Musique, tennis, chef de village... "C'est mon destin de rassembler", assure Yannick Noah
Yannick Noah chante, coache, fait du sport et est chef de village au Cameroun. Il est finalement inclassable, indomptable. Il est le seul sportif professionnel français à avoir réussi à construire une carrière musicale. Plusieurs générations le suivent et le soutiennent. Les anciens voient d'abord en lui, Roland-Garros et sa victoire en 1983 puis les plus jeunes le voient comme un chanteur grâce à ses albums et ses concerts depuis 1991. Aujourd'hui, le Cameroun rappelle Yannick Noah, en tant que chef de village Ce Cameroun qui lui a permis de découvrir le tennis, la musique et qu’il a été obligé de quitter, quand il avait 12 ans, pour poursuivre une carrière sportive.
On revient avec cet artiste qui aime la vie sans contraintes et qui ne fonctionne qu'à l'instinct sur ses victoires sportives, sur ses choix de vie qui lui ont permis de se créer une carrière atypique, solide, constante. Son dernier album La Marfée est sorti en octobre 2022.
franceinfo : Vous êtes chanteur, joueur de tennis, capitaine de village ou de tennis, ou même d'hommes et de femmes. N'êtes-vous pas d'abord un rassembleur ?
Yannick Noah : Je suis obligé. C'est mon destin de rassembler. Ma première chanson, la première fois que j'ai eu un papier, un stylo pour écrire une chanson, j'ai commencé par : "Hey là, le type-là. Oui oui petit blanc. Paris - Yaoundé. Connexion, mais venez", je crois que c'est à partir du moment où tu as une double culture, la première chose que tu as envie de faire... Et je vais même aller plus loin, je pense que tous les enfants ont envie de rassembler les parents. C'est un peu ça. Et puis ça devient ton moteur. Et puis voilà, chef de bande parce que j'étais le meilleur joueur de ma génération. Chef de bande, parce que Guy Forget, Henri Leconte et Arnaud Boetsch sont mes petits frères, en fait. Puis les filles Marie Pierce, Amélie Mauresmo, Sandrine Testud et enfin toutes mes copines. Quand j'ai arrêté, ils ont voulu que je sois toujours le chef de bande. Je me suis retrouvé capitaine de l'équipe de France. Mais ce n'était pas vraiment capitaine en équipe de France, c'était : "Yann viens avec nous, chef de bande comme avant". Du coup, je me suis dit : ok, je veux bien être chef de bande, et allez ! On va essayer de tout défoncer.
Est-ce que vous avez perdu pied ? Est-ce que cette victoire de 1983 vous a, à un moment donné aussi, pesé ? Vous êtes parti vivre à New York plus tard.
Il n'y a pas de Comment vivre le lendemain d'une victoire pour les Nuls ? Ça n'existe pas ce bouquin. Que se passe-t-il le jour où tu as atteint ton rêve et que tu as 23 ans ? Il y a une espèce de vide total. Et en plus de ça, les gens autour de toi ne te regardent plus de la même manière. La boulangère ne te regarde plus pareil. Du jour au lendemain, il n’y a plus de rêves, je me suis fait une belle petite déprime et avec forcément des médias qui ne comprennent pas, à ce moment-là, parce que quand tu gagnes à cette époque, tu es un des premiers à gagner et il y a un lien, c'est-à-dire que pour y arriver, s'il y avait un environnement, une culture de la gagne, les gens comprendraient qu'après une fois que tu as atteint ton objectif, il y a cette petite descente.
"Après ma victoire à Roland-Garros, j’ai eu envie de tout plaquer."
Yannick Noahà franceinfo
Je me suis dit avant d'arrêter, je vais aller à New York et je me suis installé à New York. Et là, je suis redevenu spectateur de la vie. J'ai pu regarder à nouveau les gens, j'ai pu être à nouveau Yann quoi ! Et le problème, c'est que ma victoire a été parfaite. Tu sais, j'aurais gagné, mes parents étaient au Cameroun, je me serais dit : mince, j'aimerais gagner avec mes parents, mais ils étaient là. Oh, j'aimerais bien gagner quand il fait beau. Il faisait beau à Paris, à Roland, avec tout le monde et papa qui arrive en plus qui met cette touche d'émotion incroyable. Je ne pouvais pas rêver mieux, même quand je rêvais, môme de ma victoire, elle n'était pas aussi belle...
Vous allez arrêter votre carrière de joueur en 1991 avec 473 victoires, 208 défaites. Vous allez très vite vous reconvertir. Impossible pour vous de rester à ne rien faire. Vous allez devenir capitaine de l'équipe de France de Coupe Davis. La France n'avait pas gagné depuis 59 ans et là, vous allez remporter le trophée en 1991 avec Guy Forget et notamment Henri Leconte. Cette coupe Davis a aussi marqué l’histoire du sport français, l’histoire du sport mondial tant il y avait une ambiance euphorique, quelque chose d’extraordinaire !
Agassi, Sampras. C'est certainement la meilleure équipe de tous les temps. On n'a pas juste battu les États-Unis, on a battu la meilleure équipe de tous les temps ! On les a battus, on les a fourrés et c'était puissant. C'était vraiment puissant parce qu'on savait que c'était une montagne en face et les gars font un match techniquement parfait, tactiquement quasi-parfait, mentalement, parfait. Un public parfait, tout était aligné. Un de ces ingrédients n'était pas à 100 %, ça ne marchait pas. Zéro fausse note, on n'avait pas le droit de toute façon. C'est fort de vivre ça.
Au moment de la victoire, vous chantez Saga Africa. Il y a effectivement cette chenille qui se met en place, vous vous mettez les uns derrière les autres et vous avec le micro. C'est à ce moment-là que l'aventure avec la musique démarre avec le public.
On avait fait un rassemblement après le deuxième tour en Floride et moi, je suis capitaine et je pars au mois d'avril à la Guadeloupe pour tourner un clip d'une chanson qui va sortir l'été, elle s'appelle Saga Africa. On fait le clip. Tout l'été, on est numéro un et puis moi, j'essaie de séparer les deux. Et puis on gagne. Et là, les potes arrivent autour de moi et là, ils me disent : "Allez, descends" et je descends, "Yann fait une Saga", je dis : ah non et là je commence. Et c'est marrant parce que ce n'est pas un micro pour chanter, il y a donc une espèce de délai entre le moment où je chante et les gens y répondent.
"C'est un moment tellement beau d'avoir la France qui gagne la Coup Davis et qui chante 'Saga Africa'. Pour moi, tout aurait pu s'arrêter à ce moment-là."
Yannick Noahà franceinfo
C'est la plus belle image que j'ai de toute ma vie. On joue la meilleure équipe de tous les temps en Coupe Davis, on joue en France, la France gagne après 59 ans et le public chante Saga Africa, si elle n'est pas belle cette France ! Mais je l'ai tellement aimée. C'est ma plus grande fierté.
Yannick Noah sera le 31 juillet 2023 au Festival Game of Trees aux Orres et le 10 septembre à Comines dans le cadre du Lys Festival.
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