Censure de RFI et France 24 au Mali : la fracture s'accentue entre Paris et Bamako
Au Mali, la junte au pouvoir a suspendu jusqu'à nouvel ordre la diffusion dans le pays de RFI et France 24, deux médias publics français accusés de désinformation sur l'armée. Un signe de plus de la fracture entre Paris et Bamako.
C'est peu de dire que les relations entre le Mali et la France sont exécrables. Deux putsch en moins d'un an à Bamako, un pouvoir militaire qui ne veut pas rendre les clés aux civils, et que le Quai d'Orsay qualifie d'"illégitime". L'expulsion d'un ambassadeur le 31 janvier, l'annonce du retrait de l'opération Barkhane perçu comme une trahison après neuf ans de présence, des manifestations anti-françaises. Le déploiement de mercenaires russes de Wagner, armée officieuse du Kremlin. Tous les épisodes de cette crise ces derniers mois avaient déjà conduit les deux pays au bord de la rupture. La censure de RFI et France 24, c'est la cerise sur le gâteau, une décision "grave" pour le chef de l'État français qui y voit "le signe d'une course en avant vers le pire".
La guerre en Ukraine, un facteur aggravant
Le Mali est, avec la Centrafrique, l'une des têtes de pont de l'influence russe en Afrique. Certes à l'Assemblée générale des nations unies, le 2 mars, Bamako ne s'est pas opposé à la résolution condamnant la guerre en Ukraine. Les représentants maliens se sont abstenus. Mais quand les Occidentaux, de nouveau soudés face à Moscou, multipliaient les sanctions contre le régime russe, la junte n'a pas coupé ses liens avec Kremlin, au contraire.
Une dizaine de jours après le déclenchement de la guerre, le ministre de la Défense et le chef d’état-major de l’armée de l’air sont allés à Moscou discuter des équipements livrés à l’armée malienne (essentiellement des armes et des hélicoptères) pour l'aider à lutter contre les djihadistes ; il s'agissait aussi d'évoquer des approvisionnements supplémentaires. Pas tout à fait de quoi favoriser une réconciliation entre Paris et Bamako, qui s'est ostensiblement choisi un nouvel allié. C'est d'ailleurs un reportage sur les exactions présumées de l'armée malienne et des fameux instructeurs russes qui a déclenché la colère de la junte et entraîné la suspension de RFI et France 24.
Toutefois tous les européens ne s'éloignent pas du Mali : l’Espagne et l’Italie par exemple cherchent à maintenir leurs partenariats avec Bamako, notamment pour tenter de contrôler les flux migratoires qui viennent ou qui passent par le Mali. L’Allemagne, qui a des soldats engagés dans la région via la Minusca, la force des Nations unies en Centrafrique, ne veut pas non plus déchirer tous ses contrats.
Des partenariats menacés
Mais avec la France, au-delà de la coopération militaire, tous les secteurs sont touchés. Paris a rappelé ses coopérants présents dans les différents ministères maliens. Les liens culturels pourraient, eux aussi, souffrir de ce divorce (la Biennale africaine de la photographie, plus grande exposition photos du continent, prévue en octobre, est incertaine).
Le 4 mars, une quarantaine de maires et d'élus des collectivités territoriales françaises ont même signé un appel dans l'hebdomadaire Jeune Afrique pour que le dialogue ne soit pas rompu avec le Mali. Tous réclament le maintien de leurs partenariats locaux en matière de santé ou d'éducation pour que la population malienne, en première ligne ne soit pas victime d'une "double peine".
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