Tour de France femmes : "Faire connaître le cyclisme féminin, ce n'est pas un métier, c'est le rêve !", assure Marion Rousse
Marion Rousse est une ancienne coureuse cycliste devenue consultante à France Télévisions. Elle a été sacrée championne de France sur route en 2012 avant d'arrêter d'une façon totalement inattendue parce que très jeune, à 24 ans, en 2015. Depuis 2017, elle commente le Tour de France (TDF) sur France Télévisions. Cette année, le Tour de France masculin débutera à Bilbao le 1ᵉʳ juillet 2023 pour se terminer le 23 juillet à Paris et le Tour de France féminin se déroulera du 23 juillet au 30.
franceinfo : Vous êtes la directrice du Tour de France féminin. Cette année, le départ aura lieu à Clermont-Ferrand. Est-ce que vous êtes fière de représenter justement cette gente féminine ?
Marion Rousse : Oui, je suis très, très fière. Moi, le cyclisme, ça a été toute ma vie et ça l'est toujours. Moi, j'ai été cycliste professionnelle, mais il fallait que j'aille bosser l'après-midi pour avoir un salaire. Évidemment, je n'ai pas connu tout ce que les filles cyclistes peuvent connaître aujourd'hui et je me dis que de pouvoir apporter ma pierre à l'édifice et de faire connaître le cyclisme féminin au plus de personnes possible, ce n'est pas un métier pour moi, c'est le rêve !
Parlons justement de cette passion pour le cyclisme : ça commence effectivement très tôt, à six ans. Il y a ce père à côté de vous, qui fait du cyclisme, vos cousins, aussi, coureurs professionnels. Ça veut dire que vous avez évolué dans cette ambiance-là, de monter sur un vélo, de pédaler, de faire des kilomètres aussi...
Évidemment, c'est venu très tôt à moi parce que j'étais assez turbulente et j'en ai eu assez de regarder les garçons faire du vélo et puis être sur le bord de la route. Donc, très tôt, je me suis décidée à vouloir prendre une licence de vélo. J'ai tout de suite été interceptée par mon père qui m'a dit : "Non, non, tu rigoles, du cyclisme ! Déjà à ton âge, tu es trop jeune et en plus, tu es une fille. Mais c'est déjà tellement dur pour un homme, je n'ai pas envie que ma fille en souffre".
"Après avoir été réticent, mon père a été mon entraîneur, il m'a suivi partout et c'est vrai que force est de constater que j'étais souvent la seule fille au départ autour du groupe de garçons qui était avec moi."
Marion Rousseà franceinfo
Vous vous rappelez de cette première victoire, de ce titre de championne de France ? Vous aviez 19 ans.
Oui, très bien. Je m'en rappelle parce qu'en plus, c'était dans le Nord. Je suis une Ch'ti, il y avait toute ma famille. Mon titre m'a fait évoluer et en même temps, ce n'est pas pour autant que j'ai été payée par la suite. Donc, au niveau de ma carrière, il n'a rien changé.
Pendant très longtemps, le sport au féminin a beaucoup souffert de l'incapacité de certains clubs, de certaines fédérations à injecter de l'argent pour le section féminines. Vous l'avez subi ?
Complètement. Quand les gens te demandaient ce que tu faisais comme boulot et que tu disais que tu étais cycliste professionnelle, ils te regardaient avec des grands yeux en disant : "Mais ça existe ça, des femmes sur un vélo ?" Et la force de notre Tour de France femmes justement, ce n'était pas pour créer une course, c'est la caisse de résonance et l'impact qu'a le TDF, tu ne l'as que dans cette compétition, que ce soit chez les hommes ou chez les femmes. Même des gens qui ne vont pas regarder une course de vélo de l'année, ils vont quand même allumer leur télé au mois de juillet parce que c'est le Tour de France.
Quand vous annoncez à votre "retraite", vous avez 24 ans. Personne ne s'y attendait.
En fait, je faisais plusieurs métiers à la fois et j'avais l'impression de ne rien faire de bien. Mes résultats sportifs ne pouvaient pas être aussi bons parce que l'après-midi, j'allais bosser et qu'en plus de ça, parfois, il fallait que j'aille commenter des courses parce que c'était ma passion. Et au bout d'un moment, j'ai dit : mais ce n'est pas possible, là, je suis en train de me disperser. Je n'avais même presque pas d'avenir avec le cyclisme féminin et je me suis dit : écoute, tu as un métier de consultante à côté qui t'offre la possibilité de pouvoir vivre de ta passion, fonce ! Donc, voilà, j'ai arrêté et je n'ai pas regretté.
D'être consultante, c'était une évidence pour ceux qui vous ont reçu dans certaines émissions comme Les Rois de la pédale.
Moi pas du tout. J'avais dit : non. Pour l'anecdote, quand j'étais gamine et que je faisais du vélo, la pire épreuve pour moi, c'était d'aller chercher ma récompense sur le podium parce que tout le monde allait me regarder. Là, je commence à passer à la télé, c'était vraiment contre-nature et en fait, je me suis prise au jeu parce que je suis arrivée dans une équipe bienveillante aussi et dans une sorte de niche. Eurosport, c'était : "Tu parles à des passionnés, à des initiés de ce sport" donc je n'ai pas été tout de suite jetée dans le grand bain comme à France Télévisions où là, c'est des millions de téléspectateurs. J'ai pu progresser à mon rythme parce qu'au début, tu es quand même moins performante. Tu as peur de prendre la parole, limite, tu lèves la main en disant : "Je peux parler ?" C'est en pratiquant que tu prends beaucoup d'aisance et après, France Télévisions est arrivée au bon moment aussi.
Il y a de plus en plus de femmes qui prennent leur licence de cyclisme. Ça aussi, c'est une belle victoire ?
"De voir, depuis ma voiture de direction de courses, des gamines sur le bord de la route, je me dis : mais on est en train de les faire rêver et de leur donner la chance de pouvoir, un jour, participer à la plus belle course au monde qu’est le Tour de France."
Marion Rousseà franceinfo
Je me souviens, gamine, je ne loupais pas une seule étape du Tour de France, mais du haut de mes six ans, je voyais bien quand même que je ne pourrais jamais participer au Tour de France. Donc je n'avais pas envie que d'autres petites filles aient à vivre ce que j'ai dû vivre.
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