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Bangladesh : la double peine des réfugiés rohingyas dans le camps de Cox's Bazar

Dans l'un des plus grands camps de réfugiés au monde, celui de Cox's Bazar, au Bangladesh, vivent plus d'un million de Rohingyas. Au manque de nourriture, un incendie est venu s'ajouter. Ce dimanche 5 mars, une partie du camps est parti en fumée.
Article rédigé par franceinfo, Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Incendie dévastateur dans le camps de réfugiés de Cox's Bazar, au Bangladesh (STR / EPA)

Côté face, Cox's Bazar est une station balnéaire réputée, plages infinies et vie nocturne animée. Côté pile, dans les terres, c'est un bidonville surpeuplé de plus d'un million de personnes, en majorité des Rohingyas, arrivés en 2017 de Birmanie (la frontière est toute proche) pour fuir les persécutions de l'armée contre leur minorité. Des réfugiés aujourd'hui démunis, sans perspectives, apatrides : depuis le coup d'état militaire birman il y a deux ans, leur retour dans leur pays natal est impossible.

12 000 personnes sans abri

Ce dimanche 5 mars, une partie du camp a été ravagée par un incendie, dont on ne connaît pas encore l'origine. En l'espace de quelques heures en plein après-midi, les flammes ont détruit au moins 2 000 cabanes, des écoles, des centres de soins.

Plus de 12.000 personnes ont tout perdu et se retrouvent aujourd'hui déplacées à l'intérieur du camp. En 2021, déjà, plus de 10.000 abris ont été endommagés dans un incendie similaire et le plus grand centre de santé de l'Organisation internationale pour les migrations avait été détruit. Ouvert 24 heures sur 24, il avait aidé plus de 55.000 personnes l'année précédente et sa perte a compliqué la réponse au défi de la pandémie de Covid-19.

Cette année, la catastrophe est de nouveau un terrible coup qui exacerbe les besoins humanitaires des réfugiés à Cox's Bazar. Les organisations humanitaires internationales et locales tentent de leur trouver des abris temporaires et de quoi manger. 

Des rations alimentaires réduites

Le problème, c'est que la nourriture se fait de plus en rare à Cox's Bazar. Faute de financement, le Programme alimentaire mondial (PAM), qui dépend des Nations unies, vient de réduire ses rations. Les dons sont en baisse, il lui manque 125 millions de dollars. C'est la première fois depuis 2017 qu'il diminue son aide, ce qui risque d'avoir des conséquences dévastatrices pour les réfugiés, notamment les enfants, déjà nombreux à souffrir de malnutrition et de troubles de la croissance. Le PAM a annoncé que l'aide alimentaire mensuelle par personne passait de 12 à 10 dollars en mars, avertissant que d'autres coupes pourraient être "imminentes" sans un apport financier immédiat.

Des conséquences qui d'ailleurs vont au-delà de la question alimentaire. Vingt associations représentant les réfugiés expliquent que si la nourriture manque, cela va augmenter le travail des enfants, les mariages précoces, la prostitution et le trafic de drogue, des maux qui font déjà partie du quotidien sordide de Cox's Bazar. Le rapporteur spécial de l'ONU pour les droits de l'homme en Birmanie parle d'un poids "sur la conscience de la communauté internationale".

Rhétorique anti-Rohingyas croissante

En privé, des diplomates étrangers ont demandé au gouvernement de Dacca d'autoriser les Rohingyas à travailler à l'extérieur des camps, dans le tourisme ou l'agriculture. Mais au fil des ans, la compassion du Bangladesh a fait place à une franche hostilité. "Elle a été remplacée par une rhétorique xénophobe", explique même Ali Riaz, professeur de sciences politiques de l'Illinois State University à l'AFP. Un titre de la presse locale a comparé la présence des Rohingyas à une "tumeur cancéreuse" ; "Ils volent nos emplois (...) et font honte au Bangladesh", accuse Ayasur Rahman, porte-parole d'une organisation locale en campagne contre la présence des Rohingyas. Pour l'instant, les autorités ferment les yeux sur les drames des réfugiés. 


En visite au Bangladesh en août, à la fin de son mandat, l'ex Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de humains Michelle Bachelet s'est dite préoccupée par "la rhétorique anti-Rohingya croissante" et que la communauté puisse servir de "bouc-émissaire". 

En mars, les Etats-Unis ont pour la première fois déclaré officiellement que la minorité des Rohingyas avait été victime d'un génocide perpétré par l'armée birmane en 2016 et 2017. Et en juillet, la Cour internationale de justice, plus haute instance juridique de l'ONU, s'est estimée compétente pour juger une accusation de génocide des Rohingyas contre la Birmanie.

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