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Patrick Coutin : "Je crois que je suis un artiste, ce qui m'amuse c'est de faire de l'art"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd'hui, Patrick Coutin.

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 7min
Patrick Coutin sur scène à Nancy le 15 mars 2019 (ALEXANDRE MARCHI / MAXPPP)

Le chanteur, producteur et écrivain Patrick Coutin dont le titre J’aime regarder les filles trotte encore dans toutes les têtes 30 ans après, publie Jim Morrison et les Doors aux éditions Gallimard et sort un tryptique : Coutin Paradise. Tout en préparant une prochaine tournée.

Elodie Suigo: Vous publiez une biographie Jim Morrison et les Doors, vous allez partir en tournée et sortez un nouvel album qui s'appelle Coutin Paradise. Dans tous vos domaines de prédilection, il y a toujours de la musique.

Patrick Coutin: C'est un peu ce qui m'a sauvé. Je suis d'une génération qui a été soit tuée soit sauvée par la musique. J'avais 18 ans en mai 68, on sortait d'une période troublée, très politisée, un peu désespérée. Le rock est arrivé comme une espèce d'alternative pour changer le monde, on s'est trompés d'ailleurs. Et moi qui étais un militant assez acharné, qui faisait de la philo à la Sorbonne, c'était le pire endroit pour devenir adulte. La musique m'a sauvé en fait.

Il n'existe quasiment rien sur votre enfance. Pourquoi?

Il n'existe pas grand-chose sur moi, personnellement. C'est à la fois une très belle enfance et une enfance qui a un peu de douleur parce que mon frère est mort quand j'étais jeune. Mais j'ai eu une enfance avec des parents fantastiques. Un père qui était un militaire de carrière mais qui était un ancien coco donc qui avait une très haute idée de ce que c'était que la liberté, de ce que c'était que l'égalité entre les gens, le respect de l'autre, etc. Une mère d'origine tunisienne avec une culture à la fois judaïque et en même temps très arabisante parce qu'à l'époque tout le monde vivait ensemble. Mais j'ai aussi appris très jeune, une forme de pudeur personnelle où on ne raconte pas sa vie.

Vous rêviez à quoi, enfant?

Enfant, je voulais être écrivain et je voulais être philosophe.

Vous vouliez être Jack Kerouac.

J'aurais même voulu être Karl Marx pour être parfaitement honnête ou quelque chose comme ça.

Quand on dit Patrick Coutin évidemment on pense à J'aime regarder les filles. On est en 1981, c'est un tube qui va faire vraiment le tour du monde. Elle est née où cette chanson et comment?

Elle est née à Hérouville où on avait été invités à faire des maquettes et donc on était partis à Hérouville pour une journée, on y est restés quinze jours ou trois semaines, longtemps en tout cas. Être à Hérouville à cette époque, c'était un miracle. Il faut savoir que c'est le plus grand studio du monde et nous, on était là comme trois petits banlieusards qui, avions un super producteur, les plus beaux matériels. Mais malgré tout dans cette solution, un jour il y a eu la frustration et je me suis dit: "Mais moi, je n'ai pas du tout envie de faire chanteur. Moi, je veux être au bord de la plage et regarder les filles".

Je suis un beatnik dans le sens où je n'ai pas le sens de la possession par exemple. J'ai un immense sens de traîner et de travailler en même temps, je suis quelqu'un qui croit aux voyages, qui croit au bouddhisme.

Patrick coutin

à franceinfo

Vous publiez une biographie de Jim Morrison et les Doors aux éditions Gallimard. C'est vrai que c'est très documenté, on sent qu'il y a une énorme passion qui s'est créée entre vous et Jim Morrison.

C'est une immense histoire les Doors, cinq ans qui ont presque changé l'histoire de la musique. Je me suis rendu compte que c'était passionnant et ça m'a replongé dans mes premières amours, mon adolescence, mais aussi dans ce qui m'a fabriqué c'est-à-dire la Californie de cette époque avec toutes les idées comme l'écologie, l'égalité entre les cultures et les sexes, etc. et les questions qu'on se posait.

J'ai l'impression que Jim Morrison est une vraie caisse de résonance pour vous dans ce qu'il était, dans ce qu'il incarnait, dans sa rébellion.

Oui, ça représente pour moi le chanteur de rock idéal avec tous les défauts du chanteur de rock idéal mais c'est quelque chose d'assez sympa Morisson parce que c'est un gars qui se rêve en star. C'était un mec très intelligent, 150 de quotient intellectuel, capable d'apprendre un bouquin par cœur, littéralement en deux jours. Il se rêve en rock star, il devient, il se fabrique la rock star la plus emblématique du moment. Il a à peine réussi à faire ça qu'il veut redevenir cette espèce de lumière, parce que lui rêvait d'aider les gens donc il s'engage contre le Vietnam, il s'engage dans un tas de causes qui étaient les causes de l'époque mais très fort.

En même temps, il y a une révolte chez lui qui est peut être aiguillée par le fait que son père était amiral, c'est le plus jeune amiral de l'armée américaine, c'est le mec qui a déclenché la guerre au Vietnam. Donc il a cette espèce de révolte totale et au moment où il décide de faire marche arrière, c'est-à-dire qu'il ne veut plus être une rock star, il veut devenir un chanteur et un poète, je pense qu'il se rend compte que c'est trop tard, il ne sera jamais un chanteur et un poète. Il est malade.

Indiscutablement, il a trop bu ce garçon. Il est mort. Tout ça en cinq ans, avec quand même beaucoup de dignité, beaucoup de férocité aussi, en étant la cible principale des flics américains et accessoirement, c'est un grand poète.

Quel regard vous avez sur votre parcours dans ce métier parce que vous avez également été producteur?

J'ai le regard de quelqu'un qui a fait ce qu'il a voulu. Quelquefois j'ai fait des erreurs, quelquefois j'ai bien fait. C'est horrible de dire ça mais je suis plutôt content de moi. Non, c'est un peu fade, c'est prétentieux... mais je suis content de la vie que j'ai vécue. Je trouve que j'ai eu une vie extraordinaire et elle continue d'ailleurs.

Vous avez pour habitude de vous poser un peu ou pas, de profiter de ce qui vous arrive? Parce qu'il y a beaucoup de choses, tout le temps.

Je me pose quand je fais du bateau. Quand je vais à Sète mais même sur le bateau, je suis tout le temps actif. Mais je ne suis pas actif comme un dératé, je prends ma guitare, je joue pendant une heure après j'écris un peu, je vais voir un copain, je parle. Oui, il faut que ça bouge c'est clair.

Pour terminer. Comment vous définiriez-vous?

Je crois que je suis un artiste. Au fond, ce qui m'amuse, c'est de faire de l'art.  

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