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Violences sexuelles et psychologiques : "La société des adultes n'est pas à la hauteur", le plaidoyer d'Andréa Bescond

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, la danseuse, comédienne et auteure, Andréa Bescond. Elle publie son premier roman, "Une simple histoire de famille", chez Albin Michel.
Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
La danseuse, comédienne et auteure, Andréa Bescond publie son premier roman, "Une simple histoire de famille", chez Albin Michel. (LOU BENOIST / AFP)

Andréa Bescond est danseuse, comédienne, metteure en scène, réalisatrice, et auteure. Elle a signé le livre Les Chatouilles, adapté avec succès au théâtre et au cinéma. La pièce issue de ce texte autobiographique lui a valu de recevoir le Molière seul en scène en 2016 et le film Le César de la meilleure adaptation. Ce texte poignant, déchirant est sa propre histoire, celle d'une petite fille violée pendant des années par le meilleur ami de son père. C'est la danse qui lui a permis de se reconstruire, de rester debout et même en vie et l'écriture. Elle publie son premier roman, Une simple histoire de famille chez Albin Michel ou l'histoire d'un trio formé par Louisette, Hervé et Lio qui ont pour héritage familial la violence et les secrets de leurs proches.

franceinfo : Ce livre est empli d'espoir contrairement à ce qu'on peut lire et imaginer. Finalement, il est une porte ouverte axée sur l'avenir et pas sur le passé. Il montre à quel point le passé doit être justement un moment à laisser derrière soi, ce qui n'est pas vraiment très simple.

Andréa Bescond : C'est exactement ça. Après, ce livre est vraiment une fiction. Il y a plein de petits rendez-vous avec ma vie, évidemment. Mais comme c'est une totale fiction, je me suis beaucoup interrogée sur ça, le transgénérationnel, la transmission des secrets ou justement la non transmission des secrets qui commence à créer des nœuds dans les générations.

Il faut couper le fil ?

Exactement. Oui.

Je ne crois qu'en la vérité. Franchement, je pense que toutes les vérités doivent être dites, même les plus difficiles. Je ne crois qu'en ça.

Andréa Bescond

à franceinfo

Je voulais aussi interroger, questionner la non-violence. Souvent on cherche un peu des excuses aux gens violents en disant : "Oui, mais quand même son enfance a été difficile". Bien sûr, ça arrive, mais ce n'est jamais une excuse. Je pense que tous les enfances sont difficiles. On a toutes et tous eu des loupés et je crois qu'il faut travailler sur soi pour devenir justement une personne hyper bienveillante. Je crois que ça s'impose et après on a le droit à la colère.

Ce qui s'est passé aussi pendant votre enfance, au-delà du traumatisme, effectivement, de cet homme qui a abusé, réabusé de vous sous les yeux de votre mère, finalement, c'est aussi le regard de la famille. Vous avez terriblement manqué de soutien et cette histoire, même si c'est une fiction, la base est quand même une vraie histoire vécue par votre grand-mère. Une histoire qu'on vous a raconté.

Oui. C'est vraiment quand j'ai commencé à interroger le transgénérationnel, je n'étais pas au courant de cette histoire. C'est mon papa qui m'a raconté l'histoire de cette arrière-arrière-grand-mère qui s'était effectivement défendue en tuant son mari, qui était un homme violent. Et je me suis dit : mais tiens, est-ce que la force de cette femme-là n'a pas traversé un peu les générations et je me sens imprégnée ? Maintenant, c'est un vrai rendez-vous dans le récit, je ne raconte pas son histoire puisque ce n'est que de la fiction, mais il y a vraiment un rendez-vous avec ce personnage. Je voulais lui rendre hommage.

Je voudrais savoir où on en est dans la pédocriminalité. Vous, qui, militez pour l'allongement des délais de prescription notamment, vous n'hésitez pas aussi à fustiger l'inaction du gouvernement contre la pédophilie. En France, il y a une fillette sur cinq qui est victime d'agressions sexuelles et 165000 enfants qui sont violés chaque année. On en est où ?

Il faudrait attaquer la prévention dès l'école, en fait.

Il y a les violences sexuelles, mais il y a aussi les violences psychologiques qui sont dramatiques, invisibles et d'autant plus destructrices d'ailleurs.

On gradue beaucoup les douleurs. Mais qui peut juger la souffrance d'une personne ? Qui peut dire que tu vas être moins traumatisé parce que "tonton t'a caressé la fesse au-dessus du jeans", qu'il t'a agressé sexuellement, comparé à quelqu'un qui a eu un viol avec pénétration. Mais en fait, ce n'est pas le viol avec pénétration qui va te traumatiser plus que le viol quand quelqu'un vient de te déshabiller, te forcer, je ne sais pas, à te toucher devant lui.

À partir du moment où l'intégrité d'une personne est violée, pour moi, c'est un viol.

Andréa Bescond

à franceinfo

Encore une fois, tout devrait partir de l'enfance. Je pense que l'Éducation nationale devrait s'emparer de ce sujet-là et apporter de la prévention clairement à l'école, mais dans le programme, il faut des vraies personnes qui soient là à temps plein, dans les collèges, pour créer des débats autour du consentement, autour de la pédocriminalité, l'inceste. Que les enfants, aussi, connaissent ces termes-là, connaissent le fléau d'Internet, la pornographie, tout ça, il faut qu'on ait la responsabilité, nous, la société des adultes, de s'en emparer parce qu'on n'est pas à la hauteur, là, pour l'instant, du tout, du tout, du tout. On n'a pas de politique publique à la hauteur pour l'instant.

C'est justement le combat de votre vie de lutter contre tout ça, des violences faites aux femmes aussi ?

Oui, être dans l'action ! Ce livre est vraiment un livre d'action car ils sont tous les trois dans l'action quand même !

Personne ne lâche rien !

Voilà. Et souvent, quand j'ai des personnes qui me disent : "Andréa, je ne vais pas bien, je ne sais pas comment je vais m'en sortir" par rapport aux violences qu'ils et elles ont subies, enfant. Eh bien je leur dit souvent : c'est vrai qu'on parle, enfin, on réfléchit, on réfléchit, mais essayez de passer par l'action. Prenez soin de vous, faites du sport, de l'art. Le matin, prenez une belle douche et essayez de vous rendre le plus beau ou belle possible à vos yeux. Et ça, ça aide. Etre dans l'action, allez parler aux gens, déverrouillez et vous verrez que plus on parle aux gens, plus on communique, plus on partage et plus la vie est belle.

Le numéro national pour les enfants en danger est le 119

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