"Pour construire le futur", Julie Gayet imagine le festival Sœurs Jumelles, une rencontre entre musique et image
Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, la comédienne et réalisatrice Julie Gayet.
Actrice, réalisatrice et productrice, Julie Gayet se fait connaître du grand public avec le film de Dominique Farrugia : Delphine 1 - Yvan 0 en 1990. Elle est nommée aux César de la meilleure actrice dans un second rôle pour Quai d'Orsay de Bertrand Tavernier en 2014.
Ses premiers grands rôles, c'est Agnès Varda qui les lui confie et c'est dans la maison de la photographe, réalisatrice de cinéma disparue en 2019 que Julie Gayet nous reçoit pour parler du festival Sœurs Jumelles qu’elle a imaginé. Trois jours de rencontres professionnelles mêlant la musique et l’image du 23 au 25 juin à Rochefort.
franceinfo : Si je vous dis Les cent et une nuit de Simon Cinéma, à qui pensez-vous ?
Julie Gayet : À Marcello Mastroianni, à Michel Piccoli, à Mathieu Demy et 'ma' Agnès Varda. Et de revenir, puisqu'on est chez Agnès Varda, rue Daguerre à Paris, c'est très émouvant pour moi, d'être là, car c'est vraiment la famille.
Alors nous sommes là parce que vous venez de créer Sœurs jumelles. C'est une rencontre entre la musique et l'image, soit trois jours 23, 24 et 25 juin prochain, à Rochefort. C'est un moment pluridisciplinaire, ce qui vous correspond, vous définit aussi un peu.
J'aime bien faire se rencontrer des mondes qui ne se rencontrent pas.
Julie Gayetà franceinfo
J'aime bien fédérer. J'aime bien réconcilier. Parler, échanger pour construire le futur. On sort d'une période difficile. On s'est tous vus par Zoom et ce matin, en faisant cet 'inside project' du camion de JR qui va partir de la rue Daguerre, en face de chez Jacques Demy et d'Agnès Varda, pour aller à Rochefort, il y avait plein de gens qui disaient : "Ah, ça fait du bien de te voir en vrai".
Comment est né ce projet de festival Sœurs Jumelles ?
Pendant le premier confinement, c'était très dur. J'ai vu ma petite société de production qui coulait un peu. Pour les indépendants, c'était vraiment très difficile et de voir arriver cette révolution 'numérique', il fallait se demander ce qu'allait être 'demain' pour nos mondes. Peut-être qu'il fallait qu'on en discute.
Vous êtes née dans la musique, le chant lyrique en particulier. C'est vraiment quelque chose qui vous a accompagné pendant très longtemps. On se demande pourquoi vous n'avez pas choisi la musique ?
C'est vrai. J'ai commencé très jeune. C'est magique, le chant, c'est une transcendance, il y a quelque chose de merveilleux. Physiquement, on est son instrument qui vibre. J'ai adoré, mais j'étais plus fascinée par des chanteuses qui interprètent, qui vont très loin dans l'émotion. Un jour, j'ai eu envie de plus d'émotions et je me suis rendu compte qu'on ne pouvait pas chanter et pleurer. Mon professeur de chant m'a dit : "Là, c'est de l'interprétation. Il faut aller dans un cours de théâtre". Il y en avait un, à côté. J'ai ouvert la porte et puis là, j'ai eu une révélation. Je me suis dit, c'est ça que je vais faire.
Comment étiez-vous, enfant et adolescente ? Étiez-vous timide ?
Oui. J'étais plutôt timide. J'ai, à la fois, c'est marrant, toujours fédéré autour de moi. Au collège, j'ai dû être déléguée de classe tous les ans. Et pourtant, j'étais plutôt celle qui était un peu seule. C'est très étrange, cette position un peu timide, un peu en retrait, mais qui a envie que les gens se retrouvent. Je crois que ça, c'est vraiment moi.
A quoi rêviez-vous alors ?
De redonner ce qu'on m'a donné. J'ai eu tellement de chance d'avoir des parents et d'être dans une famille privilégiée, heureuse, que j'ai toujours eu envie de redonner tout ça.
Je rêvais de ce que, peut-être, aujourd'hui j'ai cette chance d'avoir : des enfants magnifiques, un métier que j'aime et d’être avec un homme que j'aime.
Julie Gayetà franceinfo
Votre maman était antiquaire et votre papa, chirurgien digestif. Vos premiers pas d'actrice finalement, vous les faites à l'hôpital lorsque vous accompagnez votre père. Vous vous rendez compte qu'il y a certains patients qui sont seuls et vous allez un peu faire le clown dans les chambres.
Mon père m'expliquait que certains malades ne recevaient jamais de visite. Jamais. Et je trouvais ça terrible et me disait mais comment ça ? Moi, je vais venir faire la visite. J'étais petite, j'avais sept, huit, neuf ans et donc j'ai toujours eu cette conscience de la finitude, de la chance d'être là et qu'il fallait que je redonne.
Ce qui est marrant, c'est que vous faisiez un peu clown à l'hôpital et qu'ensuite vous avez travaillé chez Fratellini. Il y a toujours un lien avec l'univers circassien !
Ce que j'ai aimé dans le cirque, c'est l'idée qu'on puisse briller, faire ses numéros, vraiment le show, le spectacle. C'est qu'on se cache derrière un personnage et on vit une vie qu'on ne vivrait pas, la timide qui est derrière le rôle. Et juste après, on vend les crêpes à l'entracte, on défait le chapiteau, on range, on redevient vraiment le côté troupe, le faire ensemble.
Vous avez mis longtemps à vous faire confiance.
Je ne suis pas sûre de me faire confiance. Je ne sais pas s'il faut se faire confiance.
C'est bon de douter, en tous cas moi je doute toujours.
Julie Gayetà franceinfo
Quelle a été votre réaction lorsque vous avez reçu le prix Romy Schneider pour Sélect Hôtel de Laurent Bouhnik en 1997 ?
Je voulais donner le prix au réalisateur parce que je disais, si je suis bonne dans le film, c'est grâce à toi. Ça a été ma réaction. Peu après, ça m'a fait plaisir parce que c'étaient des gens que j'aimais bien. C'est toujours émouvant. Ça a fait plaisir à mes parents, surtout qui ne voulaient pas forcément que je fasse ce métier. C'était rassurant pour eux, je pense. Ils étaient un peu inquiets et c'est en voyant le film d'Agnès Varda en avant-première qu'ils ont validé mon choix.
Votre force est celle d'entreprendre, de voir plus loin. Est-ce que vous avez cette liberté en vous ?
Oui, je crois que c'est peut-être ce que ma famille a de plus féministe.
Comment vous définissez-vous ?
Pudique, je préfère me regarder dans les yeux des autres que me définir moi.
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