Cet article date de plus de trois ans.

Olivier Mazerolle sur le suicide de Pierre Bérégovoy : "Je voyais bien à quel point on abîmait le bonhomme"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd'hui, le journaliste et éditorialiste politique Olivier Mazerolle pour son livre autobiographique : "La curiosité est un défaut impardonnable" aux éditions de l’Archipel.

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5 min
Olvier Mazerolle à Paris le 4 avril 2016, animant une journée de réflexion sur l'islamisme et le populisme (AURELIEN MORISSARD / MAXPPP)

Olivier Mazerolle, c’est 60 ans de carrière au compteur. Indissociable de l’émission 100 minutes pour convaincre sur France 2 entre 2002 et 2005, il a été à la tête de nombreuses rédactions, a participé à la création de nouveaux médias, a reporté de nombreux évènements à la télévision, à la radio mais aussi dans la presse écrite. On connaît moins le chemin qui l’a mené jusqu’à ses diverses fonctions.

Et c’est au micro d’Elodie Suigo qu’il revient sur sa rencontre avec le journalisme. Il n’a que 8 ans, il visite un voisin de son immeuble parisien, qui le voit poser les yeux sur son journal : "À un moment donné, il me montre le journal et me dit : 'Tu sais faut jamais croire ce qu’ils écrivent ils mentent'. Vous savez à 8 ans il y a un réflexe : des menteurs qui sont connus, c’est formidable ! C’est évidemment le contraire de ce que m’on apprenait puisque le mensonge est un vilain défaut comme chacun le sait. Et donc j’ai été voir le journal qui était sur une table".

Ma mère a fini par consentir à me donner la page des sports. Donc j’ai commencé à lire le journal par la page des sports.

Olivier Mazerolle

à franceinfo

Dans son livre, on apprend que le père d’Olivier Mazerolle décède alors qu’il n’a que 15 mois et que c’est sa mère, libraire, devenue malgré elle cheffe de famille, qui prend à bras le corps son éducation. Elle lui donne le goût de voyager, de découvrir, d’aller chercher de l’information et de la vérifier. Il grandit avec une famille éparpillée dans le monde avec des oncles et tantes résidant en Afrique, au Maroc ou encore en Belgique. Cette passion pour l’ailleurs fait qu’il n’est pas bon élève : "Par rapport à ça, l’école n’était pas très passionnante". C’est avec humour qu’il confirme qu’il n’était donc pas un très brillant élève : "J’ai quand même réussi à aller jusqu’en 3ème donc quand même il fallait apprendre un peu" et il obtient son BEPC (brevet des collèges) de justesse.

De la chronique judiciaire au service politique

Il débute comme coursier à vélo (une de ses passions) pour un mensuel féminin dans lequel il peut assister aux conférences de rédaction et observer les mécanismes journalistiques. Ce mensuel se trouve être logé dans le même immeuble que le quotidien France Soir. L’occasion pour lui de croiser les journalistes qui y travaillent, d’échanger avec eux. Il est embauché au service judiciaire comme assistant pour un journaliste de renom, Serge Bromberger, qui lui apprendra toutes les ficelles du métier et surtout à avoir une orthographe impeccable : "Et je lui suis extrêmement reconnaissant".

C’est mai 68 qui le fait se tourner vers le journalisme politique, alors qu’il travaille pour Europe 1 : "Ça a été un grand moment tout simplement parce qu’on était amenés non seulement à aller dans la rue, faire des reportages, à voir ce frémissement, ce bouillonnement de la société à l’époque mais on fréquentait aussi des politiques".  Il découvre l’envers du décor avec une collaboratrice de Georges Pompidou qui ne le connaît pas mais déverse son fiel, hors micro, sur le général De Gaulle qu’elle traite de "sénile, incapable de comprendre la société française". Olivier Mazerolle découvre ce jour-là que parfois la fracture est grande entre un président de la République et son Premier Ministre.

Je me dis que j’ai eu une chance formidable en tant que journaliste, c’est que j’ai vécu beaucoup d’évènements et dans une génération qui a connu tout ce qui fait l’époque d’aujourd’hui.

Olivier Mazerolle

à franceinfo

Parmi les évènements qui l’ont touché pendant ses 60 ans de carrière, il en est un dont il garde un goût amer : le suicide de Pierre Bérégovoy. Ce dernier, Premier Ministre sous la présidence de François Mitterrand, est rattrapé par une information donnée par Le Canard Enchaîné et se retrouve dès lors soumis à un incessant questionnement par les médias : "Il y a des questions qui sont inévitables. Dans le cas de Pierre Bérégovoy, c’était le prêt qu’un ami de Mitterrand lui avait fourni, prêt à taux 0 pour l’achat d’un appartement. Il se trouve qu’il a été également ministre de l’Economie et des Finances. Et donc, à chaque émission on lui posait des questions pour ce prêt, il se défendait en disant qu’il l’avait remboursé. On ne pouvait pas ne pas poser la question parce que sinon on apparaissait comme étant serviles devant lui".

"Je voyais bien à quel point on abîmait le bonhomme", reconnaît pourtant Olivier Mazerolle. Un mois après avoir démissionné, Pierre Bérégovoy met fin à ses jours (le 1er mai 1993) et "je n’ai pas pu m’empêcher de me dire 'mais dans le fond, dans ce monde médiatique, politique et journalisme confondus, est-ce qu’il n’y a pas trop de brutalité ? Est-ce que finalement on n’est pas prisonnier d’un rite qui conduit à ça ?' Franchement c’est quelque chose qui me hante, de ne pas aller trop loin tout en faisant le boulot" 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.