Adhésion de l'Ukraine à l'UE : plusieurs capitales européennes appuient sur le frein
Officiellement, tout le monde est d’accord : Kiev a sa place dans l’Union européenne. “L’Ukraine fait partie de la famille”, avait même lancé la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, peu après le début de l’invasion russe, le 24 février 2022. À l’époque, il y avait l’idée que cette promesse d’adhésion était un geste de solidarité, d’encouragement en direction d’un pays sous les bombes. Personne n’y trouvait rien à redire. Sauf que certaines capitales n’hésitent plus à exprimer un certain malaise. À l’image du chancelier autrichien, qui met en garde contre toute "procédure accélérée" en faveur de l’Ukraine. Pas de coupe-file pour Kiev, prévient en substance Karl Nehammer, le dirigeant conservateur de l’Autriche, qui dit tout haut ce que beaucoup d’Européens pensent tout bas.
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Il y a deux raisons à ce changement de ton. D’abord, avec la guerre qui dure, le bloc des alliés de l’Ukraine commence à se fendiller. Le soutien se fait moins inconditionnel. En témoigne le coup de gueule de la Pologne, jeudi 21 septembre, qui a suspendu toute nouvelle livraison d’armes vers Kiev, sur fond de désaccord autour de l’exportation de céréales ukrainiennes. La deuxième raison, c’est le passage de la théorie à la pratique. Sur le papier, rien de plus facile que d’ouvrir les bras à un nouveau membre dans le club européen. Dans la pratique, ce n’est pas si simple d’intégrer un pays de 44 millions d’habitants, soit 10% de la population actuelle de l’UE. Avec un tel poids démographique, il sera relativement aisé de constituer une majorité de blocage au sein des institutions européennes. "Avant de penser à l’élargissement, il faut revoir les règles de prise de décisions dans l’UE", avertit une source française.
L'enjeu des subventions de la PAC
L'Ukraine est également une puissance agricole, ce qui est un autre motif d'inquiétude. Son adhésion suppose de redistribuer les subventions européennes de la Politique agricole commune – autrement dit, les 27 devront mettre la main à la poche. Et risquent une nouvelle concurrence sur le marché des céréales et des volailles. Pour autant, il y a peu de chances que ces réticences entravent, à court terme, le début du processus d’adhésion. Dans un mois, la Commission européenne doit donner son avis. Puis en décembre, les États-membres choisiront, ou pas, d’ouvrir les négociations.
Ces négociations dureront ensuite des années, avec des vérifications régulières sur les réformes entreprises : indépendance de la justice, concurrence, lutte contre la corruption. Ce dernier point représente un fléau pour Kiev, plusieurs affaires ont éclaté ces derniers mois. "N'allons pas trop vite", met en garde un diplomate espagnol. Pour lui, hors de question de "refaire l'erreur d'il y a dix ans", quand l'Europe s'était élargie à marche forcée à dix nouveaux pays de l’Est. Un avertissement qui reflète l’état d’esprit majoritaire au sein des 27.
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