Musique : "J'essaye de trouver une espèce d'équilibre dans ce déséquilibre", confie Zazie
Zazie est auteure, compositrice et interprète. Elle a grandi au son de Brassens, Brel et Barbara, qu'elle surnomme, d'ailleurs, régulièrement les trois B et qui lui ont donné envie de composer, d'écrire, mais aussi de raconter des histoires, ses histoires devenues nos histoires. Cela fait 32 ans qu'elle nous accompagne avec ses chansons dont la majorité a trouvé son public comme Zen (1995), Je suis un homme (2007), À ma place (2001), Rue de la Paix (2001), Homme sweet homme (1996), Speed (2018). On pense aussi à celles écrites pour les autres telles que Allumer le feu pour Johnny Hallyday (1998), Pomme C pour Calogero (2007), ou encore Double Je pour Christophe Willem (2007). Sa plume ne laisse personne indifférent et nous oblige à réfléchir et à penser par nous-mêmes. Elle reste rarement sèche et on en veut pour preuve la sortie de son nouvel et onzième album, ce vendredi 2 décembre 2022, Aile-P. Elle débutera une tournée le 16 septembre 2023.
franceinfo : Votre nouvel album sort aujourd'hui, êtes-vous anxieuse ?
Zazie : Oui et non. Un peu comme une mère qui lâche son enfant à la crèche le premier jour et qui n'a pas forcément très envie de le faire. Ça va mieux qu'avant. Avant, j'étais très anxieuse. Comme on essaye un peu de tout contrôler, de contrôler ce qu'on fait et d'être vraiment dans le travail, quand on ne peut plus et qu'on est obligé de lâcher prise par rapport à ça, c'est sûr que c'est un peu angoissant.
Il faut dire que quand on écrit une chanson qui s'appelle Zen, c'est quand même assez étonnant de mettre autant de temps à le devenir.
On écrit des mantras pour bien nous persuader qu'un jour, quand on sera grands, vers 90 ans, on sera vachement zen...
Votre travail d'écriture prend davantage tout son sens avec cet album. On a l'impression que vous avez toujours gardé finalement la tête dans les étoiles et les pieds sur terre. C'est ça l'équilibre ?
Oui, c'est exactement ça. J'essaye d'être la branche et l'oiseau qui est dessus et qui chante au vent. J'aime ancrer mes rêves dans les racines, dans la réalité. Ça me fait du bien. J'ai l'impression de rêver utile.
Cet album a été aussi écrit pour lutter contre la gravité...
Je pense que j'aime bien partir de la réalité. Proposer un chemin, un petit pays, aussi imaginaire soit-il, une destination, une lueur à quelqu'un, aux autres, et c'est mieux avec un point de départ. Moi, j'aime bien partir d'un réalisme, même de quelque chose d'assez cynique, assez désillusionné, parce qu'on l'est tous. Et comme tous les grands rêveurs ou les grands utopistes, je tombe de haut très régulièrement. Mais bon, c'est très bien, ça me permet d'avoir le rebond pour repartir. Je pense que je suis comme ça. J'essaye de trouver une espèce d'équilibre dans ce déséquilibre.
Le premier single, Let it shine, racontait le besoin de laisser briller et puis il y a le deuxième single Couleurs. Ce dernier est très fort parce qu'il raconte justement l'importance de se mobiliser, de réfléchir, de ne pas juger. C'est une véritable chanson manifeste. Vous retrouvez Edith Fambuena qui avait signé d'ailleurs avec vous le titre Speed. Ce titre, vous l'avez imaginé dans la foulée du mouvement "Black Lives Matters".
J'étais très traumatisée par ces images qui pourtant arrivent tous les jours. J'ai pris Floyd et Black parce que, justement, je ne voulais pas que ce soit politisé, francisé, nationalisé, parce que c'est malheureusement quelque chose qui existe partout dans le monde.
Alors peut-être que c'est l'âge qui fait que je me transforme en une mamie acariâtre. C'est juste une chanson sur les différences, la peur qu'on a des autres, sur toutes les phobies, xénophobie, homophobie. Et je pense que c'est ça le nerf de la guerre, c'est que pour de vrai, il y a plein de gens qui n'ont pas eu ni les moyens ni l'éducation d'apprendre l'autre, d'apprendre des autres, de voyager. De voir que non, ça fait peur quand on ne connaît pas, mais que quand on connaît, ça ne fait pas peur.
Ça veut dire que la musique apaise ?
Elle est vecteur d'émotions. Emotion, ça vient de mouvement. Il y a donc aussi une notion de possibilité, non pas de changer d'avis, mais de s'attendrir comme une viande qu'on aurait laissé un peu marinée. Donc moi, je crois à ça. Quand on dit que la musique adoucit les mœurs et n'empêche pas les morts, ça c'est sûr, mais je crois vraiment au pouvoir de massage de la musique dans nos cœurs.
Être artiste, c'est aussi d'évoquer à voix haute ce que les autres ne peuvent pas forcément dire, d'avoir un rôle de réflexion ?
Au début, je me disais non. Je me disais : il ne faut surtout pas confondre le fou du roi et le roi. Il doit être ridicule, se moquer de lui, se moquer de la société, agiter ses clochettes. Et donc, dans ces cas-là, on prend un risque de pendaison. Moi, j'assume ça. Oui, ce n'est pas facile, ce n'est pas une position très confortable, mais ce n'est pas non plus une mission, ni un rôle, ni une obligation. Je n'ai pas l'impression de prêcher. J'ai juste posé une question. Moi, ma prise de parole, elle est de temps en temps un peu risquée, mais elle n'est évidemment qu'en chansons.
Pour terminer, la scène va venir ponctuer et mettre en avant cet album, le présenter au public. Je crois que vous attendiez ça avec beaucoup d'impatience !
Je ne pensais pas que les gens allaient autant me manquer. Ils m'ont vraiment manquée. La scène m'a manquée. Je me suis trouvé dysfonctionnelle sans ça. Ces moments me font du bien.
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