"On peut décider de ce qu'on achète ou pas" : Édouard Bergeon appelle au sursaut citoyen avec son nouveau film "La Promesse verte"
Édouard Bergeon est réalisateur et fondateur de la chaîne aunomdelaterre.tv créée pour soutenir le monde agricole, le bien manger et la ruralité. Au nom de la terre, c'est aussi son premier long-métrage qu'il a réalisé en 2019, inspiré de sa propre histoire familiale, avec Guillaume Canet dans le rôle principal. Mercredi 27 mars, Édouard Bergeon sort son nouveau film : La Promesse verte, avec Alexandra Lamy. L'histoire du combat d'une mère pour sauver son fils, condamné à mort en Indonésie pour trafic de drogue. Des accusations à tort, orchestrées par un gouvernement engagé la production d'huile de palme et la déforestation.
franceinfo : Ce film est né après la lecture d'un article pendant le tournage d'Au nom de la terre. Que disait cet article ?
Édouard Bergeon : Pendant le tournage, je pensais déjà au film suivant et je suis tombé sur un article de presse qui racontait une manifestation d'agriculteurs comme celles qu'on a vues il y a un ou deux mois sur les routes de France. Un agriculteur évoquait les problèmes de revenus, mais il disait aussi : "N'importons pas du bout du monde ce dont on ne veut pas chez nous". Et en l'occurrence, là, c'était : "N'importons pas de l'huile de palme qui vient d'un d'Indonésie et de Malaisie, alors que nous, on a été encouragés, il y a une trentaine d'années dans la culture de colza pour faire du biodiesel." Comme mon père l'avait été. C'est là que ça reprend le côté personnel. C'est là que je me suis dit : les agriculteurs français vont être encore les dindons de la farce. Et il y a le début d'un film qui peut naître.
Vous nous livrez aussi un message politique à travers un drame humain. J'ai l'impression qu'on est encore en réponse au Nom de la Terre.
On est petit, mais on peut faire bouger les choses. Retourner les étiquettes, c'est devenir "consom'acteur" : on peut décider de ce qu'on achète ou pas. Moi, je ne mange pas de l'huile de palme. On a un bulletin de vote qui est notre carte bleue, en achetant ce qu'on veut ou pas. On peut voter, aussi, pour des hommes ou des femmes politiques qui peuvent changer les choses – parce qu'on peut faire changer les choses. L'incorporation d'huile de palme dans les biocarburants a été interdite par le Conseil d'État en 2019 en France. Avec des ONG, des politiques qui jouent le jeu, on peut faire bouger les choses, et heureusement ! Mon film parle de déforestation, mais délivre quand même un message positif : quand on se bat, on peut faire bouger les choses.
Le point de départ, c'est Au nom de la Terre, c'est votre histoire familiale avec le décès de votre père. Il y a un paysan qui se suicide chaque jour en France. C'est aussi un hommage que vous lui rendez ? C'est aussi une façon de continuer à le faire vivre ?
Oui, bien sûr ! Ce sont les valeurs qu'il m'a transmises. Mon père était déjà un voyageur. C'est un hommage dans mon travail. Et puis dans ce deuxième film, La Promesse verte, c'est peut-être plus un hommage à ma maman, parce que c'est le rôle d'une héroïne. Alexandra Lamy joue une combattante du quotidien qui ne lâche rien. En fait, cette maman est démunie. Ça pourrait être vous, moi, un papa, on est tout petit face à un grand système. Mais par amour pour son fils, elle va déplacer des montagnes. Il y a donc beaucoup de ma maman dans ce personnage et je pense qu’il y a aussi un peu de moi dans le fils, Martin. J'en ai fait un étudiant qui va voir les ravages de la déforestation et c'est vrai que pour avoir parcouru les forêts amazoniennes, c'était important pour moi de raconter la déforestation et ces océans de palmeraies.
"Quand on est au milieu de ces océans de palmiers, on n'entend plus rien, il n'y a plus de vie alors que dans une forêt primaire, c'est très bruyant. C'est beau, c'est une symphonie."
Edouard BergeonLe monde d'Elodie
Petit garçon, vous avez été élevé dans cette ferme du côté de Poitiers. À quoi ressemblait votre enfance ?
C'était génial de grandir au milieu du vivant, de la nature, des animaux. Quand je suis arrivé à Paris et que je suis devenu journaliste, j'avais plein de gens bardés de diplômes autour de moi. Moi, ce n'était pas le cas, mais j'avais un bac+15 en agriculture ! C'était ma manière de dire que je connaissais plein de choses dans le concret du quotidien, parce qu'il ne faut pas oublier qu'un agriculteur travaille entre le ciel et la terre, il est vulnérable, il doit s'adapter tous les jours. Et même si elle m'a pris une vie, une vie importante, l'agriculture m'amène beaucoup tous les jours. Tout ce qu'on a sur la table, ce qu'on mange, ce qu'on boit... C'est infini.
Je voudrais que vous répondiez à l'article de Télérama, paru le 20 mars. Vous y êtes présenté comme "un défenseur du monde agricole aux méthodes contestées". Avec Antoine Robin, le producteur du film Au nom de la Terre, vous êtes montrés du doigt pour des méthodes un peu compliquées sur des tournages...
Je ne veux pas commenter des commérages.
C'est quand même important d'en parler.
Non, pas du tout.
On vous reproche, notamment, de faire des films publicitaires.
Vous ne parlez pas du papier des Échos de ce week-end où je raconte tout ce que je fais, justement, avec Auchan, notamment, qui fait un euro supplémentaire pour l'association dont je suis le parrain, Des Enfants et des Arbres ? En fait, il faut bien imaginer que la grande distribution – pour parler de cette enseigne exactement, il y en a d'autres qui jouent le jeu –, si elle n'existait pas, il n'y aurait plus d'agriculture en France. Quelque 85% des Français font leurs courses, vous savez où ? Dans la grande distribution. J'ai même réalisé un film publicitaire pour Auchan l'été dernier qui s'appelle "Le pouvoir d'acheter des Français". Voilà. Et de ne pas acheter ailleurs.
Ces accusations vous affectent ?
Il n'y a pas d'accusations, donc je ne vais pas commenter des commérages.
C'est quand même un article de Télérama.
Et alors ? Je ne sais pas qui est Télérama.
Que représente ce film dans tout ce travail que vous avez déjà commencé ?
Moi, je ne suis pas là pour être procureur ou pour dire : "yakafokon". Il y a plein de gens qui s'en occupent très bien, notamment le papier que vous citez.
"Je suis là pour témoigner avec ma caméra, mettre un regard et valoriser celles et ceux qui nous nourrissent et créer des ponts plutôt que de créer des fossés."
Édouard Bergeonà franceinfo
Quelle est la suite ?
Les vacances et lire un bon Télérama.
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