Peter Doherty : "Je ne pensais pas être suffisamment fort pour me sortir" de l'addiction

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Lundi 19 février 2024 : l’artiste britannique Peter Doherty. Il vient de publier ses mémoires et un documentaire diffusé lundi sur Canal+, "Stranger in My Own Skin", qui retrace son parcours durant sa cure de désintoxication.
Article rédigé par Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Le chanteur Peter Doherty, lors de la première du documentaire "Stranger in my own skin", à Barcelone, le 28 octobre 2023. (EUROPA PRESS NEWS / EUROPA PRESS)

Peter Doherty est un artiste à part, instinctif, fragile. En 1997, il a fondé avec Carl Barât, le groupe de punk rock The Libertines, mais son addiction aux drogues dures l'a séparé d'eux. Au fil du temps, il a sombré dans une dépendance indéfectible, mais sa moitié et son entourage l'ont convaincu de suivre une cure de désintoxication. Ce qu'il a fait. Ça s'est passé en Thaïlande. Le documentaire de sa compagne Katia de Vidas, Stranger in My Own Skin diffusé sur Canal+ raconte ce parcours du combattant qu'il a mené. L’auteur, compositeur et interprète britannique vient tout juste de publier ses mémoires : Un garçon charmant, aux éditions du Cherche-Midi.

franceinfo : Comment avez-vous vécu la diffusion de Stranger in My Own Skin, qui retrace dix ans de votre vie ?

Peter Doherty : La première fois que j'ai vu ce documentaire, je me suis dit que ce n'était pas très plaisant pour moi. Je ne dis pas qu'il ne faut pas que les autres aient la même expérience que moi parce que je suis là pour promouvoir ce documentaire, mais d'un point de vue personnel, c'était un petit peu trop stimulant. Il y avait trop de stimulation pour moi.

Êtes-vous fier de vous en être sorti ? Ce documentaire, c'est d'abord un film qui est basé sur l'espoir et la possibilité de s'en sortir.

L'addiction, c'est quelque chose de très compliqué. En fait, on n'arrête pas de se tromper soi-même. Et quand on se trompe soi-même, la forme la plus aboutie de ça, c'est de ne pas savoir quand on se trompe. On ne se voit pas en train de gâcher sa vie. 

"Je ne pensais pas être suffisamment fort pour m'en sortir, mais c'est une bataille au long cours."

Peter Doherty

à franceinfo

Fier, oui bien sûr. C'est difficile de décrire ce que l'on ressent. Il y a de la souffrance, des déséquilibres.

Vous avez vécu dans une caserne militaire avec des barbelés. Vous étiez enfermé en dehors des réalités. Vous n'aviez pas le droit de dire que votre père était militaire. C'est une souffrance, finalement, qui est un peu le point de départ de cette envie de sortir de ce manque de réalité.

Pendant quelques années, peut-être jusqu'à l'âge de 13 ans, je dirais que j'étais discipliné, obéissant, mais je ne connaissais que cette vie et j'étais pas mal obsédé par les livres, la poésie notamment. En vieillissant, il a fallu que je me tourne vers moi-même parce qu'il fallait que je prenne conscience du monde autour de moi et je ne pouvais pas y accéder. Je ne pouvais pas accéder à une vie normale. Mais quand on a l'amour de la musique ou de la littérature, peu importe le lieu où l'on se trouve, la mer finira par vous trouver.

Je voudrais qu'on parle de cette addiction parce que ce que montre aussi ce documentaire, c'est à quel point l'addiction est quelque chose de particulier. On ne comprend pas, on n'a pas le temps finalement de comprendre qu'on va devenir addict. C'est ça aussi que raconte ce documentaire, c'est qu'il ne faut absolument pas y toucher ?

C'est le message clé. C'est comme si on se jetait à corps perdu dans l'inconnu. Alors ça, en soi, c'est excitant ! Mais mon obsession est née avant même que je ne connaisse l'héroïne. Le fait d'avoir de l'héroïne, c'est vachement bien parce que parfois, c'est quand même difficile d'obtenir ce que l'on veut. Le fait de l'avoir dans la poche sans pour autant s'en servir, ça, c'est parfois excitant.

Vous dites que les rêves que vous procuraient ces drogues devenaient souvent des cauchemars et qu'il ne faut pas tomber.

Quand j'avais de la fièvre, enfant, j'avais des hallucinations. C'était terrifiant, mais très intéressant. De temps en temps, je voulais tomber malade pour avoir ces hallucinations.

"Je n'ai pas perdu cet intérêt pour les hallucinations, ce besoin de me retirer de moi-même et de vivre des parcours incroyables en dehors du corps."

Peter Doherty

à franceinfo

Pour terminer, je voudrais qu'on évoque la collaboration avec Frédéric Lo parce qu'on en voit aussi un petit bout dans ce documentaire. On sent que c'est un passage de votre vie.

Au moment de notre rencontre, j'étais clean depuis très très peu de temps. En réalité, je n'avais aucune envie de faire ça parce que j'étais dans un état de fatigue. Et Fred a débarqué un jour avec sa guitare et puis on s'est dit :"Allez, on va faire des chansons". Il m'a joué une mélodie et on a fait un album. C'était tout simple, c'était naturel, ça coulait de source. Grand plaisir. J'ai adoré. Et d'ailleurs, on a de nouvelles chansons à venir comme La Ballade de Rosa Luxembourg qui va arriver, mélodique, une atmosphère bien particulière, un truc un peu à la Doherty !

Retrouvez cette interview en vidéo :

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