qu'elle existe. Et si on veut trop faire exister Robin, je ne peux pas. Je ne peux pas parce qu'elle est là, mais elle n'est plus, je suis beaucoup plus Muriel. Et alors, la pièce est parfaite parce qu'elle a un peu de Robin, mais elle a du reste aussi, de la douceur, de la féminité. Je ne pouvais pas rêver mieux. Je suis loin de Tout m'énerve parce que tout ne m'énerve plus, tout peut me faire pleurer. C'est plus doux.

La dernière fois que nous nous sommes vues, vous disiez à ce micro que vous étiez triste et déçue qu'on ne fasse pas suffisamment appel à vous alors que vous aviez envie de...

On ne fait jamais appel à moi !

Vous en êtes où aujourd'hui ? Je vous sens tellement apaisée.

Non, ça s'est arrangé. J'ai eu un peu une réponse, en fait. Je suis la seule actrice à dire et assumer son homosexualité. On va me dire qu'il y a eu Jodie Foster ! Jodie Foster était plus maligne que moi, elle a fait son coming-out il y a quelques années. Mais pendant 30 ans, on n'a pas su. Et je pense qu'en fait ça m'a complètement desservi.

"Dans le cinéma, si on n'est pas désirable, ou, pardon je vais employer un mot fort, pénétrable, on n'est pas intéressante, on reste sur le bas-côté."

Muriel Robin

à franceinfo

Moi, entre ma mâchoire carrée, mes cheveux courts, mon poids un peu parfois pas comme j'aurais voulu et surtout ça... Ça veut donc dire qu'on n'est pas désirable. C'est très violent, on ne vous veut pas. C'est très dur. Mais on n'a pas voulu de moi. Ça m'a fait beaucoup, beaucoup, beaucoup de mal. Donc je pose une question aux producteurs et aux réalisateurs : est-ce qu'il faut dire aux jeunes actrices et acteurs homosexuel(le)s que ce n'est pas la peine qu'ils s'approchent de ce métier parce qu'on ne les fera jamais travailler ?

L'humour vous a permis d'avoir cette armure, de vous protéger de ça.

Je n'ai pas fumé et bu par hasard. Alors, il y a ça plus d'autres choses, mais enfin, qu'on ne vous veuille pas, c'est très dur. Ce n'est jamais vous. On vous dit que vous êtes la plus drôle de France. Vous voyez toutes les comédies. Je ne sais pas combien de comédies par an se montent, jamais on vous propose. On ne vous veut pas, vous n'existez pas.

On a l'impression, aujourd'hui quand on vous regarde, que vous êtes allée chercher cette douceur que vous aviez enfoui en vous. Ça fait du bien de lâcher prise, d'aller chercher cette douceur-là ?

"Il faut beaucoup plus de courage pour trouver la douceur au fond de soi que pour interpréter un rôle, aussi difficile qu'il soit ou qu'il a l'air d'être."

Muriel Robin

à franceinfo

Ah oui, on est content quand on la trouve. Bon, cela prend une vie. Cela m'a pris 35 ans. C'est ce dont je suis le plus fière. Mais je savais qu'elle était dessous, elle était bien planquée. Même moi, je me suis fait avoir ! Mais à force d'enlever des peaux, des peaux, des peaux, eh bien, elle est là. Oui, c'est émouvant. Mais j'aimerais beaucoup écrire là-dessus pour pour dire aux gens : c'est possible parce que moi c'est lisible en plus, il suffit de regarder physiquement. De 1988 à aujourd'hui, on le voit bien, je suis quand même montée à 99 kilos… J'en parlais beaucoup avec mon attachée de presse et elle me disait : "Ça ne fait pas rire", mais je lui répondais : tu sais pour Noël, je ferai peut-être le quintal ! On fera une grosse fête. Ça ne la faisait pas rire du tout.

Est-ce que l'affaire Palmade n'a pas été un déclic ? Est-ce que cela ne vous a pas permis de prendre conscience qu'effectivement, l'amitié c'est quelque chose de sérieux et qu'il fallait maintenant vous entourer différemment ?

Certainement. Et tout ça, ça ne se serait pas passé comme ça, je n'aurais pas fait le travail que j'ai fait sur moi et je serais peut-être restée celle que j'étais il y a 35 ans. Infréquentable, tout le temps énervée, agressive, grosse, buvant. J'ai tellement pleuré. Donc je ne leur dirai pas merci… C'est surtout à mon épouse à qui je dirai : merci, parce que sans elle, je ne serais pas arrivée à ça.

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